Olivier Desbordes, la grande nouveauté de cette année pour le Festival de Saint-Céré, c’est l’ouverture du nouveau Théâtre de l’Usine. Qu’amène ce lieu par rapport au contexte précédent ?
On a un théâtre professionnel qui nous permet de recevoir d’autres spectacles que les nôtres. Ça permet aussi d’y préparer les spectacles d’été et de développer une programmation d’hiver. Cela va permettre également de faire des répétitions devant des jeunes en période scolaire.
En plus du Théâtre de l’Usine, on a l’ancienne salle, l’hébergement pour recevoir des artistes donc c’est un lieu qui va être fait pour construire des spectacles.
On a commencé à programmer depuis quelques années pour préfigurer ce théâtre l’hiver. La saison dernière, on a au 3.500 spectateurs, cette saison on en a eu 9.000 : il y avait une attente. Souvent, en culture, l’outil crée la demande. Des grandes villes qui n’ont pas de théâtre en ouvrent un et ont plein de monde. Comme quoi il fait ouvrir des théâtres partout !
Parlez-nous de votre association avec le Festival de Théâtre de Figeac.
Depuis six ans, on essaie de monter un concept de pont entre le théâtre et l’opéra, la musique et la parole. Ce sont deux festivals qui ne font qu’un, qui ont chacun une couleur mais qui ont des passerelles. L’Opéra de Quat’Sous en est une.
Les artistes sont aussi des passerelles : Michel Fau est passionné d’opéra et a fait des mises en scène ici. Il y a des bons chanteurs qui sont aussi de bons comédiens. On essaye de brouiller les pistes et décloisonner. La spécificité de nos deux festivals, c’est de construire des spectacles, encore une fois : on a une âme de producteur, on n’achète pas un catalogue.
Dans le fonctionnement du festival, on remarque un vrai esprit de famille.
Il y a un état d’esprit que j’aime, mes spectacles ne marcheraient pas sans cet état d’esprit. Certains nouveaux venus hallucinent un peu au début mais ils s’intègrent. Ce n’est pas la même manière de faire que dans les théâtres d’opéra habituels. C’est ludique, on s’amuse mais tout en faisant sérieusement les choses. C’est comme ça que j’entends mon métier, sinon je m’ennuierais.
Parlons de la programmation de cette année. Monter L’Opéra de Quat’Sous, c’était l’enchaînement logique après Cabaret ?
C’est la troisième fois que je le mets en scène : j’aime beaucoup cette œuvre, son contexte, les années 30 allemandes. C’est intéressant de voir comment cette culture foisonnante n’a rien empêché.
Et il y a un lien logique avec Cabaret, même si la vision américaine est plus sentimentale et plus linéaire que Quat’Sous, plus anarchiste et différent au niveau politique.
De plus, on a arrêté de tourner Cabaret pour des raisons de droits, on s’est retrouvé en plan avec l’équipe et on a décidé de monter Quat’Sous : l’occasion a fait le larron.
Vous avez des parti pris visuels très forts. Comment préparez-vous un spectacle en amont ?
Je remplis mon disque dur, j’attends que ça tourne, je ne réfléchis pas et ça sort : ce n’est pas une méthode universitaire. Je vois des films qui n’ont aucun rapport avec le sujet mais qui m’aident a y réfléchir. Pour Quat’Sous, c’était Lola Montès, le cirque. Mr Peachum est un meneur de cirque avec une ménagerie. Ca permet de gérer les scènes comme des numéros et de plus, c’est dans l’esprit de Brecht. Et comme c’est une pièce anarchiste, je trouvais que c’était bien de la couper en rondelles. Après, il y a aussi des souvenirs d’enfance comme la cage à lions, j’étais fasciné par ça quand j’étais petit. Les choses apparaissent dans la tête et parfois on se demande d’où ça vient.
Sur Traviata, je suis parti de Persona de Bergman et de l’analyse jungienne, et de là, j’ai décliné. C’était beaucoup plus réfléchi. J’ai fait cinq mises en scènes de Traviata en 25 ans, je voulais terminer en mettant en scène l’agonie définitive.
Et pour La Périchole ?
Quand on ouvre la partition et que le premier chœur est : « réjouissons-nous parce qu’on nous a payé pour ça », ça dit toute la pièce. Politiquement, cette pièce est super. Elle dit des choses incroyables sur le pouvoir, sur le statut d’artiste : on n’est que des amuseurs après tout.