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Londres et Broadway — Le guide du débutant

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Richard Chamberlain et Laura Benanti dans une reprise de La mélodie du bonheur à Broadway.  ©DR
Richard Cham­ber­lain et Lau­ra Benan­ti dans une reprise de La mélodie du bon­heur à Broad­way. ©DR
Le théâtre musi­cal anglo-améri­cain est un genre encore peu con­nu en France. Certes, l’âge d’or du ciné­ma musi­cal (années 40–50) a bien pop­u­lar­isé quelques titres: Le roi et moi, Hel­lo, Dol­ly !, West Side Sto­ry, les Fred Astaire, My Fair Lady, La mélodie du bon­heur… Plus récem­ment, il y a eu Cabaret, Grease, Evi­ta… Ces suc­cès sont ini­tiale­ment nés sur les planch­es améri­caine ou anglaise avant que Hol­ly­wood ne les acca­pare et en fasse les suc­cès plané­taires que l’on sait. Au point que le pub­lic ignore sou­vent leur orig­ine théâtrale.

Depuis les années 60, le divorce par con­sen­te­ment mutuel a été pronon­cé entre Hol­ly­wood et Broad­way. Peu de spec­ta­cles de théâtre musi­cal améri­cain intéressent réelle­ment les grands stu­dios. Mais ceci ne sig­ni­fie aucune­ment que le théâtre musi­cal ait dis­paru. Même si les jour­naux français n’en par­lent guère, il y a Out­re-Manche et Out­re-Atlan­tique une créa­tiv­ité immense et une activ­ité intense. Un rapi­de regard sur les pays voisins de la France con­stat­erait aus­si une vital­ité éton­nante en Alle­magne, Bel­gique, Espagne. Les excep­tions restent l’I­tal­ie, encore mar­quée par l’Opéra, et la France.

Par­ler l’anglais, même rudi­men­taire, per­met d’ac­céder à des spec­ta­cles de qual­ité. La con­nais­sance du résumé de l’his­toire suf­fit sou­vent. Pourquoi alors ne pas com­mencer avec un « musi­cal » (comme dis­ent les anglo­phones) comme Les Mis­érables, d’après Vic­tor Hugo (ce dernier a aus­si inspiré Notre Dame de Paris). Ce spec­ta­cle a d’ailleurs été écrit et com­posé par un tan­dem français: Claude-Michel Schön­berg et Alain Bou­blil. Ils con­nais­sent une gloire immense hors de l’hexa­gone, alors qu’ils restent incon­nus sous les cieux français. Les Mis­érables (depuis 1985 et tou­jours à l’af­fiche) con­stituent un spec­ta­cle stupé­fi­ant. L’his­toire est con­nue. On suit le des­tin de Jean Val­jean en quête d’in­té­gra­tion dans une société qui rejette les forçats. On vit des his­toires d’amour heureuses et mal­heureuses et on tra­verse la révo­lu­tion idéal­iste de 1832 L’oeu­vre joue sur plusieurs niveaux: Les des­tins indi­vidu­els des nom­breux per­son­nages qui ont cha­cun leur car­ac­téri­sa­tion théâ­trale et musi­cale, et l’ar­rière plan his­torique incar­nés par de valeureux héros anonymes. Les moments forts se suc­cè­dent, mêlant les moments intimistes et des scènes d’ensem­ble. Le devant de la scène est occupé suc­ces­sive­ment par les nom­breux pro­tag­o­nistes qui ont cha­cun leurs morceaux de bravoure. Les mélodies superbes s’en­chaî­nent mer­veilleuse­ment en main­tenant une haute qual­ité durant 3 heures. Après avoir vu Les Miz (comme les appel­lent leurs fans), on peut déjà con­firmer si on aime ou non le théâtre musi­cal d’ex­pres­sion anglaise.

Les clas­siques de la scène londonienne
Le réper­toire récent anglo­phone compte des spec­ta­cles qui tien­nent le haut de l’af­fiche depuis plusieurs années simul­tané­ment à Lon­dres et New-York. Des mêmes Schön­berg et Bou­blil, Miss Saigon (1989) a con­forté les auteurs au fir­ma­ment du théâtre musical.

Du coté des anglais, Cats de Andrew Lloyd Web­ber attire les foules depuis près de 20 ans. Ses auteurs avisés le sous-titrent aujour­d’hui « Now and For­ev­er » (main­tenant et pour tou­jours), car son suc­cès ne faib­lit pas. Tout le monde con­nait au moins « Mem­o­ry », pop­u­lar­isé par Bar­bra Streisand.

Du même auteur, Phan­tom Of The Opera est le « musi­cal » de la déc­la­ra­tion d’amour. Son roman­tisme débridé et trag­ique facilite les déc­la­ra­tions enflam­mées dans le noir des représen­ta­tions. Les mélodies sont faciles d’ac­cès et d’une grande beauté. La mise en scène est spec­tac­u­laire et séduisante. Ces titres con­stituent des valeurs sûres pour l’ini­ti­a­tion. Les ama­teurs expéri­men­tés retour­nent aus­si les voir de temps à autres. Et ils con­sta­tent que ces spec­ta­cles fonc­tion­nent tou­jours comme la pre­mière fois. Ceci explique que ces affich­es fassent le tour du monde avec suc­cès et ont un statut de comédies musi­cales d’initiation.

