Accueil Zoom Opérette barge à Bussang : tous dans les Vosges !

Opérette barge à Bussang : tous dans les Vosges !

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Alors tout d’abord dis­sipons les pre­mières ques­tions : « Bus­sang, c’est où ? ». Dans les Vos­ges : un gros vil­lage abrité par des mon­tagnes ver­doy­antes, un lieu enchanteur (et pour les accros, le vil­lage dis­pose… d’un casi­no). Ensuite : « Le Théâtre du Peu­ple, c’est quoi ? ». Pour résumer, cette mag­nifique aven­ture, qui a débuté l’an­née de l’in­ven­tion du ciné­matographe en 1895, se pro­pose de faire décou­vrir le théâtre à un large pub­lic en pro­posant des pièces orig­i­nales (avec quelques incar­tades dans des oeu­vres du réper­toire voilà quelques années, mais pour la 115ème édi­tion les deux pièces sont du cousu main pour ce théâtre) avec, sou­vent dans la dis­tri­b­u­tion, des ama­teurs et des professionnels.

Théâtre du peuple de Bussang
Théâtre du peu­ple de Bussang

Bâti à flanc de colline, le théâtre tout en bois s’ou­vre sur un décor absol­u­ment mag­ique que les met­teurs en scène utilisent à bon escient. En prime, une atmo­sphère bon enfant règne sur le lieu, le pub­lic venant pour la décou­verte, l’aven­ture d’un moment théâ­tral partagé ensemble.

Voir Bus­sang et mourir ?

Tel est le titre, un rien provo­ca­teur, que Pierre Guil­lois, qui dirige le lieu jusqu’à l’an­née prochaine (les directeurs changent tous les cinq ans) a choisi pour son édi­to. Nous pour­rons lui préfér­er « décou­vrir Bus­sang et y revenir » tant l’ex­péri­ence vaut le détour. Pas éton­nant qu’un pub­lic de fidèles, de plus en plus nom­breux chaque année, se masse sur les bancs en bois pour décou­vrir la pièce de l’après-midi et celle du soir. En effet, deux pièces se parta­gent l’af­fiche cette année : Peau d’Ane et Le gros, la vache et le mainate, une opérette pour le moins barge et déjan­tée. Notons que ce théâtre est financé pour moitié par la vente des bil­lets, une prouesse à l’heure actuelle.

Peau d’Ane

Ecrit et mis en scène par Olivi­er Tchang Tchong, s’ap­puyant sur le con­te de Per­rault mais offrant une lec­ture très psy­ch­an­a­ly­tique, ver­sion noire où l’inces­te est plus que mis en avant, ain­si que le meurtre de l’âne ban­quier, Peau d’Ane mêle donc ama­teurs et pro­fes­sion­nels, offrant un plateau riche et varié.

Peau d'Ane © David Siebert
Peau d’Ane © David Siebert

A mille lieues de la ver­sion musi­cale et ciné­matographique de Jacques Demy, cette relec­ture de deux heures trente souf­fre d’un effet grossis­sant qui, au lieu de per­me­t­tre au spec­ta­teur de redé­cou­vrir le con­te, l’af­fa­dit, surlig­nant à l’ex­cès des élé­ments dra­maturgiques qui n’ont que plus de force que lorsqu’ils sont sug­gérés. Toute­fois la scéno­gra­phie est d’une beauté sai­sis­sante dans la pre­mière par­tie qui se ter­mine en apothéose avec la fuite de la princesse : l’ar­rière de la scène s’ou­vre per­me­t­tant à la comé­di­enne de gravir la colline.

La sec­onde par­tie se situe… dans les enfers. Eh oui la vie de princesse n’est pas tou­jours rose. En plus elle ne sait plus cuisin­er puisqu’il n’est plus ques­tion de gâteau, la bague se trou­vant dans un endroit bien plus intime qu’un vul­gaire cake. Le prince a per­du de sa gour­man­dise, et nous aus­si par la même occasion.


Le gros, la vache et le mainate

Jean-Paul Muel, Pierre Vial, Luca Oldani © David Siebert
Jean-Paul Muel, Pierre Vial, Luca Oldani © David Siebert

Ambiance rad­i­cale­ment dif­férente avec le spec­ta­cle du soir, mis en scène par Bernard Menez. La troupe, com­posée unique­ment de pro­fes­sion­nels, se démène de bout en bout pour faire se gon­do­l­er les spec­ta­teurs. Soit un homme enceint (ten­dance Les mamelles de Tire­sias : tomber enceint pour un homme est tout à fait nor­mal, sauf qu’i­ci on n’a pas besoin de chang­er de sexe), qui repeint la cham­bre du futur bébé avec son amoureux. Soit deux tantes, tantes Schmurtz et tante Chose (ten­dance Pat­sy de Ab Fab, plus teigneuses et bitch qu’il n’est humaine­ment pos­si­ble), un jeune homme peu avare de sa plas­tique et une pianiste. Le réc­it, com­plète­ment loufoque, ressem­ble à une farce dessalée, avec mise en abîme et tut­ti frut­ti… Mine de rien, sous des aspects où le salut vient par le rire, le pro­pos de Pierre Guil­lois, auteur (et acteur) emprunte des chemins plus tortueux, ceux de l’ac­cep­ta­tion, du poli­tique­ment cor­rect, écor­nant à loisir bon nom­bre de pon­cifs. Les deux tantes, jouées avec une tru­cu­lence sans faille par Jean-Paul Muel et Pierre Vial offrent des numéros de duet­tistes désopi­lants, Olivi­er Mar­tin-Sal­van n’est pas en reste et Luca Oldani charme avec décon­trac­tion tous les publics… L’au­teur avoue ne rien y con­naître en théâtre musi­cal, abor­dant le genre avec une décon­trac­tion bien­v­enue et pour tout dire rafraîchissante. Mis en jambes par Sophie Tel­li­er, superbe­ment décorée par Audrey Vuong et éclairé par Jean-Yves Cour­coux, cos­tumés avec moult couleurs par Axel Aust, ce gros, cette vache et ce mainate qui voltige dans la salle, se laisse déguster avec bon­heur, le tout porté par les jolies musiques de François Fouqué inter­prétées au piano par Lau­ri­an Daire. Un spec­ta­cle idéal pour tester l’é­tat de vos mus­cles zygomatiques.

Les représen­ta­tions durent jusqu’au 28 août. Et bien sûr vous pou­vez ren­con­tr­er à l’is­sue des représen­ta­tions les pro­tag­o­nistes, ce joli théâtre bucol­ique n’ayant pas oublié l’indis­pens­able buvette. Ultime ques­tion : « Bus­sang, c’est loin ». Bien enten­du cela dépend de où on se trou­ve. Mais les moyens de trans­port ne man­quent pas (un TGV va même jusqu’à Remire­mont, ville située à 30 min­utes de Bus­sang). En résumé, nulle excuse n’est val­able : ren­dez-vous toutes affaires ces­santes dans les Vosges !

Un site à con­sul­ter pour en savoir plus : celui du Théâtre du Peu­ple.