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Making of Paradisco — Bienvenue au Paradisco !

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Paradisco ©DR
Par­adis­co ©DR
Le 31 décem­bre 1979 recon­sti­tué en stu­dio le 22 avril 2002 : Hol­ly­wood ? Non, Bag­no­let. En ce jour ensoleil­lé, la « une » de Libé (Le Pen san­glé d’un « Non » rad­i­cal) est accrochée dans la loge où maquilleuses et coif­feurs s’oc­cu­pent d’une trentaine de comé­di­ens chanteurs. Le résul­tat du pre­mier tour des élec­tions prési­den­tielles fait par­ler : il est vrai que le con­tenu du film de Stéphane s’op­pose avec force aux idées prônées par le leader du FN. Par­adis­co par­le d’ho­mo­sex­u­al­ité, de tolérance, de mémoire, de per­son­nes dis­parues, que d’au­cuns auraient cat­a­logués, de manière ter­ri­fi­ante, de « sidaïques ».

Pour l’heure, le plateau s’anime. Les plans de la fête sont com­pliqués à met­tre en place. Cha­cun est à son poste, con­cen­tré. Dans le petit jardin, une bonne par­tie de ce que le théâtre musi­cal compte de tal­ents chahute, rigole, en atten­dant d’être appelé pour le plan. Stéphane a demandé à Jérôme Pradon de tenir le rôle prin­ci­pal, celui de François, « un homme qui fait décou­vrir à son nou­v­el amant, inter­prété par Nico­las Larzul, son passé en le plongeant dans l’u­nivers du début des années 80, où tout sem­blait per­mis ». Le comé­di­en chanteur fai­sait déjà par­tie de la dis­tri­b­u­tion de La jeune fille et la tortue, précé­dent film du réal­isa­teur. Bar­bara Scaff fait elle aus­si par­tie de l’aven­ture « Je fais une appari­tion, c’est un clin d’oeil ami­cal ! Juste une chose me chif­fonne, le prénom que Stéphane m’a choisi : Mar­tine… Heureuse­ment qu’on ne le prononce jamais dans le film ! ». Bar­bara sera la pre­mière à chanter. Les comé­di­ens sont demandés sur le plateau. Après avoir répété les choré­gra­phies avec Patri­cia Delon et Lau­rent Doëzy, cha­cun sait pré­cisé­ment ce qu’il a à faire. La mise en place est donc rapi­de. Le play-back lancé, on peut con­stater que nom­breux sont ceux par­mi les mem­bres de l’équipe tech­nique, de l’as­sis­tante au machin­iste, qui gig­o­tent au son du dis­co tonique écrit par Patrick Laviosa.

Stéphane, qui soigne un lum­ba­go entre deux plans, évoque le sujet de son film : « Au départ, j’avais écrit Par­adis­co avec Fabi­en Paul pour la série L’amour est à réin­ven­ter. En effet, le thème « que sont mes amis devenus » me touchait par­ti­c­ulière­ment. Nous avons eu envie de par­ler de la mémoire, du deuil, avec une cer­taine légèreté, ce qui n’est pas, pour moi, en con­tra­dic­tion avec une cer­taine grav­ité. D’où cette idée où un garçon d’au­jour­d’hui entraîne son amant d’un soir dans son sou­venir du 31 décem­bre 1979. Le tour­nant des années 80 sem­blait la porte ouverte vers toutes les lib­ertés, c’é­tait compter sans le sida qui a fait des rav­ages. Notre pro­jet n’a pas été sélec­tion­né. Il est resté plusieurs années dans un tiroir. Après La jeune fille et la tortue, j’ai eu l’idée de le repren­dre, de le remanier (à l’o­rig­ine, le script n’é­tait pas une comédie musi­cale) pour en faire mon sec­ond court-métrage. J’ai eu la chance d’avoir Athanor Stu­dio comme pro­duc­tion : il leur a fal­lu deux ans pour réu­nir le bud­get néces­saire à la réal­i­sa­tion du film. Il ne faut pas croire que c’est une somme gigan­tesque qu’ils ont eu à trou­ver : per­son­ne n’est payé sur un court. Cela vous prou­ve leur ténac­ité. »

