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Michael Greif Superstar

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Michael Greif (c) DR
Michael Greif © DR

Révélé avec sa mise en scène mod­erne, décom­plexée et éclatée de Rent (1996), Michael Greif a su impos­er son style dans le théâtre musi­cal ces dernières années.
Aujour­d’hui, avec le revival de Angels In Amer­i­ca, la pièce de Tony Kush­n­er par­lant du SIDA sous les années Rea­gan, ain­si que Next To Nor­mal, qui con­tin­ue de se jouer au Booth The­atre, Michael Greif con­firme sa place à part dans le milieu théâ­tral new-yorkais. Il surfe entre Broad­way et off Broad­way, sans se souci­er des éti­quettes, avec une actu­al­ité éclec­tique et pour­tant cohérente, dres­sant le por­trait d’une Amérique en plein malaise.

Angels in Amer­i­ca, du spec­tac­u­laire à l’intime
Pièce épique de Tony Kush­n­er, créée à Broad­way en 1993 dans une mise en scène de George C. Wolfe, lau­réate de nom­breux Tony Awards, Angels In Amer­i­ca évoque les des­tins croisés de plusieurs per­son­nages dans l’Amérique des années Rea­gan. SIDA, homo­sex­u­al­ité, poli­tique, spir­i­tu­al­ité, cette réflex­ion sur la fin d’un mil­lé­naire avaient fait les beaux jours du grand Wal­ter Kerr The­atre avant d’être adap­té pour la télévi­sion avec une dis­tri­b­u­tion de stars (Meryl Streep, Al Paci­no, Emma Thomp­son…). Aujour­d’hui, Michael Greif revis­ite cette pièce culte au Sig­na­ture The­atre, une salle de cent places à l’ouest de Times Square, loin des néons et des touristes. Avec sa dis­tri­b­u­tion impec­ca­ble mais sans « stars » (hormis peut-être Zachary Quin­to de Heroes et Star Trek), Greif réus­sit à se démar­quer de la pro­duc­tion orig­i­nale en explo­rant la dimen­sion intime de l’œu­vre. Avec une scéno­gra­phie par­ti­c­ulière­ment intel­li­gente, aux tran­si­tions d’une grande flu­id­ité, Greif pro­pose un regard à la fois ciné­matographique et intro­spec­tif. Sa vision de l’oeu­vre est d’une beauté rare.

Angels In Amer­i­ca a ouvert offi­cielle­ment le 28 octo­bre dernier au Sig­na­ture The­atre et s’y jouera jusqu’au 20 févri­er 2011. Michael Greif met­tra en scène, dans ce même théâtre, une autre pièce de Tony Kush­n­er, The Intel­li­gent Homo­sex­u­al’s Guide to Cap­i­tal­ism and Social­ism with a Key to the Scrip­tures (du 22 mars au 12 juin 2011).

Robin Weigert et Christian Borle dans Angels In America (c) DR
Robin Weigert et Chris­t­ian Bor­le dans Angels In Amer­i­ca © DR

Next To Nor­mal, per­son­nel et original
Quelques blocs plus loin, en plein Times Square, Next To Nor­mal (trois Tony Awards en 2009, lau­réat du Prix Pulitzer 2010), de Bri­an Yorkey et Tom Kitt, est tou­jours à l’af­fiche, avec une nou­velle dis­tri­b­u­tion depuis cet été. Ici, on est dans l’or­dre de l’in­time, du per­son­nel, à tra­vers le des­tin de cette « house­wife » bipo­laire, jonglant entre son mari, sa famille, son médecin et ses Val­i­um. Ambitieux et orig­i­nal, comme Angels In Amer­i­ca (égale­ment lau­réat du Prix Pulitzer en son temps), Next To Nor­mal dresse lui aus­si le por­tait d’une Amérique en déséquili­bre, par le biais d’une famille presque ordinaire.
Greif signe une mise en scène très pré­cise, avec, encore une fois, une scéno­gra­phie et des lumières util­isées de façon effi­cace et sobre à la fois. On recon­naît dans Next To Nor­mal quelques élé­ments chers à Greif : la struc­ture métallique réminis­cente de Rent, le goût pour les par­ti­tions rock alliant à la fois énergie « in your face » et émotion.

Depuis cet été, une nou­velle dis­tri­b­u­tion a fait son appari­tion avec Marin Mazz­ie (Pas­sion, Rag­time, Kiss Me Kate) et Jason Danieley (The Full Mon­ty, Cur­tains) incar­nant le cou­ple prin­ci­pal à la scène… comme à la ville.
Marin Mazz­ie offre son inten­sité, mais aus­si son tim­bre plus clas­sique mais non moins envoû­tant, au per­son­nage com­plexe de Diana. Face à elle, son mari pro­pose un con­traste très intéres­sant dans un rôle pétri de doutes et d’ambiguïtés.

Next To Nor­mal fer­mera ses portes à Broad­way le 16 jan­vi­er 2011, après 21 pre­views et 733 représen­ta­tions. Une tournée nord-améri­caine démarre le 23 novem­bre, avec Alice Rip­ley dans le rôle prin­ci­pal. Un spec­ta­cle à ne pas man­quer pour les per­son­nes se trou­vant dans cette zone du monde.

Jason Danieley et Marin Mazzie dans Next To Normal (c) DR
Jason Danieley et Marin Mazz­ie dans Next To Nor­mal © DR

Back to Rent
Enfin, on vient d’an­non­cer le retour de Rent, à peine quelques années après sa fer­me­ture à Broad­way, mais cette fois, off-Broad­way. Nou­veau cast, nou­velle mise en scène… mais même met­teur en scène : Greif retourne au spec­ta­cle qui a lancé sa car­rière. Inutile de présen­ter le célébris­sime Rent mais on con­state que cette oeu­vre fon­da­trice dans le par­cours de Greif com­porte déjà tous les élé­ments que l’on retrou­vera régulière­ment dans sa car­rière : une Amérique en proie à des doutes, une approche intro­spec­tive des per­son­nages, une par­ti­tion mus­clée… et un Prix Pulitzer !

On peut cepen­dant s’in­ter­roger sur la per­ti­nence de présen­ter une nou­velle pro­duc­tion d’un spec­ta­cle qui a fer­mé rel­a­tive­ment récem­ment, mais Rent sem­ble désor­mais faire par­tie du paysage new-yorkais.

Rent est prévu au New World Stages (où se joue notam­ment Avenue Q) à par­tir de juin 2011.

Anthony Rapp et Adam Pascal dans Rent (c) DR
Antho­ny Rapp et Adam Pas­cal dans Rent © DR

De off Broad­way à on Broad­way, Michael Greif ne sym­bol­is­erait-il pas une nou­velle façon d’en­vis­ager le musi­cal à Broad­way sans se souci­er des éti­quettes ? Avec ces spec­ta­cles créés dans des salles under­ground ou « avant-garde », puis trans­férant dans des grandes avant de revenir dans des lieux plus intimes, Greif sem­ble incar­n­er une vital­ité qui se fiche des con­ven­tions… l’essen­tiel étant de con­tin­uer à créer.