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Making of Le Roi Soleil — Un show royal rock’n baroque

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La troupe du Roi Soleil ©DR
La troupe du Roi Soleil ©DR

A un mois de la pre­mière, l’ef­fer­ves­cence règne dans la grande salle du Palais des Sports. Toute l’équipe du Roi Soleil, con­sciente de l’en­jeu, s’af­faire et ne ménage pas ses efforts sous l’oeil atten­tif de Dove Attia et Albert Cohen, les deux pro­duc­teurs du spectacle.

Un décor majestueux « made in Opéra »
Après Les Dix Com­man­de­ments et Autant en emporte le vent, c’est le troisième gros spec­ta­cle musi­cal qu’ils pro­duisent. « Avec un bud­get à peu près équiv­a­lent (6 M pour la pré-pro­duc­tion et 4M pour l’ex­ploita­tion au Palais des Sports), nous allons faire plus et mieux. On sait mieux gér­er, mieux maîtris­er le plan­ning, c’est le méti­er qui ren­tre ! » se réjouit Dove Attia qui se trou­ve en par­tie ras­suré par le suc­cès des sin­gles et de l’al­bum et par les 130 000 places déjà ven­dues. Néan­moins on le sent nerveux et fébrile. « C’est le plus lourd des trois tant sur le plan artis­tique que tech­nique ! » s’ex­clame-t-il en nous faisant décou­vrir les deux immenses struc­tures mobiles qui se trou­vent sur la scène. En nous approchant, nous ressen­tons une agréable odeur de bois. « C’est nor­mal » nous explique Dove, « tout le décor est entière­ment en bois ! ». Ces deux struc­tures, qui se dépla­cent et s’ou­vrent, ne sont qu’une par­tie du décor dont la con­cep­tion a été con­fiée à Alain Lagarde, grand déco­ra­teur à l’Opéra de Paris. Des pro­jec­tions seront effec­tuées sur des toiles en PVC cristal trans­par­ent, la super­po­si­tion de ces toiles per­me­t­tra de créer des effets de per­spec­tive en par­ti­c­uli­er pour les jardins de Ver­sailles. Dove Attia nous con­fie les dif­fi­cultés tech­niques d’un tel décor au Palais des Sports où il n’ex­iste pas de cin­tres, ni de pro­fondeur de scène, mais apparem­ment l’équipe tech­nique emmenée par François Chou­quet ne manque pas d’imag­i­na­tion pour relever ce défi. « On ne peut pas pro­duire un tel spec­ta­cle si on n’a pas les meilleurs en France à chaque poste, c’est telle­ment dif­fi­cile » affirme le pro­duc­teur alors que la troupe s’ap­prête à démar­rer la répétition.

Place à la comédie
Une jolie musique baroque reten­tit. On pour­rait la penser d’époque et pour­tant il s’ag­it d’une com­po­si­tion orig­i­nale pour le spec­ta­cle. « Nous tenions à ce qu’il y ait une vraie cohérence musi­cale dans les enchaîne­ments, les har­monies, les tonal­ités, les tem­po » nous explique Dove Attia. La lumière s’éteint et un comé­di­en entre en scène, il s’ag­it de Molière qui, dans un petit mono­logue, intro­duit la pre­mière scène du spec­ta­cle : la Fronde. La présence de comé­di­ens dans ce genre de pro­duc­tion, c’est une pre­mière en France ! Ils sont qua­tre à inter­préter plusieurs rôles unique­ment par­lés (Anne d’Autriche, Mazarin, Molière, Scar­ron, la Voisin…). « Nous avons tenu à ce qu’il y ait une véri­ta­ble dra­maturgie, qu’on puisse com­pren­dre le spec­ta­cle sans con­naître toute l’his­toire avant. Nous avons tra­vail­lé un an et demi sur l’écri­t­ure du livret, on en a fait 18 ver­sions ! » s’ex­clame Dove Attia, « il y a au moins 20% de comédie, les chanteurs de la troupe ont suivi un entraîne­ment inten­sif pour assur­er au mieux dans les scènes de comédie aux côtés de ces comé­di­ens con­fir­més et tal­entueux». Et recon­nais­sons que pour le peu que nous en avons vu, le résul­tat est assez probant.

