Mélina M’Poy, après avoir joué Le Roi Lion à Paris, vous avez intégré la troupe de Singapour. Quel souvenir gardez-vous de cette expérience ?
Tout d’abord, même si le show restait le même, j’ai vécu un dépaysement total. Quatre ans plus tôt, j’avais quitté mon pays natal, la Suisse, pour débarquer à Paris. Je pensais avoir expérimenté un grand changement, mais ce n’était vraiment rien à côté de ce que j’ai ressenti en arrivant à Singapour. Il a fallu s’adapter à la nourriture, au climat et à la langue… et effectivement, mon anglais n’était pas au top. La seule expérience professionnelle que j’avais eue dans cette langue était Swinging Life. J’ai donc dû me concentrer là-dessus dès le début des répétitions. Cela n’a pas été facile du tout, car l’équipe Disney m’a traitée, dès le départ, comme les comédiens anglophones. J’avoue qu’aujourd’hui je leur en suis reconnaissante, mais sur le coup, j’ai galéré. La production avait prévu un coach pour m’aider dans cette démarche. J’ai donc réussi à réduire mon accent français au maximum, pour être parfaitement comprise par le public. C’est un challenge que j’ai adoré relever ! Quand on monte sur scène les premières fois, on a l’impression que son cerveau va exploser. On a déjà tendance à cogiter sur scène, mais quand on joue dans une langue qui n’est pas la sienne, c’est carrément flippant.
Vous avez ensuite rejoint la troupe londonienne du Roi Lion. Pourquoi ce choix ? Etait-ce un désir de toujours de jouer dans le West End ?
Ce n’était pas prévu. Après Singapour, j’avais l’intention de faire un break, pour mon corps et ma voix. Cela faisait quand-même presque quatre ans que je jouais sept spectacles par semaine. D’ailleurs, ma voix a souffert à Singapour, à cause de la différence de climat et du fait que tous les endroits fermés publics étaient climatisés à 15 degrés ! Bref, je voulais me reposer et retrouver ma famille. Je n’avais vraiment pas prévu que la production londonienne me contacte pour un remplacement. J’avoue avoir toujours rêvé de travailler dans le West End. Pour moi, c’était inaccessible. J’ai donc accepté et une semaine et demie après avoir joué la dernière à Singapour, je commençais à répéter sur la scène du Lyceum Theatre à Londres. Je crois qu’il m’a bien fallu deux semaines pour réaliser. J’ai été très surprise par l’accueil que m’ont réservé les artistes et l’équipe. J’ai très vite trouvé ma place au sein de cette compagnie. Elle est en mouvement constant. Les uns partent, les autres arrivent et tout le monde se met au service du show qui tourne déjà depuis treize ans dans cette ville.
Vous êtes actuellement titulaire du rôle de Nala, à Londres. Quel est votre sentiment ?
Je suis heureuse ! Je ne devais rester que six mois en tant que Sarabi et doublure Nala. A ma grande surprise, fin avril, la production m’a proposé de rester en tant que Nala. Je joue donc ce rôle quotidiennement depuis début juillet. Le show reste le même, mais mon rythme de vie au théâtre a complètement changé. Comme je n’entre sur scène qu’au début du deuxième acte, j’ai plus de temps pour moi. Tous les soirs, je me glisse dans la salle et je regarde le tableau d’ouverture “Circle of Life”… Et tous les soirs, c’est magique. J’adore observer le public, leur réactions en fonction de l’entrée des différents animaux. Je me dis à chaque fois que j’ai une chance énorme de faire partie de ce spectacle et d’incarner désormais l’un des rôles principaux. Quel bonheur !
Après plusieurs saisons dans Le Roi Lion, arrivez-vous à aborder le spectacle avec une certaine « fraîcheur » ?
C’est une question qui m’est posée assez régulièrement et je sais que ça peut paraître bizarre, mais la réponse est un grand « oui ». C’est un spectacle tellement riche qu’il y a tous les jours quelque chose de neuf à explorer. Si ce n’est pas au niveau du chant, c’est au niveau des mouvements ou du jeu, ou encore de mon accent. Même si le show est globalement le même tous les soirs, nous sommes tous des individus sur scène. Nous avons un cadre à respecter, mais on nous laisse une part de liberté plus que suffisante pour grandir et explorer notre art. Après bientôt cinq ans de Roi Lion, j’ai toujours la même passion et je pense que c’est ce qui m’a menée où je suis aujourd’hui.
Pour un même spectacle, quelles sont les différences majeures entre Paris, Singapour, et Londres… s’il y en a ?
L’énergie du spectacle. A Paris, la troupe était en majorité française. De ce fait, pratiquement tous issus de la même culture, nous parlions le même langage sur scène ; je ne parle pas de la langue, mais de la manière d’aborder le théâtre, la musique… La cohésion était la force de ce show.
A Singapour, la troupe était composée à 99 % de Sud-Africains. A tel point que notre petit groupe de francophones se demandait ce qu’il faisait là. La force de ce show résidait dans la qualité vocale et l’authenticité qu’apportait la communauté sud-africaine. L’ensemble (chanteurs et danseurs) de cette production était très puissant.
Et pour finir, Londres, c’est la diversité, comme en témoigne la ville. Nous sommmes tous issus d’horizons différents avec une petite majorité d’artistes anglais. L’écoute est la grande qualité de ce show, à mon avis. Nous sommes tous très concentrés et dévoués pour faire de ce patchwork culturel un seul show.
Quels sont vos projets pour la suite ?
D’abord, trouver un agent à Londres. J’envisage de rester là-bas et j’aimerais avoir l’opportunité de passer des auditions pour d’autres spectacles. Pour cela, je travaille tous les jours pour améliorer mon accent. A l’heure qu’il est, je pense avoir neutralisé les traces de français sur scène ; il ne me reste plus qu’à prendre confiance et aborder les castings.