
La culture au bout du RER
Même si à l’heure de la mondialisation, faire sortir les Parisiens de leur cité pour les faire aller dans les cités relève toujours de la gageure, un voyage à Massy compense largement une desserte un peu erratique, question transports communs ! Si vous hésitez encore en pensant qu’il n’est point de salut au-delà du périph’, tant pis pour vous ! Avec une salle remplie à 80% par le public de la ville et du département, l’Opéra de Massy prouve qu’on peut porter haut les couleurs du lyrique auprès de spectateurs qui n’auraient peut-être pas fait non plus le voyage inverse vers le triptyque Bastille-Garnier-Châtelet.
L’Opéra-Théâtre de Massy (puisque tel est son nom complet) est un ensemble architectural agréable et sans prétention entouré, banlieue oblige, d’un petit centre commercial. C’est surtout une structure qui ne se révèle qu’une fois passée sa façade de verre. L’ensemble est beau et confortable et offre un rapport idéal entre la petite salle (800 places) et l’ensemble plateau (500 m²)-fosse (prévue pour 80 musiciens !).
Du point de vue financier en revanche, le rapport est évidemment moins favorable, d’autant que les prix sont maintenus bas pour tous, et en particuliers pour les Essonniens ou les abonnés. « Quant à l’Etat », rappelle Jack-Henri Soumère, le directeur, « il fournit ‘généreusement’ une subvention de… 500 000 francs » sur un budget général supérieur à 10 millions de francs… Vincent Delahaye, le maire, devra donc (et tout le département avec lui) encore longtemps mettre la main à la poche. Mais, après tout, un opéra dans sa ville, ça change de l’habituel stade de foot pour hooligans fascisants. D’autant que la politique d’ouverture vers de nouveaux publics (maisons de quartier, centres sociaux etc.) est particulièrement dynamique.
Une saison lyrique variée mais plus sage
Monsieur le Maire a donc toutes les raisons de se réjouir de la notoriété grandissante de son vaisseau-amiral, notoriété qu’il doit depuis ses débuts il y a sept ans à la programmation de son directeur et directeur artistique. Comme il le concède avec humour : « A Massy, il y a le maire, et il y a le Sou… mère ». Dans la salle en effet, tout en échangeant des potins sur sa confirmation à venir à la tête de Mogador, chacun est venu écouter « JHS » (faisons court) présenter la saison 2000–2001. Elle devrait être « un peu plus sage » que les précédentes. Manifestement, certains avant-gardismes (la scène finale du Lac d’argent par exemple ?) ont eu du mal à passer auprès des abonnés. « Il n’y aura pas de nudité sur la scène cette année », confirme Jack-Henri Soumère. De la difficulté de devoir plaire à tous…
Heureusement, cela n’empêche pas la programmation annoncée d’être plus alléchante que jamais. Après un récital exceptionnel de la grande soprano colorature américaine June Anderson en guise de lever de rideau, les deux temps forts de la saison opératique seront les productions maison, Le vaisseau fantôme de Wagner mis en scène par le jeune Didier Karsten et Madame Butterfly de Puccini par Claire Servais. Mozart (Cosi Fan Tutte), Richard Strauss (Ariane à Naxos) et Tchaïkovski (La dame de pique) seront également à l’honneur.
Ballets classiques et tendance
La musique, grâce à la présence de l’Orchestre de Massy (sous la direction de Dominique Rouits) et de l’Orchestre National d’Ile de France, ainsi que la danse seront bien évidemment présentes.
Au delà des chorégraphies classiques et néoclassiques obligées, on notera avec intérêt la programmation de troupes plus contemporaines, telles celle de l’ibérique Blanca Li (que tout le monde s’arrache en ce moment !) qui amène la culture de la rue sur la scène des plus grands théâtres avec son Stress (pète pas les plombs). Encore qu’en l’occurence, les tags et aures traces de la culture urbaine, il y en a déjà un peu partout autour de l’Opéra ! Quant au Ballet Rheda, inclassable puisque enchaînant chorégraphies avant-gardistes et émissions de variétés télévisées (et même les danses du futur Roméo et Juliette, de la Haine à l’Amour !), il prend résidence à Massy pour trois ans. Rheda, dans une version crâne rasé qui contraste avec ses récentes apparitions dreadlockées, en a profité pour annoncer la création de Noor, deuxième partie d’une série commencée l’an dernier avec Seem-City. L’extrait qui en a été donné lors de la présentation montre que Massy n’abandonne pas tout à fait — heureusement — le désir de désarçonner un peu ses habitués.
Enfin, la programmation théâtrale sera axée autour de quelques grosses têtes d’affiche moliérisées (A torts et à raisons, Un sujet de roman, Paroles [de Jacques Prévert]…) ou de variétés (Enrico Macias, Hélène Ségara…) et un musical, Starmania.
En 2000–2001, les bonnes raisons ne manqueront pas d’aller à l’Opéra de Massy… que vous connaissiez ou pas la tour érigée qu’habite Tabatha Cash ! Comme quoi, dans « culture », ce sont les quatre dernières lettres qui font toute la différence !