Mise en scène Véronique Ros de la Grange
Avec Jacques Michel
Music-hall c’est une histoire sans histoire. Un numéro. La Fille, ancienne star de Music-hall se raconte, seule sur son tabouret, devant un rideau rouge « à paillettes », possible linceul étoilé, trace d’une splendeur passée. Elle se lance dans sa chute gracieuse et élégante avec la beauté qu’il faut pour combattre et supporter la violence et la tristesse de la fin des choses. La Fille fera mine, habile à faire des mines, trichera jusqu’aux limites de tricherie. Parler pour ne pas disparaître, se soustraire à la mort, l’esquiver, dire à l’infini pour ne pas mourir. Et Joséphine Baker pour nous accompagner dans ce voyage vers l’effacement. Ne laisse pas mourir nos rêves…De temps en temps, rappelle toi…
Notre avis : Jean-Luc Lagarce est parti bien trop tôt, emporté par le Sida. Fort heureusement son œuvre théâtrale lui survit et s’impose de plus en plus. Xavier Dolan n’a‑t-il pas choisi pour son prochain film d’adapter : Juste la fin du monde ? Ce Music-hall, monologue terrible et fascinant, a connu diverses mises en scène. Sous les yeux et la houlette de Véronique Ros de la Grange, c’est un homme qui interprète « la fille », celle qui se rêvât vedette et ne connut aucun triomphe, celle qui s’enorgueillit de divertir des salles peu remplies, sur scène aux côtés de son mari puis de ses amants avec pour compagnon l’indéfectible tabouret. Un monologue drôle et noir, mis en perspective par la chanson « De temps en temps » interprétée par Joséphine Baker. Cet air ponctue le spectacle, utilisé — de manière un peu trop systématique, disons-le — tantôt de manière déstructurée, accélérée, en extraits mimés par le comédien… Dans ce décor tragique, où les paillettes rouges illustrent violemment cette vie complexe dont on finit par se revêtir, les paroles résonnent, dérangent, intriguent. Talent de Jacques Michel que de livrer avec fougue et intensité ces confidences, talent des collaborateurs du spectacle qui plongent le spectateur dans une ambiance feutrée où la cruauté, un désespoir poli et une mélancolie sans fond rôdent.