Accueil Critique Mistinguett, reine des Années Folles (Critique)

Mistinguett, reine des Années Folles (Critique)

0

mistinguettMise en scène : François Chouquet
Choré­graphe : Guil­laume Bordier
Livret : Jacques Pes­sis, Ludovic-Alexan­dre Vidal, François Chouquet
Com­pos­i­teurs : Jean-Pierre Pilot, William Rousseau
Paroles des chan­sons : Vin­cent Baguian
Décors: Bernard Arnould
Cos­tumes: Frédéric Olivier
Lumières: Wavier Lauwers

Avec : Car­men Maria Vega, Patrice Mak­tav, Cyril Romoli, Fabi­an Richard, Mathilde Ollivi­er, Gre­go­ry Benchenafi, Philippe Escan­de, Guil­laume Delvingt

Après Les 10 Com­man­de­ments, Le Roi Soleil, Mozart l’opéra rock et 1789, les Amants de la Bastille, Albert Cohen présente son nou­veau spec­ta­cle musi­cal Mist­inguett, reine des années folles.

Notre avis:
C’est d’abord un nom. Un surnom plutôt, inscrit au pan­théon du spec­ta­cle. Celui de la petite Jeanne Bour­geois qui ne vivait que pour la scène. C’est ensuite une époque. Celle d’une France en noir et blanc, trau­ma­tisée par la guerre et qui n’attendait qu’une paire de gam­bettes pour retrou­ver des couleurs. Mais c’est surtout un sym­bole. Celui des grandes revues parisi­ennes dont la répu­ta­tion fit le tour du monde. Cela fait certes beau­coup pour une seule per­son­ne, mais n’est pas reine des années folles qui veut. Les auteurs de Mist­inguett l’ont bien com­pris et se sont don­né les moyens pour être à la hau­teur de la légende sur les lieux mêmes où l’héroïne leva la jambe il y a près d’un siècle.
Se focal­isant sur le réc­it de son grand retour sur les planch­es en 1920 et les péripéties liées à la créa­tion de sa future revue, Mist­inguett est une grande soirée de théâtre musi­cal — au sens pro­pre. La comédie prenant large­ment le pas sur les chan­sons, les répliques ne sont pas réduites à des pré­textes expédiés à la va-vite entre deux tubes : une rareté dans ce genre de show. De même, évi­tant — à une ou deux excep­tions — les choré­gra­phies inutiles et « fourre-tout », le spec­ta­cle préfère miser sur de grands tableaux d’ensemble s’inscrivant par­faite­ment dans le réc­it. Un choix judi­cieux, porté par des com­po­si­tions tein­tées d’années folles et les ver­sions mod­ernisées de titres de l’époque. Après une pre­mière par­tie instal­lant le con­texte, l’intrigue et les per­son­nages, la suite est davan­tage riche en actions et en dynamisme, mise en scène à la manière d’un film. Comme autant de fon­dus-enchainés, les grandes scènes y alter­nent avec des échanges plus intimistes, béné­fi­ciant par­fois d’un charme sup­plé­men­taire avec la présence de musi­ciens sur scène. De présen­ta­tion des cos­tumes en ultimes répéti­tions, en pas­sant par quelques filouter­ies de tout bord et la créa­tion de « Mon homme », toute la troupe nous entraine vers la grande pre­mière. L’occasion de retrou­ver des valeurs sûres, Fabi­an Richard, Cyril Romoli ou Gre­go­ry Benchenafi dont le numéro de cla­que­ttes est aus­si for­mi­da­ble qu’inattendu. L’occasion aus­si de décou­vrir à leurs côtés, la jeune Mathilde Ollivi­er. Agée d’à peine 20 ans, elle réus­sit haut la main son pre­mier rôle sur scène qui n’est sure­ment pas le dernier.
Mais la véri­ta­ble révéla­tion de ce show reste indé­ni­able­ment Car­men Maria Vega. Incar­nant à mer­veille l’héroïne, cette femme de car­ac­tère, fougueuse et pas­sion­née, la chanteuse se révèle une vraie show­girl. Tan­tôt garçonne avec son lan­gage de char­reti­er — que ne renierait pas l’ombre de Piaf- elle se fait frag­ile et féline sous la lumière tamisée. Et lorsque sa gouaille de poul­bot laisse place à une voix écorchée qui résonne a capel­la, c’est tout le Casi­no de Paris qui se laisse emporter, prêt comme elle à « oser les larmes ». L’inévitable descente du grand escalier, par­mi plumes et pail­lettes, lui offre un couron­nement en apothéose. Au fron­ton du théâtre musi­cal, Car­men Maria Vega peut désor­mais inscrire son nom. Que Mist­inguett, Reine des années folles dorme tran­quille, la suc­ces­sion du trône est assurée.