Spectacle musical de Fellag
Librement inspiré de « l’Opéra des gueux » de John Gay
Livret : Fellag et Émile Herlic
Mise en scène : Jérôme Savary
Avec :
Fellag
18 comédiens-chanteurs, danseurs, danseuses
Orchestre arabo-andalou
L’Opera d ‘Casbah n’est pas une adaptation de L’Opéra de Quat’Sous. Le projet initial n’ayant pas obtenu l’agrément des dépositaires de l’oeuvre de Bertold Brecht et de Kurt Weill, le public en est averti au début de la représentation. Nous découvrons par la suite que le spectacle ne s’apparente pas non plus à un opéra, mais à un one man-show entrecoupé de chansons arabo-andalouses et de danses orientales. La scénographie de Jérôme Savary paraît bien décalée. Les photos de la casbah projetées sur scène semblent peu contributives voire mal appropriées. En prélude, deux comédiens préparent l’arrivée de Fellag avec des sketches quelque peu convenus, évoquant par exemple avec humour l’intégration réussie d’un Algérien en France. Après une entrée en matière assez laborieuse et malgré une chorégraphie approximative et purement ornementale, les pauses musicales permettent tout de même d’attendre agréablement le maître de cérémonie. L’orchestre s’en tire plus qu’honorablement et redonne ainsi un peu de vitalité à l’ensemble, grâce à des chansons populaires arabes assez entraînantes.
Heureusement, l’entrée en scène de Fellag nous sort de notre torpeur. La finesse de son humour et surtout l’intelligence de sa construction narrative nous envoûtent littéralement. Le comédien, très à l’aise dans son registre habituel, dépasse avec virtuosité le cadre du simple divertissement, et la dimension politique sous-jacente confère une certaine épaisseur à ses propos. L’ironie n’épargne donc pas nos hommes politiques, ni même certains comportements hypocrites des Français dans leur ensemble. Grinçant mais jamais agressif ou outrancier, l’humour politiquement incorrect de Fellag surprend par sa légèreté. Son jeu, tout en retenue et non dénué d’un certain lyrisme, y contribue grandement. Surtout sa distanciation à l’anglaise, pleine d’élégance et de dignité lui permet de glisser de temps à autre dans l’absurde afin de nous éviter l’épuisement. Dommage qu’à la fin la construction soit moins aboutie, et que les thèmes soient un peu redondants et moins pertinents. Car la tentation de décrocher est grande dans la dernière saynète. En effet, après un départ magistral, la fin semble bien fade en comparaison.
On l’aura compris, tout repose sur les épaules de Fellag. Ceux qui aiment son style seront comblés. Pour les autres il faudra se contenter d’un mélange d’humour, de musique et de danse dans le genre spectacle de cabaret.