Une troupe qui répète sans relâche
Passé le pro­logue, le baroque laisse place à un tem­po rock. De tous les coins de la salle, la troupe fig­u­rant le peu­ple en colère se pré­cip­ite sur la scène. Mer­wan Rim (qui joue le Duc de Beau­fort, à la tête des insurgés) inter­prète la pre­mière chan­son du spec­ta­cle, « Con­tre ceux d’en haut ». La mélodie est accrocheuse et effi­cace, nous appren­drons plus tard par un proche qu’elle est signée de…Dove Attia lui-même ! Sur scène la troupe se démène, mais pas suff­isam­ment au goût de Stéphane Jarny, l’as­sis­tant met­teur en scène et choré­graphe de Kamel Ouali absent ce jour-là. Il inter­rompt la scène et s’adresse à la troupe avec calme et fer­meté: « On va la refaire parce qu’on n’y croit pas. Là, je vois un bal­let bien pro­pre mais l’humeur du spec­ta­cle et l’én­ergie n’y sont pas. C’est de la fig­u­ra­tion pas­sive. N’ou­bliez pas les raisons pour lesquelles on fait ce tableau. Aujour­d’hui on répète pour essay­er d’amélior­er, de pass­er un cran au-dessus ». Sur le plateau, per­son­ne ne moufte, l’am­biance est à la con­cen­tra­tion. Mal­gré la fatigue (près de dix heures de répéti­tions par jour, six jours sur sept), la troupe recom­mence la scène plusieurs fois avant d’en­chaîn­er sur la suiv­ante où Isabelle, fille du peu­ple, (inter­prétée par Vic­to­ria Pet­rosil­lo) pleure ses com­pagnons tués lors de la Fronde en s’adres­sant à Dieu (« Qu’avons-nous fait de vous ? »).

Sur­prise : des musi­ciens live sur scène !
Pre­mier mou­ve­ment de décor, les deux struc­tures fig­u­rant jusque là des façades d’im­meu­ble, sont déplacées et s’ou­vrent pour laiss­er place à l’in­térieur d’un salon où l’on assiste à la ren­con­tre du poète Scar­ron avec Françoise d’Aubigné (future mar­quise de Main­tenon et deux­ième épouse secrète du Roi Soleil). C’est là que nous décou­vrons pour la pre­mière fois les qua­tre musi­ciens (deux vio­lons, un vio­lon­celle et un clavecin) qui vont inter­venir régulière­ment tout au long du spec­ta­cle pen­dant les scènes de comédie et qui accom­pa­g­nent qua­tre chan­sons dont celle inter­prétée par Cathia­line Andria (Françoise d’Aubigné) pen­dant cette scène. Là encore, qua­tre chan­sons accom­pa­g­nées juste par qua­tre instru­ments acous­tiques, c’est du jamais vu dans les gross­es pro­duc­tions de spec­ta­cles musi­caux « à la française ». Le con­traste avec les chan­sons sur bande est sai­sis­sant. Et il y a fort à pari­er que, comme le dit Dove Attia par­ti­c­ulière­ment sat­is­fait du résul­tat, « les gens vont ador­er ce quatuor pour l’at­mo­sphère, l’at­ten­tion et l’é­coute qu’il provoque ». Le revers de la médaille c’est que tech­nique­ment c’est dif­fi­cile à régler. Con­traire­ment aux spec­ta­cles précé­dents, on ne peut pas laiss­er défil­er la bande son du début à la fin. Là, il faut l’in­ter­rompre chaque fois qu’in­ter­vient le quatuor acous­tique. Les « cut » doivent se faire à la sec­onde près pour que les enchaîne­ments soient le plus har­monieux possible.

La « Kamel touch »
La répéti­tion se pour­suit tou­jours sous l’oeil atten­tif et sans con­ces­sion de Stéphane Jarny. Après un dia­logue grave et très expli­catif entre Anne d’Autriche et Mazarin, nous arrivons à la scène du sacre du jeune Louis XIV. Emmanuel Moire (le Roi) appa­raît de sous la scène par une trappe et démarre la chan­son « Etre à la hau­teur » seul sur le plateau. Pen­dant la chan­son, il est rejoint par le reste de la troupe pour la céré­monie du couron­nement, puis il s’élève au-dessus de la scène et la troupe exé­cute une choré­gra­phie très orig­i­nale avec des touch­es de danse baroque. Dove Attia en prof­ite pour nous con­fi­er tout le bien qu’il pense du tra­vail de Kamel Ouali : « Je per­siste à dire que Kamel est le meilleur en France pour ce genre de spec­ta­cle, il a une vision de l’e­space incroy­able, il me sur­prend à chaque fois. Il s’est forte­ment impliqué dans ce spec­ta­cle, dès la phase d’écri­t­ure du livret ». Après avoir répété plusieurs fois la scène suiv­ante dif­fi­cile à régler (chant, choré­gra­phie par­ti­c­ulière­ment acro­ba­tique, et scène de comédie) entre le Roi et Marie Manci­ni (Anne-Lau­re Gir­bal), Stéphane Jarny annonce la pause bien­v­enue, il est déjà 18h40, mais ce n’est pas fini, dans vingt min­utes, on reprend !