Comment vous est venue l’idée de ce revival de Nine ?
En fait, c’est grâce à David Leveaux, le metteur en scène anglais. Lorsqu’il a entendu le cast album de la production originale de Nine, il a eu envie de monter le spectacle à Londres au Donmar en 1995. Ca a merveilleusement réussi alors il l’a ensuite présenté à Buenos Aires en Argentine en rajoutant un esprit latin. C’était un rêve pour David de présenter sa version de Nine à Broadway et il m’a convaincu.
C’est lui aussi qui a convaincu Antonio Banderas ?
Oui, il est allé à Los Angeles pour rencontrer Antonio Banderas et le convaincre de jouer le rôle de Guido. Ce qui est incroyable pour moi c’est qu’il a accepté tout de suite ! Après avoir écouté le disque, il s’est rendu compte immédiatement que ce rôle était parfait pour lui. Dans le studio d’enregistrement qu’il possède chez lui à Hollywood, il a enregistré un CD de trois chansons du spectacle. Il me l’a envoyé et quand j’ai entendu sa voix, j’étais certain qu’il serait vraiment un Guido idéal. Pour Antonio, c’est un retour au théâtre et sa première scène à Broadway. C’est un grand succès pour lui. Je suis très content car c’est vraiment un acteur exceptionnel.
Vous avez réuni autour de lui des actrices exceptionnelles, comment sont-elles arrivées sur le projet ?
Le casting a été très facile. Jane Krakowski (Elaine dans Ally Mc Beal) nous a téléphoné pour nous dire que le rôle de Carla était pour elle et qu’elle devait le jouer. C’est pour elle que j’avais écrit « I want to go to Hollywood » dans Grand Hotel, elle avait 19 ans. Mary Stuart Masterson (NDLR : vue dans Beignets de tomates vertes), formidable comédienne de cinéma, a passé l’audition pour le rôle de Luisa. Elle a chanté « Be on your own » de Nine. Comme elle était très nerveuse, j’ai eu une petite discussion avec elle. Je lui ai dit que lorsque j’ai écrit cette chanson j’ai pensé aux sons de ma jeunesse et en particulier à Edith Piaf, elle m’a répondu « je peux faire Piaf » et elle l’a fait. C’était une vraie performance. Quant à Laura Benanti (NDLR : remarquée à Broadway dans The Sound of Music, Swing !, Into the Woods…), elle est pour moi le meilleur talent de sa génération. C’est vraiment un miracle. Dans Nine, Guido dit à Claudia « Claudia, j’ai besoin de toi, j’ai besoin de toi pour mon film », moi je lui ai dit « Laura, j’ai besoin de toi pour mon spectacle ».
Et pour Chita Rivera qui est tout de même une grande star de Broadway ?
Quand on m’a dit que Chita Rivera allait jouer dans Nine, je ne le croyais pas. Je pensais que, pour l’avoir dans un de mes spectacles, je devais lui en écrire un spécialement pour elle. Mais elle est très intelligente, elle savait qu’avec sa performance dans Nine, elle allait voler la vedette. C’est vraiment un grand monument du théâtre.
Avez-vous fait des changements dans la partition originale ?
Absolument. La plupart du temps quand il y a un revival d’un musical, les auteurs et compositeurs sont morts mais moi je vis ! Il fallait vraiment recréer cette pièce parce qu’on a une distribution merveilleuse. D’abord il fallait servir Antonio. Alors j’ai modifié quelques tonalités. Dans la production originale, il y avait une valse, mais là, pour Chita Rivera et Antonio Banderas, je l’ai remplacée par un tango. J’ai également changé tout l’underscore (la musique sous les dialogues) pour être plus en accord avec l’époque actuelle et la nouvelle mise en scène de la pièce. La chanson « Germans at the spa » a disparu car pour David Leveaux, intelligent et brillant, Nine est vraiment basé sur l’histoire du mariage de Guido et Luisa et cette chanson, certes très amusante, était une interruption dans cette histoire. Il y a beaucoup de musiques et d’idées nouvelles. Ce n’est pas un simple revival, c’est une véritable re-création.
Comment trouvez-vous cette nouvelle production de David Leveaux par rapport à l’originale ?
David est un metteur en scène anglais très sérieux, il fait du Shakespeare, du Pinter…et pour lui Nine a une chaleur humaine alors il en a fait une production plus émouvante, très différente de la production originale de Tommy Tune. La production de Tommy était très américaine, beaucoup de chorégraphies, très Broadway, on avait 24 costumes noirs et un décor tout blanc. Cette nouvelle production est plus chaude et plus « européenne ». Le décor surréel italien évoque à la fois l’architecture post-moderne de Milan, l’art de la Renaissance, les murs ocres rappellent les pierres du Colisée de la Rome ancienne et on a même de l’eau en référence à Venise.
Après Broadway, cette production de Nine va-t-elle voyager ?
Il y aura une tournée aux Etats-Unis mais Antonio Banderas m’a également dit qu’il voulait absolument faire un grand tour de l’Europe: Madrid, Rome, Londres et Paris. Il est très sérieux. Ce n’est pas encore certain mais c’est très possible. A Paris, je pense qu’Antonio pourra le faire en français, il en est tout à fait capable. Je vous tiens au courant !
Travaillez-vous sur de nouveaux projets ?
J’ai fini deux nouveaux musicals. Tout d’abord Hans Christian Andersen, d’après le film, dont j’ai écrit le nouveau livret et qui va être créé dans l’état du Maine. Ensuite, il y a La mort en vacances d’après une pièce italienne qui a entre autres inspiré le film Meet Joe Black avec Brad Pitt. La Mort, sous l’apparence d’un jeune homme, vient sur terre pour un week-end en Italie en 1922 et fait la connaissance d’une jeune fille. Il y a une belle histoire d’amour mais le dimanche soir la Mort doit repartir. J’ai composé la musique et le livret a été écrit par mon « frère » Peter Stone avec qui j’avais déjà fait Titanic et qui nous a malheureusement quitté la semaine dernière, d’ailleurs toutes les lumières de Broadway se sont éteintes pendant une minute pour lui rendre un dernier hommage. Ce musical sera monté peut-être à Broadway, à Londres et à Paris. On discute actuellement avec plusieurs producteurs à Londres.
Vous aimeriez aussi beaucoup que votre musical Titanic soit enfin présenté à Paris…
Je garde un merveilleux souvenir de la magnifique production de Jean-Louis Grinda à l’Opéra de Liège et de l’admirable adaptation française de Stéphane Laporte. J’espère qu’elle pourra enfin être présentée à Paris. Peut-être dans la nouvelle salle qui va être construite pour Tintin…