Les auteurs et oeu­vres cités plus haut éma­nent de la scène lon­doni­enne. La cap­i­tale anglaise a en effet mon­tré un renou­veau épous­tou­flant depuis 25 ans env­i­ron, coïn­ci­dant avec l’as­cen­sion ful­gu­rante du com­pos­i­teur Andrew Lloyd Web­ber et du pro­duc­teur Cameron Mack­in­tosh. Ce ray­on­nement a atteint la scène new-yorkaise. Les grands suc­cès d’outre-Manche devi­en­nent égale­ment les suc­cès de Broad­way… au grand dam des créa­teurs et artistes améri­cains d’ailleurs. Mais l’in­verse est égale­ment vrai. Broad­way a égale­ment ses spec­ta­cles à suc­cès qui fran­chissent l’At­lan­tique dans l’autre sens. Mais ils tien­nent moins longtemps. En sim­pli­fi­ant, les européens éla­borent des spec­ta­cles séduisant à longue durée de vie alors que les améri­cains intel­lec­tu­alisent leur shows. Ceci qui leur con­fère une vie plus courte car ils sont davan­tage liés aux phénomènes de mode. Ironique­ment, la sit­u­a­tion de con­cur­rence entre les anglo/français et les améri­cains se présente à l’in­verse de ce qu’on observe pour le ciné­ma. Les reproches que les ama­teurs de théâtre améri­cain adressent aux européens sont les mêmes que ceux que les défenseurs du ciné­ma européens adressent à Hol­ly­wood : manque de sub­stance, trop d’ef­fets spec­tac­u­laires et faciles… c’est l’éter­nel débat entre le diver­tisse­ment et le cérébral. Quoiqu’il en soit, la rival­ité des deux cotés de l’At­lan­tique est féroce mais elle prof­ite large­ment au spec­ta­teur. Il est indé­ni­able que les spec­ta­cles des européens Andrew Lloyd Web­ber et Boublil/Schönberg ont ramené un large pub­lic dans les théâtres de Broad­way qui se lan­guis­saient dans les années 70. Depuis 1980, Broad­way a fini par retrou­vé un rythme de croisière entre créa­tions de nou­veaux spec­ta­cles, repris­es, et les suc­cès con­fir­més de Londres.

Réservé aux accros… 
Dans le domaine de la créa­tion améri­caine, un nom est incon­tourn­able: Stephen Sond­heim. Il crée depuis plus de 30 ans. Ses spec­ta­cles, dont il écrit paroles et musiques, hormis à ses débuts (il est le paroli­er de West Side Sto­ry), sont des événe­ments. Sond­heim a imposé un grand-écart à Broad­way : il a hérité de l’ex­péri­ence d’un grand maître, Oscar Ham­mer­stein II (à l’o­rig­ine des grands suc­cès pop­u­laires comme Okla­homa !, South Pacif­ic et La mélodie du bon­heur) mais il a choisi la voix de l’hy­per-sophis­ti­ca­tion, en com­posant sur des livrets intel­lectuelle­ment très ambitieux. Pour qui accepte l’ef­fort de sol­liciter ses neu­rones, le résul­tat est effec­tive­ment grat­i­fi­ant, d’au­tant que musique et paroles sont superbes et par­faite­ment inté­grés au texte. Cepen­dant le pub­lic améri­cain lui-même ne suit pas tou­jours ce créa­teur qui évolue hors des sen­tiers bat­tus. Les curieux essaieront Into The Woods et Fol­lies. Atten­tion, une fois qu’on est mor­du, c’est toute la discogra­phie de Sond­heim qui risque de se fray­er un chemin vers votre discothèque.

Dans le domaine des valeurs sûres, les repris­es, ou « revivals » con­cer­nent essen­tielle­ment les grands maîtres des années 30 à 60. Les spec­ta­cles ayant fait l’ob­jet d’une adap­ta­tion au ciné­ma seront bien sûr priv­ilégiés. Les grands noms qui revi­en­nent de manière récur­rente sont Irv­ing Berlin (Annie Get Your Gun), Rodgers et Ham­mer­stein (voir plus haut), Jerome Kern (Show Boat), George et Ira Ger­schwin (Lady, Be Good !, Por­gy and Bess), Lern­er et Loewe (My Fair Lady, Camelot), Cole Porter (Any­thing Goes, Kiss Me, Kate). Lors de ces repris­es, les met­teurs en scène s’at­tachent à faire du neuf avec de l’an­cien. Ils doivent nav­iguer habile­ment entre la référence de la pro­duc­tion orig­i­nale et une actu­al­i­sa­tion néces­saire pour le nou­veau pub­lic espéré nom­breux. Les « revivals » occa­sion­nent donc rarement de mau­vais­es surprises.

