Parlez-nous de vos deux créations de cette 17e édition.
Nous présentons deux œuvres peu connues du grand public, Gianni Schicchi de Puccini, et Best Side Stories — Les mondes imaginés de Bernstein. Pour l’un comme pour l’autre, nous avons voulu nous éloigner des clichés : du Puccini drôle, du Bernstein autre que West Side Story. Ces deux spectacles ont aussi en commun le mélange des genres. Notre adaptation de l’opéra de Puccini mêle joyeusement cabaret, lyrique et marionnettes, le spectacle Bernstein mêle professionnels et amateurs, musiciens jazz et classiques, chanteurs et comédiens.
J’ai confié l’écriture du spectacle Bernstein à deux jeunes metteurs en scène : Marc Sollogoub et Thomas Horeau. Je réalise moi-même la mise en scène du spectacle Puccini.
Gianni Schicchi est un opéra-bouffe en un acte. Notre compagnie en propose une mise en scène originale où les personnages sont représentés par des marionnettes manipulées à vue par les chanteurs. La troupe réunit de jeunes chanteurs issus du Conservatoire National Supérieur de Paris, du CNIPAL de Marseille, du Jeune Choeur de Paris, etc. Ces jeunes artistes, déjà solistes dans de nombreuses productions lyriques, seront, pour ce projet, formés à la manipulation de marionnettes par Antonin Lebrun, le créateur des « créatures », jeune diplômé de l’Institut International de la Marionnette à Charleville- Mézières.
Cette édition de Not’en bulles sera aussi la dernière. Quelle en est la raison ?
Avec une augmentation de 30 % du public ces dernières années (6 à 7 000 spectateurs sur quatre jours), et un auto financement passé de 29 à 40 % , ce festival est un vrai succès, sans « stars » et avec une programmation loin des sentiers battus.
Alors, pourquoi s’arrêter, puisque ça marche bien ? Parce que, pour maintenir la diversité et la richesse de la programmation, tous les bénévoles ont travaillé «au-delà» d’un investissement « normal », persuadés que les élus seraient alors convaincus qu’il y avait là un projet cohérent et une équipe dévouée qui méritaient un soutien important.
A notre connaissance, aucun festival de cette importance n’est dirigé par une équipe entièrement bénévole. Mais un succès public et une renommée maintenant nationale ne suffisent pas pour intéresser certains élus.
Les subventions perçues par Orphée Théâtre sont réelles, mais cependant en « décalage » total avec l’importance du projet, son professionnalisme reconnu et les nombreuses actions culturelles. Lorsqu’il a été créé il y a 17 ans, le festival était réellement pionnier, et l’un des seuls (le seul ?) à défendre le théâtre musical sous toutes ses formes. Depuis, d’autres événements sont apparus, et la Bretagne en particulier voit naître de nombreuses créations. Les élus préfèrent disperser l’argent vers tous, plutôt que de permettre à l’un de se développer réellement.
Alors… Tristesse et découragement d’une équipe qui n’a pourtant pas ménagé ses efforts pendant 17 ans ! Ceci dit, nous n’arrêtons pas complètement : notre compagnie va se concentrer sur ses propres créations, et le prochain spectacle a déjà reçu de nombreux soutiens et partira en tournée après le festival.
Quels souvenirs gardez-vous de cette aventure ?
Bien sûr, nous gardons de superbes souvenirs et il est bien difficile de choisir, tant les expériences ont été riches et différentes.
Des premières années, je retiendrai L’Homme de la Mancha, que nous avons monté avec un budget plus que ridicule, mais une équipe de jeunes artistes superbes (français et allemands), un orchestre de quinze musiciens. J’avais osé mettre en scène ET jouer Don Quichotte/Cervantès, ce qui n’est pas très modeste après Jacques Brel ! L’accueil du public a été incroyable, avec standing ovation à la fin des représentations.
Même succès quelques années après avec Un violon sur le toit.
En opéra aussi, de merveilleux souvenirs : beaucoup des jeunes chanteurs « découverts » ici commencent maintenant de très belles carrières et chantent sur les grandes scènes nationales. Nous sommes fiers de les avoir accompagnés dans leurs débuts.
Parallèlement à nos créations, nous avons invité de nombreuses compagnies, 60 ou 70 en 17 ans. L’an passé, j’étais très heureux d’accueillir Le Cabaret des hommes perdus. Pour les quinze ans, la noce tzigane qui a rassemblé près de 1 000 personnes qui dansaient avec la troupe en buvant de la vodka… nous a d’abord fait un peu peur mais a été un moment inoubliable !
Et puis Les Epis Noirs, Les Joyeux Urbains, La Crevette d’acier, l’Opéra Théâtre de Lyon avec une Vie Parisienne dans une armoire, les concerts en plein air sur le vieux port, les goûters au pied des HLM, les chants improvisés dans les rues par des centaines d’amateurs, et surtout la fantastique complicité avec une équipe de 40 à 50 bénévoles, dévoués et courageux, et les joyeux délires de tous les artistes venant en résidence création chaque été !
Maintenant , une nouvelle histoire commence…
Pour plus d’infos, rendez-vous sur le site du festival.