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Opéra Comique : Saison 2000–2001 — La renaissance !

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Jérôme Savary ©DR
Jérôme Savary ©DR
Jérôme Savary l’as­sure : le pub­lic de la salle Favart ne crèvera plus de chaleur à cause du manque de cli­ma­ti­sa­tion. Et de promet­tre dans la foulée que l’af­freuse lentille acous­tique au pla­fond va enfin être ôtée pour y réin­staller le grand lumi­naire. Sans compter la fos­se, agrandie incon­séquem­ment il y a quelques décen­nies, qui va retrou­ver sa taille ini­tiale… « Quand je quit­terai ce poste, on me dressera peut-être une stat­ue, nue, comme celle-ci ! », dit-il en désig­nant l’une des deux cari­atides dorées à l’or fin qui font mine de soutenir le rideau de scène.

L’opéra comique vient de la rue 
Le per­son­nage est bien sûr un brin mytho-méga­lo, ten­dance demain-on-rase-gratis, mais il l’est avec cette pointe d’ingé­nu­ité qui fait qu’on l’aime aus­si pour ça. Sa nom­i­na­tion à la tête de l’Opéra-Comique, après la qua­si-mise en fail­lite de la ges­tion précé­dente n’est pas passée inaperçue. Et d’au­cuns de se deman­der si cette salle, qui tra­verse une cirse d’i­den­tité depuis trop longtemps, méri­tait d’être con­fiée à un tel bateleur… Et que dire du reproche de cette de vul­gar­ité dont il aimerait à se drap­er selon ses détracteurs ?
Mag­ic Savary bal­aie cette crainte d’un revers de son écharpe blanche : « C’est oubli­er que l’opéra comique — un genre avant d’être un lieu — vient de la rue. Et cette salle a été celle de toutes les audaces. Car­men qui y a débuté a été qual­i­fiée d’oeu­vre pornographique ! Je veux en faire ce théâtre musi­cal pop­u­laire qui man­quait à Paris ».

De fait, après l’an­nu­la­tion de la sai­son en cours, et alors qu’il ne pren­dra offi­cielle­ment pos­ses­sion des lieux qu’à la ren­trée, il a tra­vail­lé très vite pour offrir une pro­gram­ma­tion 2000–2001 riche, jouis­sive et qui met déjà l’eau à la bouche. Pour la présen­ter, il s’est entouré de quelques-unes de ses futures têtes d’affiche.

Un éclec­tisme de saison
La sai­son sera moins lyrique que les précé­dentes, plus axée opérette et comédie musi­cale. « Avec le bud­get que j’ai, de toute façon, je ne peux pas con­cur­rencer l’Opéra de Paris ou le Châtelet. Donc, il faut faire rad­i­cale­ment dif­férent. Je met­trai en avant ce qu’on appelle par­fois en France, où l’on sem­ble en avoir honte, la musique légère. Est-ce à dire que l’autre serait lourde ? ».

Côté spec­ta­cles musi­caux, il repren­dra donc La Péri­c­hole, son plus gros suc­cès à Chail­lot Et il enchaîn­era avec Mist­inguett, la dernière revue. « Il ne s’ag­it d’ailleurs pas à pro­pre­ment par­ler d’une revue mais bien d’une vraie pièce. Jean-Marc Thibault y sera Volter­ra, le célèbre directeur de salles, et Ginette Garcin, l’ha­billeuse de Miss ».
Et c’est à ce moment là que l’in­croy­able se pro­duit : quelqu’un parvient à vol­er la vedette à Savary ! En deux chan­sons (« Je cherche un mil­lion­naire » et « Mon homme ») et un éclat de rire car­nassier, Lil­iane Mon­tevec­chi soupèse et emballe la salle. Meneuse de revue égarée un temps à Hol­ly­wood et depuis, avec grand suc­cès, vedette à Broad­way, elle revien­dra pour la pre­mière fois depuis des années à Paris. « D’i­ci quelques mois », admet le maître de céré­monie, mag­nanime, « elle va devenir culte dans tous les milieux branchés ». Et comme la grande Miss M a vrai­ment un rire de gorge et une gouaille inim­ita­bles, le doute n’est guère permis.

Autre (re)création très atten­due, celle de La mas­cotte. Si cette opérette est un peu passée à la trappe aujour­d’hui, on en con­serve au moins le sou­venir grâce à sa kitschissime chan­son des din­dons et des mou­tons ! C’est Isabelle Ver­net, grande voix lyrique, et Jacques Sereys qui en seront les vedettes. « La taille de la salle nous per­met d’être moins sonorisés qu’à Chail­lot qui est très grand. Mais sonorisés ou pas, j’en prof­ite pour rap­pel­er que dans mes spec­ta­cles, tout est tou­jours en direct. Je préfère un chanteur qui a un soir la voix un peu fatiguée à ces shows karaoké où l’on pra­tique bande-son et play-back ! ».

Des spec­ta­cles branchés et à des­ti­na­tion des jeunes 
Dans des gen­res très dif­férents, l’Opéra-Comique pro­posera Shock­head­ed Peter, un « junk opera » avec… les Tiger Lil­lies, Tout Rossi­ni (non pas l’in­té­grale de Rossi­ni, mais bien celle de ses opéras en un acte !) et Macadam Macadam, un bal­let déjan­té de Blan­ca Li. Ses danseurs de hip-hop et autres artistes des rues graf­fiteront les ors de Favart !
Même ceux qui avaient caressé un temps l’idée de con­ver­tir cette salle en un tem­ple baroque se con­soleront avec Catone in Uti­ca où le grand chef d’orchestre Jean-Claude Mal­goire a dû « palimpses­ter » la par­ti­tion de Vival­di, en par­tie perdue.
Les jeunes, dont Savary a pu con­stater à Chail­lot qu’ils avaient afflué en masse pour voir La Péri­c­hole, seront l’une de ses cibles de choix. Les représen­ta­tions se dérouleront rel­a­tive­ment tôt (les soirées sont à 20 heures et il y aura beau­coup de mat­inées) et les prix des places pour les spec­ta­cles musi­caux sont rel­a­tive­ment bas. Et cer­tains spec­ta­cles visent délibéré­ment le jeune pub­lic, comme l’ini­tia­tive très intéres­sante de La Péniche Opéra, Faisons un opéra ou le petit ramoneur, à par­tir de la musique de Ben­jamin Brit­ten. La met­teur en scène Mireille Lar­roche a bien pré­cisé : « Nous voulons les séduire pour qu’ils revi­en­nent plus tard dans cette salle… et ailleurs ».

L’Opéra-Comique en fête 
Pro­pos­er des oeu­vres du réper­toire et des créa­tions, avec de vrais chanteurs, des comé­di­ens, des orchestre live, et for­mer le goût des nou­velles généra­tions au théâtre musi­cal : il faut avouer que le pro­gramme est plus qu’alléchant.
D’au­tant qu’il y a ce sens de la fête et du délire que Savary pos­sède au plus au point et qu’il entend faire raison­ner fort sous les voûtes de Favart. « Pour le car­naval, nous inviterons les Parisiens à venir déguisés, nous organ­is­erons un bal masqué. Et puis, pour le réveil­lon du 1er jan­vi­er, nous par­o­dierons le grand bal de Vienne, cette ville où il se passe en ce moment des choses sin­istres. Et je dirig­erai moi-même à la baguette la ‘Valse de l’Em­pereur’ « . Gageons que cela don­nera des aigreurs à Haider…
« Il va y avoir de quoi s’en­voy­er en l’air », con­clut Jérôme Savary. Il faut bien sûr enten­dre par là, un « Air » d’opéra-comique !