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Mikelangelo Loconte, Mozart à sa façon

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Mikelangelo Loconte (c) Greg Soussan
Mike­lan­ge­lo Locon­te ©Greg Soussan

Mike­lan­ge­lo Locon­te, vous jouez Mozart l’Opéra Rock depuis deux mois. Com­ment vous sen­tez-vous ? Quel pre­mier bilan en tirez-vous ?
Je me sens de mieux en mieux, de plus en plus créatif. Et ma voix est très en forme. J’ai bien par­fois quelques douleurs mais je les sur­passe en ren­dant mon per­son­nage encore plus tonique sur scène. Jusqu’à main­tenant, Mozart l’Opéra Rock est mon plus grand défi, la chose la plus dif­fi­cile que j’aie jamais faite. Je m’attendais à un gros spec­ta­cle mais pas à un spec­ta­cle aus­si élé­gant, avec de superbes lumières, une musique aus­si bien jouée.

A pri­ori, vous n’étiez pas des­tiné à vous retrou­ver dans ce genre de spectacle…
Non, j’étais chanteur de rock en Ital­ie. J’avais un groupe avec lequel je tour­nais. J’ai fait aus­si des télés, des fes­ti­vals impor­tants, j’en ai gag­né quelques-uns. J’ai com­mencé une petite car­rière mais on me pous­sait à aller de plus en plus vers la var­iété, ça ne me plai­sait pas. Je n’aimais pas trop les spec­ta­cles musi­caux français, je les trou­vais bien faits mais, musi­cale­ment, ça ne m’intéressait pas. Pour racon­ter une his­toire, ce n’était pas le meilleur moyen pour moi.

Alors com­ment vous êtes-vous retrou­vé sur Mozart l’Opéra Rock ?
C’est Jean-Pierre Pilot, le com­pos­i­teur de Zazie, qui m’a repéré dans un bistrot en Bel­gique où je jouais avec un groupe. Il a beau­coup aimé mon per­son­nage et en a par­lé aux pro­duc­teurs de Mozart. Au début, j’avais refusé le spec­ta­cle. Cela peut paraître fou de refuser une telle oppor­tu­nité mais je n’aimais pas les pre­miers titres que j’ai écoutés, j’ai dit : « c’est pas ça, un opéra rock ». C’est pen­dant la réal­i­sa­tion que j’ai com­pris qu’il y avait vrai­ment un poten­tiel dans les morceaux. Quand les pro­duc­teurs m’ont expliqué que c’était un opéra rock avec un côté décalé, que c’était Olivi­er Dahan à la mise en scène et le grand Dan Stew­art aux choré­gra­phies, j’ai finale­ment accepté.

Con­naissiez-vous la vie et l’œuvre de Mozart ?
Ado­les­cent, j’avais lu une biogra­phie de Mozart et j’écoutais tout le temps sa musique. J’ai lu aus­si les mémoires de Da Ponte, le libret­tiste qui a tra­vail­lé avec Mozart sur Les noces de Figaro et Don Gio­van­ni. C’est char­mant, il racon­te beau­coup d’anec­dotes passionnantes.

Com­ment avez-vous tra­vail­lé votre personnage ?
C’est vrai­ment une grande respon­s­abil­ité de jouer Mozart. C’est lourd à porter car, avant moi, Mozart a été inter­prété par de grands acteurs. C’est un per­son­nage très com­plexe, avec beau­coup de per­son­nal­ités en une seule. Quand on doit inter­préter Mozart, on ne peut pas se per­me­t­tre d’en faire un per­son­nage lisse. Olivi­er Dahan m’a expliqué que je devais me laiss­er aller dans mes atti­tudes. J’ai voulu don­ner au per­son­nage une gestuelle à la Peter Pan car, pour moi, Mozart est comme lui : enfant, il s’est aven­turé dans le monde des adultes et a com­pris qu’il n’en ferait jamais par­tie. Olivi­er Dahan m’a lais­sé faire, il ne ralen­tit jamais. Avec lui, on peut aller encore plus loin, il suf­fit de voir Déjà mort, son pre­mier film. Il a vrai­ment du courage artistique.

