
Musique : Richard Rodgers
Lyrics : Oscar Hammerstein II
Livret : Oscar Hammerstein II, basé sur la pièce de théâtre « Green Grow the Lilacs » de Lynn Riggs.
Création
A Broadway le 31 mars 1943 au St James Theatre, à l’affiche pour 2212 représentations.
Mise en scène : Rouben Mamoulian
Chorégraphie : Agnes de Mille
Production : The Theatre Guild
Avec : Alfred Drake (Curly), Joan Roberts (Laurey)
Principales chansons
La première partition de Rodgers et Hammerstein annonce clairement leur style : des mélodies simples et magnifiques, une construction musicale grandiloquente, des orchestrations soignées, des lyrics poétiques, le tout parfaitement intégré à la dramaturgie de la pièce de théâtre.
Oh, What a Beautiful Mornin’; The Surrey with the Fringe on Top; Kansas City ; I Cain’t Say No; Many a New Day ; People Will Say We’re in Love ; Pore Jud ; Out of My Dreams ; All er Nothin’ ; The Farmer and the Cowman ; Oklahoma.
Synopsis
Dans une petite bourgade de l’Etat d’Oklahoma nouvellement créé, entourée d’une immensité de champs de maïs, un drame passionnel va perturber la vie bien tranquille de gens bien sympathiques. La jolie Laurey, dans un moment d’égarement, s’est promise à Jud, le méchant du village qui collectionne, accrochées sur son mur, les photos de danseuses de cancan ! Curly, le beau cow-boy un peu bohême, est amoureux d’elle, mais elle est une jeune fille convenable et refuse de lui céder. Aussi, Curly, se tourne vers l’idiote du village tandis que Jud s’avère être de plus en plus violent. Tout le village s’en mêle et, de course en poursuite et de pique-nique en bal du samedi soir, de combats au couteau en incendie maîtrisé, la belle finira dans les bras du beau et le méchant finira en enfer selon les règles puritaines de l’Amérique profonde…
Le thème
On peut le constater, l’histoire est simple. Ce qui fait l’intérêt majeur de cette oeuvre, c’est le traitement du sujet. En effet, la dramaturgie exprimée par l’enchaînement des scènes et la montée de la tension, la psychologie des personnages relativement bien exprimée au travers des chansons, l’exploitation de saynètes typiquement « western » (le bal, le pique-nique, le vendeur itinérant, les danseuses de cabaret, les carrioles, etc.) donnent à l’oeuvre une consistance bien supérieure à celle de toutes les opérettes traditionnelles. Monté en 1943, en pleine guerre donc, le spectacle se devait par ailleurs d’exalter les valeurs américaines, on aurait pu s’attendre à pire en matière de propagande. La chronique d’un village de l’Ouest, à priori aimable, possède ses zones d’ombre que le livret ne ménage pas. On sent poindre, à travers certains personnages (le VRP au nom arabe, la tante délurée ou le méchant pour lequel on éprouve malgré tout une certaine sympathie) et certaines scènes (bagarres, semi-lynchages, tergiversations amoureuses des deux protagonistes féminines) une certaine inquiétude sur ce que l’Amérique pourrait devenir…
L’histoire derrière l’histoire
Après 25 années de collaboration fructueuse et de grands succès à Broadway, le couple d’auteurs Richard Rodgers-Lorenz Hart se sépare en 1942. Si le second ne survit pas longtemps à cette séparation (il meurt l’année suivante), le premier se voit alors proposer un nouveau projet original par la Theatre Guild qui, au bord du gouffre, cherche à produire un gros succès. Richard Rodgers propose Oscar Hammerstein II comme librettiste et parolier : en effet, lors de la reprise d’une oeuvre de Rodgers et Hart pour un show universitaire en 1920, ils avaient écrit ensemble une chanson (« Room for One More ») pour l’y rajouter. Oscar Hammerstein II, depuis 10 ans, n’a subi que des échecs et accepte immédiatement la proposition. C’est pour lui l’occasion inespérée d’appliquer quelques recettes du spectacle musical tel qu’il le conçoit : quelque chose qui tient de l’opérette par le choix du thème (souvent un peu folklorique), par la poésie grandiloquente des textes, et par des envolées musicales spectaculaires, mais également de la comédie musicale telle que l’a développée Broadway au cours des années 1930 par l’inclusion de ballets élaborés, par une certaine conscience sociale dans l’histoire et le texte, et surtout par un subtil dosage entre l’humour et le drame. Il impose à Richard Rodgers une manière radicalement différente de travailler. En effet, auparavant, Lorenz Hart écrivait ses textes sur les musiques déjà faites, alors que désormais, Richard Rodgers devra les composer sur les textes de Oscar Hammerstein II. Il en résulte alors une partition musicale « née » du texte, et donc toute empreinte de ce lyrisme emphatique qu’affectionne Hammerstein. Certains experts considéreront alors que Richard Rodgers régresse dans sa façon de travailler et lui reprocheront fréquemment d’avoir contribué d’une certaine manière à donner de la musique de scène américaine une « impression de guimauve pour grands choeurs mormons ». La chorégraphie du spectacle est confiée à Agnes de Mille, chorégraphe « contemporaine » aujourd’hui classique, et donc non habituée de Broadway. Le résultat sera tout à fait original et étonnant pour un spectacle de Broadway et peut être vu dans la version cinématographique réalisée en 1955.
Oklahoma ! obtiendra un succès sans précédent dans l’histoire de Broadway et inaugurera la série triomphale de spectacles musicaux estampillés « Rodgers & Hammerstein » qui se déclineront ensuite en versions cinématographiques très fidèles et également célébrissimes.
Versions de référence
Production originale de Broadway (1943) sur disque Decca DL (7)9017
Productions de studio Harmony 7364/11164 et Columbia OL 8010/OS 2610
La version filmée (1955) sur disque Capitol (S)WAO 595 et bien sûr disponible en vidéo et DVD.