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Mary and Max, bientôt à Broadway ?

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adam-elliot

Après avoir revu une nou­velle fois Mary and Max, j’ai encore été bouleversé…
J’aime quand les gens me dis­ent qu’ils ont pleuré en voy­ant mon film… C’est une ambi­tion un peu bizarre, non ? Il est de cou­tume de dire qu’écrire une comédie est la chose la plus dif­fi­cile. Je ne pense pas. Ren­dre une his­toire poignante, trag­ique représente un enjeu plus dif­fi­cile. Si à la fin d’une pro­jec­tion de l’un de mes films je vois les spec­ta­teurs avec des mou­choirs, j’ai l’assurance d’avoir accom­pli ma mis­sion de « racon­teur d’histoire ».

Dès les pre­mières images, vous instau­rez un ton particulier.
Je soigne tou­jours le début des films : les pre­mières images don­nent le con­texte, l’environnement dans lequel va se dérouler l’histoire. Avec en prime de la pâte à mod­el­er, il faut vrai­ment beau­coup réfléchir pour met­tre le spec­ta­teur dans la bonne direc­tion. Il est pri­mor­dial pour moi que le spec­ta­teur ne perde pas son temps. Le ciné­ma coûte cher, le temps des gens est pré­cieux, il est donc naturel que je m’emploie à être le plus sincère pos­si­ble. Les films d’animation ont un pou­voir par­ti­c­uli­er. Certes la plu­part sont là pour diver­tir, et je n’ai rien con­tre, bien au con­traire, mais j’essaie d’aller plus loin. En tout cas c’était l’un des défis de Mary and Max. Et je vous laisse imag­in­er la tête des pro­duc­teurs lorsque je leur ai résumé l’histoire : cette fil­lette aus­trali­enne mal dans sa peau qui cor­re­spond pen­dant 20 ans avec un Juif athée new yorkais atteint du syn­drome d’Asperger ! J’avais eu un Oscar pour mon court métrage et l’on s’attendait à ce que je choi­sisse un pro­jet grand pub­lic. A un moment j’ai été ten­té par l’adaptation des Schtroumpf, mais quand j’ai reçu le script… au sec­ours ! Il dégouli­nait de bons sen­ti­ments. Et, au regard de mes films, il est cer­tain que j’aurais estropié quelques per­son­nages… Cela aurait déclenché un scan­dale. J’aime les per­son­nages à la marge, ceux que l’on ne remar­que pas, que l’on peut mépris­er facile­ment car on ne les con­naît pas. J’aime don­ner à réfléchir, que les gens soient touchés mal­gré eux.

Com­ment avez-vous ren­con­tré « Max » ?
Dans la vraie vie c’est Max qui m’a envoyé le pre­mier une let­tre. Même si son prénom n’est pas iden­tique. Il m’a trou­vé par le biais d’un annu­aire pro­fes­sion­nel où je fig­u­rais comme auteur de film d’animation. Il cher­chait quelqu’un en Aus­tralie et, par hasard, il m’a envoyé une mis­sive. J’avais 18 ans à l’époque, il me demandait d’être son cor­re­spon­dant, je trou­vais que c’était un truc pour les filles ! Mais je lui ai répon­du et… je n’aurais jamais pen­sé à l’époque que cette ami­tié don­nerait lieu à un film en pâte à mod­el­er ! Encore aujourd’hui cela me paraît totale­ment far­felu. Nous cor­re­spon­dons tou­jours, je ne l’ai ren­con­tré physique­ment qu’après avoir fait le film. Je lui avais envoyé le scé­nario et, en bon Asperg­er, il m’avait répon­du par une let­tre où il lis­tait tout ce qui ne lui con­ve­nait pas ! Finale­ment le film lui a plu, nous avons pu rester amis.

Le film est très musical.
Il est de fait que, con­traire­ment à nom­bre de mes courts métrages où je m’interdisais de met­tre de la musique car je n’avais pas suff­isam­ment con­fi­ance en moi pour le faire, le long métrage en con­tient beau­coup. Elle sort directe­ment de ma dis­cothèque. J’adore écouter de la musique lorsque je tra­vaille, la plu­part du temps des œuvres clas­siques très « nar­ra­tives », Rach­mani­nov et d’autres. Elles peu­vent aus­si m’inspirer dans l’écriture. J’aime aus­si des choses bien plus légères, friv­o­les… J’aime par­ti­c­ulière­ment le film La leçon de piano. La musique y tient un rôle à part entière, elle est néces­saire au déroule­ment de l’intrigue.