Une guest star de choix fera ses débuts dans le ciné­ma français : Antho­ny Rapp, le créa­teur du rôle de Mark Cohen dans Rent. « Le scé­nario m’a plu, et comme mon agen­da me l’a per­mis, je suis ravi de par­ticiper à un court-métrage français. J’adore ce pays et je prof­ite de mon rapi­de pas­sage pour amélior­er mon français ! ». Humil­ité, disponi­bil­ité, deux qual­ités de ce chanteur appré­ciées par cha­cun dans l’équipe. « On le repère facile­ment : Antho­ny se balade tou­jours avec une bouteille d’eau et un quignon de pain… Il ne résiste pas au pain français ! » con­state Sophie, l’as­sis­tante réal­isa­teur. « J’ai ren­con­tré Antho­ny Rapp à Lon­dres lorsqu’il jouait dans Rent, ajoute Stéphane. Nous avons sym­pa­thisé et sommes tou­jours restés en con­tact. J’ai écrit le rôle qu’il inter­prète en pen­sant à lui, tout en me dis­ant que jamais il ne viendrait : d’une part il a un emploi du temps sur­chargé, et en plus c’est un rôle sec­ondaire. Pour mon plus grand bon­heur, il a prof­ité d’un trou de 48 heures dans son emploi du temps pour venir tourn­er dans mon film et j’en suis très flat­té ! »

Alexan­dre Bon­stein remet en place ses poils de poitrail, une moumoute spé­ciale­ment réal­isée par Dominic, le coif­feur, pour illus­tr­er une viril­ité sans faille… Lau­rent Ban avoue : « il manque une chose sur ce tour­nage : une piscine », on sent bien qu’il se con­cen­tre pour inter­préter son rôle d’aspi­rant « danseur de Dal­i­da ». Quant à Gré­gori Baquet, la pose de sa per­ruque déclenche l’hi­lar­ité générale : « C’est sûr que les fans de Roméo et Juli­ette vont être sur­pris ! ». Alyssa Landry est ravie de ce qui con­stitue pour elle une pre­mière expéri­ence ciné­matographique « mais pas la dernière, j’adore l’am­biance de tour­nage, ce rôle insen­sé — une femme décidée de laiss­er libre cours à ses fan­taisies sen­suelles — même si c’est épuisant ». Il faut dire que, dans sa robe léopard moulante, le cheveu à la lionne, la belle a fière allure. Sinan com­pli­mente Ann’­So pour sa robe de pail­lettes ros­es, com­pli­ment retourné au tal­entueux jeune homme pour sa belle chemise en nylon assor­tie à de splen­dides lunettes « Per­son­ne ne se prend au sérieux, ajoute-t-il, le vent de lib­erté du film souf­fle sur le plateau ». Flo­rence, la maquilleuse, recon­naît que « avec mes deux com­plices, on n’est pas de trop pour maquiller tout le monde, mais je suis ravie de la dis­ci­pline de tous ces acteurs, pas de caprice ou d’ego démesuré : je pense que l’ex­péri­ence du théâtre, l’e­sprit de troupe, y est pour beau­coup ». Cet état d’e­sprit, voilà qui motive Stéphane : « J’aime l’idée de troupe, d’e­sprit de famille. Il était donc naturel de retrou­ver Jérôme et Bar­bara, ain­si que d’autres per­son­nes qui ont tra­vail­lé sur des précé­dents pro­jets. »

Aux futures remar­ques con­cer­nant Jérôme Pradon, qui ne chante pas dans le film, Stéphane explique « La musique et le chant ne con­cer­nent que le passé, c’est un choix artis­tique. C’est pourquoi vous ne ver­rez pas Jérôme chanter… sauf durant le générique de fin ! »

Il fau­dra atten­dre l’au­tomne pour que le film soit ter­miné. Un film haut en couleurs, dans tous les sens du terme. Fatigué après une journée de tra­vail intense, alors que la pré­pa­ra­tion pour le lende­main monop­o­lise encore plusieurs per­son­nes de l’équipe, Stéphane con­clut : « Réalis­er un court-métrage, dans la mesure où per­son­ne n’est payé, c’est un peu un rêve d’en­fant gâté qui voit le jour. L’en­t­hou­si­asme de toute une équipe per­met que son caprice se con­cré­tise. Finale­ment, c’est plutôt agréable ! Mais je sais ce que je dois à tous mes col­lab­o­ra­teurs. »