Musique & Lyrics : Stephen Sondheim
Livret : John Weidman
Orchestrations : Jonathan Tunick
Mise en scène : Phil Willmott Company
Notre avis : Après la première production londonienne à la Menier Chocolate Factory en 2011, le Union Theatre offre une nouvelle occasion de voir Road Show. C’est l’œuvre la plus récente et la moins connue de Sondheim, malmenée par les critiques à sa sortie et réécrite plusieurs fois sous différents titres : Gold!, Wise Guys et Bounce (joué Off Broadway en 2003) avant cette version définitive en un acte. Cette production en mode « fringe » lui fait un parfait honneur.
Côté jardin, il y a une machine à écrire antique et des cadavres de bouteilles Jack Daniels sur un bureau de travail ; une table ronde crée une atmosphère de bar côté cour. Un large miroir sans tain couvre entièrement le lointain, derrière lequel les acteurs peuvent évoluer sous un puits de lumière de façon un peu fantomatique, une perspective originale comme un tableau vivant. La mise en scène utilise à plein ce décor frugal pour mener le public dans l’histoire rocambolesque de deux frères inséparables que tout oppose, partis à l’aventure faire fortune sur l’insistance du père mourant. L’un court les tripots et les femmes, l’autre cherche un sens à sa vie – et, de façon impromptue, un homme. Misant sur la ruée vers l’or en Alaska du début du siècle dernier puis la spéculation foncière en Floride, le frère insatiable entraîne irrémédiablement son alter ego dans sa chute.
On reconnaît le pessimisme forcené de Sondheim sur la nature humaine et les issues fatales. Le show est néanmoins aussi drôle qu’il peut l’être pour une spirale dépressive et enchaîne des tableaux vivaces et tendres. Une narration fournie, presque chantée de bout en bout, sonne juste dans le fond et la forme. La musique, bien que sophistiquée, regorge de mélodies entêtantes. Le tout porte la marque de fabrique de Sondheim.
Comme toujours à Londres, la troupe d’une quinzaine d’acteurs fait des merveilles sur la petite scène du Union Theatre. Mention spéciale pour le jeune Canadien Joshua LeClair qui campait déjà un sympathique Laszlo dans She Loves Me au Landor Theatre l’an dernier. Dans le rôle secondaire de l’amant idéaliste, son physique de gringalet dégageant une voix de stentor le distingue assurément.