Pourquoi avoir choisi d’insérer, à un moment cru­cial du film, « Que sera sera » dans la ver­sion de Pink Martini ?
Je me sou­viens que lorsque j’ai enten­du pour la pre­mière fois cette ver­sion, bien plus som­bre que celle chan­ton­née par Doris Day, elle m’a beau­coup mar­qué. D’ailleurs les paroles ne sont pas spé­ciale­ment drôles. J’ai immé­di­ate­ment eu l’envie de l’utiliser dans mon film. Le mon­tant des droits m’a un peu refroi­di, mais nous les avons acquit­tés et je suis con­tent d’avoir pu inclure cette ver­sion. Cette par­tie du film per­turbe les spec­ta­teurs : la musique les aide à com­pren­dre le geste sui­cidaire de Mary, voire l’im­plore implicite­ment de ne pas se sui­cider. Le moment est mélo­dra­ma­tique, certes, mais nous l’avons souhaité comme authen­tique et poignant. Elle doit aller ouvrir la porte, ne pas se laiss­er aller. Et véri­ta­ble­ment ce moment n’aurait pas été aus­si fort sans cette musique.

D’où vient le vis­age de Mary ?
Je dois avouer ne jamais avoir été totale­ment sat­is­fait par le look de ce per­son­nage… Elle n’a pas les yeux sim­i­laires à mes autres fig­urines — d’habitude ils sont plutôt exac­er­bés — et cela m’a don­né du fil à retor­dre. En fait elle est telle­ment petite que si vous ajoutez des yeux énormes, cela déséquili­bre le per­son­nage. Nous la voulions plus sim­ple, naïve, avec ses gross­es lunettes. Je savais qu’elle aurait des cheveux noirs, un peu gras, avec cette bar­rette rouge, une robe mar­ron comme ses chaus­sures. Un look trag­ique, en somme. Cela doit se sen­tir dès le début du film qui vous per­met de ressen­tir de l’empathie pour elle. J’ai d’ailleurs reçu de la part d’adolescentes mal dans leur peau des représen­ta­tions de Mary et des témoignages boulever­sants. Et lorsqu’elle devient adulte, même si j’aurais pu trou­ver d’autres élé­ments pour la trans­former — le fait d’avoir revu mon film hier me rend très cri­tique ! — se faire enlever sa tache de nais­sance reste un acte qu’elle regrette : elle le fait pour se sen­tir plus belle, pour séduire son mari, mais lui l’aime comme elle est. Per­dre ce détail la rend moins attachante à ses yeux. J’ai joué sur les com­plex­es que nous avons tous et sur la manière dont nous les percevons et dont ils sont perçus par l’extérieur. C’est comme si elle se reni­ait, en fait.

Le film con­naît-il des adaptations ?
Oui : un livre, des adap­ta­tions théâ­trales et, je vais vous éton­ner, la pro­duc­tion m’a infor­mé que les droits ont été achetés pour que Mary and Max devi­enne une comédie musi­cale à Broad­way ! J’ignore si ce pro­jet ver­ra le jour, je dois vous avouer être un peu dubi­tatif… Bon, dis­ons que si c’est raté je ne veux rien avoir à faire avec, si c’est un tri­om­phe, je le revendi­querai ! Plaisan­terie à part, j’ai du mal à revis­iter un tra­vail déjà fait. En revanche voir ce que d’autres peu­vent en tir­er, com­ment ils se l’approprient, me touche beau­coup, savoir que votre tra­vail peut être source d’inspiration. Les auteurs ont indiqué avoir été sai­sis par la puis­sance de l’histoire. En out­re comme Max est new yorkais, cela per­met au show de « par­ler » au pub­lic de la ville. La vie est vrai­ment étrange, vous ne savez jamais ce qui va arriver.

Vous pou­vez con­sul­ter la cri­tique du film. Et cli­quer ici pour aller sur le site du film.

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