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Oliver Twist (Critique)

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oliver-twistD’après Oliv­er Twist de Charles Dickens.
Adap­ta­tion : Danièle Klein et Eric de Dadelsen.
Mise en scène : Olivi­er Mellor.
Avec Jean-Christophe Binet, Marie Lau­re Bog­gio, Marie-Béa­trice Dar­d­enne, François Decayeux, Dominique Her­bet, Olivi­er Mel­lor, Adrien Michaux, Marie-Angèle Moreno, Rémi Pous, Stephen Szeke­ly et en alter­nance Thomas Cham­plois et Léonard Jacquot.
Musi­ciens et chan­sons orig­i­nales : Séverin « Toskano » Jean­niard, Cyril « Diaz » Schmidt, Romain Dubuis, Louis Noble, Boris Bénéz­it, Olivi­er Mellor.
Pro­duc­tion : Com­pag­nie du Berg­er et Com­pag­nie Syma.

Oliv­er Twist est l’un des plus grands romans de Charles Dick­ens. C’est aus­si une saga : l’histoire du des­tin d’un « orphe­lin uni­versel », arché­type de l’innocence per­due dans le Lon­dres mal­famé et crasseux de la fin du XIXe siècle.
On y croise des per­son­nages drôles et sym­pa­thiques, plein de cette bon­té vic­to­ri­enne, mais aus­si des per­son­nages sans scrupules, affreux, sales et méchants, qui balis­eront le chemin de ce petit garçon chahuteur et vio­len­té. Dans les yeux d’Oliver Twist, et sous la plume de Dick­ens, se reflè­tent les plus bas instincts des bas-fonds lon­doniens, et toute l’humanité per­due au prof­it de l’exploitation de l’homme par l’homme.
Mar­i­on­nettes, musique et chan­sons se mêleront à cette aven­ture, car dans Oliv­er Twist, il y a avant tout et mal­gré tout le tri­om­phe de la vie, et de l’amitié.
A par­tir de 8 ans.

Notre avis :

Même pour qui n’a pas lu le volu­mineux roman de Dick­ens, il est aisé d’imaginer la dif­fi­culté d’adapter pour la scène, dans un for­mat d’une heure et quar­ante-cinq min­utes, ce qui était à l’origine un feuil­leton dont la paru­tion des épisodes dans une revue men­su­elle a duré deux ans. Il a donc fal­lu à Danièle Klein et Eric de Dadelsen tailler dans le vif, par­fois au prix d’un resser­re­ment et d’ellipses déroutants pour le spec­ta­teur qui décou­vri­rait l’œuvre. De fait, on a par­fois du mal, surtout en début de spec­ta­cle, à iden­ti­fi­er qui est qui, et à reli­er les dif­férents tableaux entre eux. Ajouter à cela les patronymes anglais, quelques dia­logues noyés dans une ampli­fi­ca­tion incer­taine et le fait que des comé­di­ens jouent plus d’un per­son­nage – comme c’est la cou­tume dans ce genre de spec­ta­cle –, et la con­fu­sion s’installe !
C’est la seule vraie réserve que l’on puisse for­muler à pro­pos de ce spec­ta­cle qui vise haut en affichant vingt-et-un artistes mul­ti-tal­ents sur scène et pro­pose une scéno­gra­phie très aboutie, en par­ti­c­uli­er dans la flu­id­ité des change­ments des décors (et ils sont nom­breux !). Grâce à des lumières sen­si­bles, des effets météorologiques effi­caces et des décors sim­ples mais évo­ca­teurs, c’est tout à fait l’époque vic­to­ri­enne que l’on nous donne à vivre dans sa dual­ité, celle des salons bour­geois où pré­vaut la morale et celle, pois­seuse, d’un Lon­dres plongé dans un fog per­sis­tant qui draine son con­tin­gent de voleurs peu fréquentables.
Si les dia­logues sont entière­ment par­lés, la musique reste extrême­ment présente, par les entraî­nants tut­ti d’ouverture et de fin, et par les inter­mèdes chan­tés pen­dant les change­ments à vue des décors qui don­nent l’occasion aux pro­tag­o­nistes de s’épancher. Plus que par les paroles, on est immé­di­ate­ment séduit par la diver­sité des styles – bal­lade, folk, marche, jazz, manouche, chan­son à cou­plets, Brahms, requiem, rock alla Bea­t­les –, et par l’engagement des musi­ciens – sax­o­phones, con­tre­basse, piano, melod­i­ca, flûtes, gui­tares, per­cus­sions… – qui donne par­fois l’impression qu’on est venu assis­ter à une suc­ces­sion de mini-con­certs privés dans un caveau.
Enfin, qu’on soit adulte ou enfant, com­ment ne pas être fasciné par ces mar­i­on­nettes à taille humaine qui s’insèrent avec un naturel con­fon­dant dans la galerie des per­son­nages et qui, à chaque dode­line­ment ou à chaque inflex­ion de voix de leurs manipulateur/trice, vous don­nent l’étrange sen­sa­tion qu’elles sont des êtres de chair et de sang ?
Il serait donc regret­table de pass­er à côté de ce spec­ta­cle, ambitieux et orig­i­nal par ses mul­ti­ples formes d’expression (théâtre, chant, musiques, mar­i­on­nettes), qui a le grand mérite de ne pas vers­er dans la facil­ité du genre tous publics et qui, par son his­toire uni­verselle et sa mise en scène inci­sive, séduira grands et moins grands.