Quel est votre parcours vers la comédie musicale ?
Je chante depuis toujours. J’ai roulé ma bosse dans les piano-bars et les cabarets, au départ sur un registre de variété à texte comme Jacques Brel, Serge Lama, puis au sein d’un quartet de jazz, comme chanteur et pianiste, où j’ai découvert Cole Porter notamment. Par la suite, j’ai pris des cours d’art dramatique au Théâtre « Les Enfants Terribles » dirigé par Jean-Bernard Feitussi (que je tiens particulièrement à remercier ici). C’est en m’entendant chanter dans les coulisses qu’un de mes professeurs m’a proposé de tenir un rôle dans un spectacle musical, Smack de Chantal Alves. On n’a fait qu’une date au Théâtre du Splendid pour intéresser des producteurs potentiels, mais cette expérience a été ma première exposition à la profession. Plus tard, Ned Grujic m’a fait confiance pour le rôle titre dans Merlin aux côtés de Nathalie Lhermitte. Ce spectacle a tourné près de trois ans dans toute la France. Après, il y a eu la rencontre avec Stéphane Laporte et le rôle de Mordrach dans Le Violon sur le Toit au Casino de Paris et 40 dates en province. Je ne suis jamais allé ni à New York, ni à Londres : c’est Ned Grujic qui m’a ouvert la voie de la comédie musicale telle qu’elle se pratique à Broadway ou dans le West End. Et bien sûr la lecture de Regard en Coulisse… non je ne fayote pas, c’est vrai ! (rires)
Et donc, désormais, vous êtes dans Panique à Bord…
Effectivement, j’avais la chance de connaître Agnès Boury qui m’a recruté pour remplacer Gilles Vajou, quelques dates l’an dernier au Vingtième Théâtre et de façon permanente jusqu’au mois d’août au Théâtre Tristan Bernard. Ce n’est jamais une position très confortable d’être le remplaçant dans un rôle taillé sur mesure pour l’artiste original. Mais le trio Laporte-Laviosa-Boury est une telle réunion de talents que je ne pouvais manquer cette occasion. Pour moi, la reprise du rôle est loin d’être inintéressante : j’en profite pour faire évoluer le rôle comme je le sens et avec la bénédiction d’Agnès. « Fais ton truc », m’a-t-elle conseillé. Il était impensable de n’être qu’une pâle copie de Gilles, dans ses propres habits et jouant avec sa propre femme ! [NDLR : Angélique Rivoux] De fait, je suis très différent de lui, autant par mon physique que par ma façon d’être. Il est plutôt rond, moi plutôt carré, je fais moins clown. Heureusement, le personnage de Pierre Chouquette est le moins déjanté de toute la bande, ce qui me convient bien. Je suis content du résultat obtenu : ceux qui ont vu Gilles Vajou, s’ils reviennent assister au spectacle, verront un personnage assez différent. Et je suis sûr que Fabian Richard, après moi, en interprétera encore un autre !
Qu’est-ce qui vous plaît dans la comédie musicale ?
J’aime chanter mais je me considère réellement comme un comédien, donc je combine mes deux passions. La chanson sans l’interprétation m’intéresse moins car je veux faire passer un message, une émotion. C’est aussi la raison pour laquelle le jazz m’a attiré, son côté un peu intello, sa liberté de ton, son espace de créativité. Les grandes comédies musicales « à la française » ne m’intéressent pas ; pour moi c’est plus de la variété. Le Roi Lion, c’est du grand spectacle, mais c’est trop léger en thème. J’aime les créations plus théâtrales : Le Cabaret des Hommes Perdus et La Valse des Pingouins par exemple. Féru de religion et de philosophie, je suis fasciné par les thèmes graves : la mort, l’horreur, l’intolérance, la trahison, les drames sociaux… Je ressens le besoin d’exprimer des idées, pour me libérer de quelques démons personnels sans doute. Mon rêve absolu serait de jouer Sweeney Todd, vous voyez le genre ?
Avec Panique à Bord et Rabbi Jacob, n’êtes-vous pas plutôt dans le burlesque absolu ?
Rire n’empêche pas de réfléchir ! Au deuxième degré, les personnages de Panique à Bord sont très profonds. Leurs désirs exacerbés, le moteur comique de la pièce, naissent de drames intérieurs jamais résolus. Concernant Rabbi Jacob, saviez-vous que Gérard Oury a fait ce film en pleine Guerre de Kippour, en 1973, dans le seul but de montrer la poignée de main entre Salomon et Slimane ? Tout le reste du film dénonce racisme, intolérance et violence, bien entendu. Il n’y a pas de contradiction entre comédie et émotion. Ce qui compte, c’est d’être bien vivant sur scène et d’exprimer son humanité et de l’humanisme.
Quels sont vos projets ?
En parallèle de mes rôles dans Panique à Bord et Rabbi Jacob, je travaille sur mon propre spectacle que j’entrevois comme un one-man-show mêlant saynètes et intermèdes musicaux un peu jazzy. Le format adopté par Denis D’Arcangelo pour Madame Raymonde me conviendrait. J’ai côtoyé Denis dans Révolution l’été dernier aux Musicals de Paris, et j’adore ! Comme vous vous en doutez, côté répertoire musical et ambiance, ce sera très différent ! A suivre…