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Maude Guérin : la mal-aimée des Belles-Sœurs

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Maude Guérin © DR

Maude, vous reprenez votre rôle de Pier­rette Guérin dans Belles-Sœurs, par­lez-nous de ce rôle…
Pier­rette est un peu le côté som­bre des Belles-Sœurs. Elle est « la tragédie » de la pièce lorsqu’elle arrive en plein milieu de la séance de « col­lage de tim­bres ». C’est la sœur qui tra­vaille dans un bar, qui n’a pas don­né de ses nou­velles depuis dix ans, qui revient voir ses sœurs parce qu’elle a été mise à la porte par son « chum », John­ny, et qui espère être bien accueil­lie ; mais ce n’est pas le cas. Dis­ons que je suis un peu le piv­ot de la deux­ième par­tie du spec­ta­cle puisque j’arrive à la fin du pre­mier acte. Belles-Sœurs, c’est une grande tragédie, même si le pub­lic rit énormément.

Vous passez la majorité du pre­mier acte seule sur le sec­ond étage de la scène. Com­ment vivez-vous ces moments ?
Mal­gré ma non-présence sur la scène prin­ci­pale pen­dant la qua­si-total­ité du pre­mier acte, j’ai beau­coup à faire : je chante tout au long du spec­ta­cle, je fais aus­si par­tie des chœurs, car per­son­ne ne chante seul à l’ex­cep­tion de Kath­leen Fortin qui a un solo où nous n’intervenons pas. Aus­si, je trou­ve beau­coup plus impor­tant d’être là durant la pre­mière par­tie de la pièce et d’entrer sur scène en sachant ce qui se passe en bas, sen­tir la réac­tion du pub­lic, saisir le rythme de la pièce ; je trou­ve ça plus intéres­sant que d’attendre dans une loge et d’arriver sur scène à la fin de la pre­mière partie.

Les Belles-Sœurs  sont très dures avec Pier­rette Guérin, mais le pub­lic sem­ble aimer ce per­son­nage. D’après vous, que voit-il en Pierrette ?
Je ne sais pas (rires). Il est vrai que les gens s’attachent beau­coup à Pier­rette qui est une fille vrai­ment désem­parée… Peut-être parce que plusieurs d’en­tre eux ont vécu un aban­don ou une peine d’amour ? C’est peut-être la façon dont je la joue ? Quelqu’un m’a dit l’autre jour qu’on avait envie de me con­sol­er. Je trou­ve ça fasci­nant, car au début j’avais peur juste­ment qu’elle se fasse détester : c’est un peu dur de jouer un per­son­nage qui est prêt à tout « cham­barder », d’être la non-désirée de la soirée. Donc, cela me fait chaud au cœur de savoir que les gens la trou­vent sympathique.

Com­ment abor­de-t-on un rôle comme celui-là ?
Je n’avais jamais vu la pièce Les Belles-Sœurs donc je ne me suis pas basée sur l’interprétation des ex-Pier­rette Guérin, que ce soit celle de Michelle Rossig­nol, de Luce Guil­beault ou de Marie-Thérèse Fortin qui l’a jouée à Québec (NDLR : elle joue actuelle­ment le rôle de Ger­maine dans cette pro­duc­tion). Je suis vrai­ment par­tie du texte et c’est telle­ment facile avec Michel Trem­blay : tu lis ton texte et tout est là. C’est drôle car René-Richard Cyr (NDRL : le met­teur en scène) a con­stru­it Pier­rette d’une cer­taine façon et, quelque temps après avoir débuté Belles-Sœurs, il est passé me voir et m’a dit : « Mon Dieu, ta Pier­rette, est plus mal­menée qu’au début et j’aime assez ça ! Con­tin­ue dans cette voie-là ». Je ne suis pas allée vers le côté « dur » du per­son­nage, mais plutôt du côté du dés­espoir, de la solitude.

Maude Guérin dans Les Belles-soeurs © Valérie Remise

Quand on joue un spec­ta­cle sur une aus­si longue péri­ode, n’y a‑t-il pas un risque de monotonie ?
Je ne sais pas et je ne veux pas anticiper ça. J’espère ne pas m’ennuyer, mais je n’y pense pas. Je ne suis pas une fille qui s’ennuie au théâtre. Cer­tains comé­di­ens et comé­di­ennes, après avoir joué une pièce 25 ou 30 fois, se dis­ent « c’est assez », mais je ne fais pas par­tie de cette caté­gorie-là. Je décou­vre tou­jours quelque chose de dif­férent, soir après soir. J’adore jouer cette pièce et j’adore inter­préter ma chan­son « Crisse de John­ny » : cela aide beau­coup. Comme je ne suis pas une chanteuse à l’o­rig­ine, j’essaie de m’améliorer et je par­le beau­coup avec Stéphane Aubin (NDLR : le pianiste) pour faire en sorte que tout se déroule bien. J’aimerais jouer cette pièce jusqu’au bout. Me faire rem­plac­er ne me ten­terait pas (rires).