
« Quand nous nous sommes rencontrés, il organisait des spectacles pour entreprises et il a été le premier à croire en mon projet, explique sans fard Muriel Hermine. Dès qu’on touche à l’eau, les budgets en jeu sont très importants. Alors, malgré mon palmarès sportif, j’ai vraiment galéré quand j’ai voulu me lancer dans la production. Nous avons monté ensemble le spectacle dont je rêvais depuis que j’ai 20 ans ».
La détermination est bien l’une des caractéristiques de Muriel. Petite fille timide, elle découvre l’eau et c’est une révélation. « J’ai tout de suite aimé l’élément aquatique car je m’y sentais protégée. Et la compétition en natation synchronisée m’a permis de m’affirmer »… 12 titres de championne de France, 4 de championne d’Europe et une médaille de bronze aux championnats du monde en attestent éloquemment ! Mais bien avant qu’elle n’annonce, à l’issue des Jeux Olympiques de Séoul en 1988, son retrait de la compétition, elle réfléchissait déjà à une reconversion artistique.
« En général, quand on disait ‘spectacle aquatique’, les gens pensaient ‘Muriel Hermine’ et j’étais souvent sollicitée par des mairies, des clubs ou des entreprises. A 20 ans, j’ai monté ma société et j’ai répondu à la demande, avec mes copines de l’équipe de France. Je faisais tout, les musiques, les chorégraphies, je cousais même le maillot des filles ! ». Mais le show de ses rêves est évidemment beaucoup plus ambitieux. C’est ainsi que Sirella qu’elle produit, met en scène et interprète, prend peu à peu forme.
Une sirène chez Mickey
En 1997, en visitant le Cirque d’Hiver, Muriel apprend l’existence d’une piscine qui avait sombré dans l’oubli depuis les années 50. Elle cherchait un thème pour son nouveau spectacle, le voilà tout trouvé : Crescend’O marquera la rencontre des univers du cirque et de l’eau. Le succès est tel que le show est repris un an plus tard et, parmi les spectateurs, le P.D‑g de Disneyland Paris propose à Muriel de venir poser sa tente sur le site de son centre de divertissements, à Disney Village.
« Ici, nous ne sommes déjà plus en France mais pas encore tout à fait aux Etats-Unis où je rêve d’aller un jour présenter ce spectacle ». La clientèle du parc à thèmes l’a-t-elle conduit à modifier Crescend’O ? Oui et non. « Je n’ai pas voulu toucher à l’identité très européenne du spectacle, cette émotion qu’il véhicule et dont les grosses machines américaines, hyper rôdées, manquent parfois ». Un petit supplément d’âme en quelque sorte même si la technique ici aussi est gérée à l’américaine. « En revanche, j’ai tenu compte du fait que le public n’était pas seulement français mais international. J’ai apporté beaucoup plus d’humour, j’ai changé les costumes et la lumière et nous avons renouvelé une grande partie de la troupe. Les gens qui viennent ici ont l’habitude de voyager et donc de comparer : mon ambition est de faire de Crescend’O un des dix plus beaux spectacles du monde. L’avenir dira si j’ai réussi ».
En tout cas, elle ne laissera rien au hasard pour y parvenir. Déjà, aux numéros traditionnels où chacun gère sa propre performance, Muriel Hermine a préféré un feu d’artifice visuel qui demande à ses artistes une polyvalence unique dans le métier… et une formation d’enfer assurée par la production. « Nous auditionnons les artistes en regardant le numéro qu’ils ont préparé mais en nous demandant ce qu’ils peuvent nous offrir d’autre, confirme-t-elle. S’ils sont ouverts à autre chose, tout est possible ». Ainsi, une nageuse peut apprendre la trapèze ou la chorégraphie équestre. Ces talents multiples permettent en outre aux artistes de se remplacer les uns les autres en cas d’absence.
En parlant d’absence, on ne peut s’empêcher d’évoquer celle de Muriel qui se contente désormais d’assister au spectacle depuis les coulisses. « C’est un changement dont j’avais envie depuis longtemps. Il fallait que je choisisse entre la mise en scène et l’interprétation car je ne pouvais plus tout faire. Maintenant, je suis vraiment passée de l’autre côté. Et puis, cela me laisse plus de temps pour réfléchir aux autres choses que j’aimerais faire à présent ». Pour autant, que Dacha Volnaya, la « prima aquaballerina » (« une jeune fille extraordinaire et qui a un talent fabuleux ») se blesse et « je reprendrai le rôle… avec grand plaisir », avoue-t-elle en riant.
Derrière nous, les préparatifs du spectacle vont bon train : Crescend’O est une énorme machine qui nécessite 30 techniciens pour 29 artistes en scène. La piscine, unique au monde et d’une capacité de 600 000 litres d’eau, est en fait constituée de deux pistes circulaires sur caillebotis qui montent et descendent à volonté. Il suffit de 30 secondes pour passer de la surface sèche où viennent patiner deux « pingouins » à un bassin d’une profondeur de 4 mètres ! Des accès sous-marins permettent alors aux artistes partis en apnée d’apparaître et de disparaître comme par magie… Et comme dans les bons tours de magie, nous n’en saurons pas beaucoup plus. « Ce serait dommage de briser le rêve », assure Muriel.
Maintenant qu’elle a réussi à mêler le cirque et l’eau avec maestria, à quoi pense-t-elle ? Un retour à d’autres sources d’inspiration : « Il faudra faire au moins aussi bien que Crescend’O. Et si possible, plus grand et plus fort. Je réfléchis à quelque chose ayant trait à l’Asie ou à Versailles »… Quel que soit le sujet de son prochain spectacle, on peut parier que les rêves de Muriel Hermine sont, comme ceux du philosophe, écrits sur l’eau.