Vous êtes-vous sen­ti à l’aise dans ce tra­vail de comédien ?
J’ai fait beau­coup de théâtre dans ma jeunesse avec plusieurs com­pag­nies. Sur ce spec­ta­cle, j’ai bien sûr été aidé par Olivi­er Dahan qui m’a don­né des indi­ca­tions sur les tech­niques de jeu. J’ai aus­si été coaché par Corine Blue, comé­di­enne et direc­trice d’acteurs.

Votre accent ital­ien a‑t-il été un handicap ?
J’ai beau­coup tra­vail­lé avec des ortho­phon­istes. Au bout d’un moment, j’ai com­pris que ça m’affaiblissait, j’ai tout arrêté et je joue Mozart l’Opéra Rock avec ce gros accent ! Mal­heureuse­ment, ça ne va pas plaire à cer­tains mais c’est impor­tant pour l’authenticité de mon jeu. Si je com­mence à essay­er de gom­mer mon accent, à penser à la manière de bien dire les mots, je sors de mon interprétation.

Vous êtes-vous décou­vert des points com­muns avec Mozart ?
Oui, comme celui de vouloir rester tou­jours enfant, celui de vouloir mon­tr­er absol­u­ment une grande effi­cac­ité dans mon tra­vail de créa­tion mal­gré le juge­ment sévère que peu­vent porter les gens sur cer­taines atti­tudes pré­ten­tieuses que j’ai aus­si parce que je crois en ce que je fais.

Qu’est-ce qui est le plus dif­fi­cile pour vous sur ce spectacle ?
Il faut faire des grands gestes théâ­traux pour rem­plir l’immense scène. Il faut ampli­fi­er tous les gestes, les atti­tudes pour les ren­dre vis­i­bles par les 3 000 spec­ta­teurs présents dans la salle. Mais en même temps, avec Olivi­er Dahan qui vient du ciné­ma, le vis­age doit rester authen­tique comme si on était filmé en gros plan. Donc on doit faire du ciné­ma avec des grands gestes de théâtre, c’est difficile.

Quel est votre moment préféré ?
Le tableau de la mas­ca­rade. Tout se passe dans la tête de Mozart. Il retrou­vera Aloysia, son amour per­du, à l’intérieur d’une danse hyp­no­tique sur une musique fellini­enne. Racon­ter un cha­grin avec une musique heureuse de cirque, je trou­ve ça très beau.

Y a‑t-il des aspects qui vous plaisent moins ?
J’aurais voulu plus de scènes où Mozart se relève. J’au­rais aimé une autre scène où Mozart dirige l’orchestre. J’ai pris des cours de direc­tion, je dirige vrai­ment l’orchestre. J’aurais aimé aus­si jouer du piano, qu’on voit Mozart jouer et composer.

Pou­vez-vous nous racon­ter une anec­dote qui vous est arrivée lors d’une représentation ?
Un jour, je suis arrivé sur scène sans me ren­dre compte que j’é­tais en train de manger une clé­men­tine ! C’était pour la scène de la mort de Mozart ! Je ne savais pas com­ment m‘en débar­rass­er. J’ai essayé de la met­tre dans l’encrier du bureau puis je l’ai lais­sée à mon parte­naire Nuno Resende qui me l’a remise dans la main une fois que j’étais éten­du sur le lit. Je l’ai alors dis­crète­ment glis­sée sous l’oreiller. On a traîné cette clé­men­tine pen­dant toute la scène, c’était très déstabilisant !

Mozart l’Opéra Rock en Ital­ie, votre pays, c’est envisageable ?
Je crois vrai­ment que oui. Seule­ment cette fois, les Ital­iens ne doivent pas faire l’erreur de le mon­ter plusieurs années après comme ils l’ont fait avec Notre Dame de Paris et d’autres comédies musi­cales. Ils ne pren­nent aucun risque. Autant avoir du courage et pren­dre un spec­ta­cle quand il vient d’être créé. Je ne sais pas si j’aurais envie de repren­dre le rôle en Ital­ie, en tout cas pas dans cinq ou dix ans !

Après Mozart, aimeriez-vous jouer dans un autre spec­ta­cle de ce genre ?
Non, sauf si c’est un pro­jet qui va très loin, qui est vrai­ment orig­i­nal et pour lequel j’ai un coup de coeur. Je reprendrai ma car­rière solo, que ce soit avec ou sans médi­ati­sa­tion, qu’une mai­son de dis­ques me suive ou pas, je con­tin­uerai ma route.