Pour l’heure, le plateau s’anime. Les plans de la fête sont compliqués à mettre en place. Chacun est à son poste, concentré. Dans le petit jardin, une bonne partie de ce que le théâtre musical compte de talents chahute, rigole, en attendant d’être appelé pour le plan. Stéphane a demandé à Jérôme Pradon de tenir le rôle principal, celui de François, « un homme qui fait découvrir à son nouvel amant, interprété par Nicolas Larzul, son passé en le plongeant dans l’univers du début des années 80, où tout semblait permis ». Le comédien chanteur faisait déjà partie de la distribution de La jeune fille et la tortue, précédent film du réalisateur. Barbara Scaff fait elle aussi partie de l’aventure « Je fais une apparition, c’est un clin d’oeil amical ! Juste une chose me chiffonne, le prénom que Stéphane m’a choisi : Martine… Heureusement qu’on ne le prononce jamais dans le film ! ». Barbara sera la première à chanter. Les comédiens sont demandés sur le plateau. Après avoir répété les chorégraphies avec Patricia Delon et Laurent Doëzy, chacun sait précisément ce qu’il a à faire. La mise en place est donc rapide. Le play-back lancé, on peut constater que nombreux sont ceux parmi les membres de l’équipe technique, de l’assistante au machiniste, qui gigotent au son du disco tonique écrit par Patrick Laviosa.
Stéphane, qui soigne un lumbago entre deux plans, évoque le sujet de son film : « Au départ, j’avais écrit Paradisco avec Fabien Paul pour la série L’amour est à réinventer. En effet, le thème « que sont mes amis devenus » me touchait particulièrement. Nous avons eu envie de parler de la mémoire, du deuil, avec une certaine légèreté, ce qui n’est pas, pour moi, en contradiction avec une certaine gravité. D’où cette idée où un garçon d’aujourd’hui entraîne son amant d’un soir dans son souvenir du 31 décembre 1979. Le tournant des années 80 semblait la porte ouverte vers toutes les libertés, c’était compter sans le sida qui a fait des ravages. Notre projet n’a pas été sélectionné. Il est resté plusieurs années dans un tiroir. Après La jeune fille et la tortue, j’ai eu l’idée de le reprendre, de le remanier (à l’origine, le script n’était pas une comédie musicale) pour en faire mon second court-métrage. J’ai eu la chance d’avoir Athanor Studio comme production : il leur a fallu deux ans pour réunir le budget nécessaire à la réalisation du film. Il ne faut pas croire que c’est une somme gigantesque qu’ils ont eu à trouver : personne n’est payé sur un court. Cela vous prouve leur ténacité. »
Une guest star de choix fera ses débuts dans le cinéma français : Anthony Rapp, le créateur du rôle de Mark Cohen dans Rent. « Le scénario m’a plu, et comme mon agenda me l’a permis, je suis ravi de participer à un court-métrage français. J’adore ce pays et je profite de mon rapide passage pour améliorer mon français ! ». Humilité, disponibilité, deux qualités de ce chanteur appréciées par chacun dans l’équipe. « On le repère facilement : Anthony se balade toujours avec une bouteille d’eau et un quignon de pain… Il ne résiste pas au pain français ! » constate Sophie, l’assistante réalisateur. « J’ai rencontré Anthony Rapp à Londres lorsqu’il jouait dans Rent, ajoute Stéphane. Nous avons sympathisé et sommes toujours restés en contact. J’ai écrit le rôle qu’il interprète en pensant à lui, tout en me disant que jamais il ne viendrait : d’une part il a un emploi du temps surchargé, et en plus c’est un rôle secondaire. Pour mon plus grand bonheur, il a profité d’un trou de 48 heures dans son emploi du temps pour venir tourner dans mon film et j’en suis très flatté ! »
Alexandre Bonstein remet en place ses poils de poitrail, une moumoute spécialement réalisée par Dominic, le coiffeur, pour illustrer une virilité sans faille… Laurent Ban avoue : « il manque une chose sur ce tournage : une piscine », on sent bien qu’il se concentre pour interpréter son rôle d’aspirant « danseur de Dalida ». Quant à Grégori Baquet, la pose de sa perruque déclenche l’hilarité générale : « C’est sûr que les fans de Roméo et Juliette vont être surpris ! ». Alyssa Landry est ravie de ce qui constitue pour elle une première expérience cinématographique « mais pas la dernière, j’adore l’ambiance de tournage, ce rôle insensé — une femme décidée de laisser libre cours à ses fantaisies sensuelles — même si c’est épuisant ». Il faut dire que, dans sa robe léopard moulante, le cheveu à la lionne, la belle a fière allure. Sinan complimente Ann’So pour sa robe de paillettes roses, compliment retourné au talentueux jeune homme pour sa belle chemise en nylon assortie à de splendides lunettes « Personne ne se prend au sérieux, ajoute-t-il, le vent de liberté du film souffle sur le plateau ». Florence, la maquilleuse, reconnaît que « avec mes deux complices, on n’est pas de trop pour maquiller tout le monde, mais je suis ravie de la discipline de tous ces acteurs, pas de caprice ou d’ego démesuré : je pense que l’expérience du théâtre, l’esprit de troupe, y est pour beaucoup ». Cet état d’esprit, voilà qui motive Stéphane : « J’aime l’idée de troupe, d’esprit de famille. Il était donc naturel de retrouver Jérôme et Barbara, ainsi que d’autres personnes qui ont travaillé sur des précédents projets. »
Aux futures remarques concernant Jérôme Pradon, qui ne chante pas dans le film, Stéphane explique « La musique et le chant ne concernent que le passé, c’est un choix artistique. C’est pourquoi vous ne verrez pas Jérôme chanter… sauf durant le générique de fin ! »
Il faudra attendre l’automne pour que le film soit terminé. Un film haut en couleurs, dans tous les sens du terme. Fatigué après une journée de travail intense, alors que la préparation pour le lendemain monopolise encore plusieurs personnes de l’équipe, Stéphane conclut : « Réaliser un court-métrage, dans la mesure où personne n’est payé, c’est un peu un rêve d’enfant gâté qui voit le jour. L’enthousiasme de toute une équipe permet que son caprice se concrétise. Finalement, c’est plutôt agréable ! Mais je sais ce que je dois à tous mes collaborateurs. »