Récem­ment un nou­v­el acteur majeur a fait son entrée: Dis­ney. Les dessins ani­més ont ren­con­tré l’énorme suc­cès qu’on con­naît depuis la fin des années 80, grâce aux tal­ents de Broad­way notam­ment. Le tan­dem auteur/compositeur Howard Ashman/Alan Menken est issu de ce monde, ain­si que les voix des per­son­nages. Il n’en a pas fal­lu davan­tage pour que l’adap­ta­tion sur scène ait lieu avec La belle et la bête, puis Le roi lion. De la même façon que pour les repris­es, l’adap­ta­tion des dessins-ani­més cap­i­talise sur l’oeu­vre ini­tiale large­ment con­nue pour attir­er le pub­lic. Mais Dis­ney essaie toute­fois de le sur­pren­dre en pro­posant des relec­tures orig­i­nales, notam­ment pour Le roi lion.

Le suc­cès de cer­tains spec­ta­cles français, comme Star­ma­nia ou Notre Dame de Paris, est immense mais ces réus­sites sont encore rares. A l’heure des échanges inter­na­tionaux, il est donc aisé d’ac­céder à ces grandes villes cul­turelles que sont Lon­dres et New-York. On fustige par­fois les Améri­cains pour leur impéri­al­isme cul­turel, mais il est un domaine dans lequel ils excel­lent dis­crète­ment : le théâtre musi­cal. Les grands films musi­caux passés et présents ont mon­tré leur ébou­rif­fante vital­ité d’ac­teurs chan­tants et dansants. Si vous passez à Lon­dres ou à New-York, allez voir cela sur scène. Avec l’au­then­tic­ité et l’in­tim­ité du théâtre, c’est sim­ple­ment magique !

Les oeu­vres et les créa­teurs cités dans l’article : 
Andrew Lloyd Webber
Evi­ta (1979): Un film est sor­ti en 1996 réal­isé par Alan Park­er, avec Madon­na, Anto­nio Ban­deras et Jonathan Pryce. Disponible en vidéo.

Cats (1981): Voir la représen­ta­tion filmée spé­ciale­ment pour la vidéo, éditée en 1998.
Le fan­tôme de l’opéra (1987): Com­mencer par le CD des extraits qui con­tient la sélec­tion des meilleures chansons.

Alain Bou­blil et Claude-Michel Schönberg
Les Mis­érables (ver­sion orig­i­nale française 1980, ver­sion lon­doni­enne 1985). Existe en plusieurs ver­sions CD. En français, il y a la ver­sion orig­i­nale de 1980, et l’en­reg­istrement cor­re­spon­dant aux représen­ta­tions de 1991 à Paris. Il y a ensuite les ver­sions lon­doni­ennes, de Broad­way. Les ama­teurs d’ex­haus­tiv­ité ou de curiosités peu­vent ensuite par­courir la planète pour acquérir les CD des adap­ta­tions pour dif­férents pays. Enfin il y a une fab­uleuse vidéo anglaise (en PAL) du con­cert du 10e anniver­saire avec une dis­tri­b­u­tion de rêve pour les con­nais­seurs du théâtre musi­cal anglais.

Miss Saigon (1989). La ver­sion de la dis­tri­b­u­tion d’o­rig­ine à Lon­dres avec la mer­veilleuse chanteuse Lea Salon­ga s’im­pose. Cette dernière a été remar­quée par Dis­ney qui lui demandé depuis d’in­ter­préter les voix améri­caines chan­tées de Jas­mine dans Aladdin et Mulan dans le film éponyme.

Stephen Sond­heim
Fol­lies (1971). Pour une ini­ti­a­tion aisée, com­mencer par le con­cert de 1986 en 2 CD.

Into The Woods (1987). S’in­téress­er au CD de la dis­tri­b­u­tion d’o­rig­ine de Broad­way. Le spec­ta­cle a été filmé et existe en vidéo améri­caine (NTSC). Si vous accrochez, essayez …

Sun­day In The Park With George qui existe aus­si en vidéo. Ce spec­ta­cle est cer­taine­ment le plus intel­lec­tu­al­isant et le plus séduisant qu’ait pro­duit Broadway.

Irv­ing Berlin
Annie Get Your Gun (1946). Le plus grand suc­cès du com­pos­i­teur, grand faiseur de tubes de l’âge d’or de Broad­way. Un reprise pres­tigieuse est en cours depuis cette année à Broadway.

Richard Rodgers et Oscar Ham­mer­stein II 
Okla­homa ! (1943). Le pre­mier suc­cès du tan­dem. Fait l’ob­jet d’une reprise à Lon­dres en 1999.
Carousel (1945). A fait l’ob­jet d’une reprise récente à Lon­dres et Broadway.

Le roi et moi (1951). Le ciné­ma vient d’en faire une adap­ta­tion en dessin ani­mé qui sort en France en juil­let 1999. Pour s’ini­ti­er on préfér­era le film de 1956 avec Yul Bryn­ner et Deb­o­rah Kerr .

La mélodie du bon­heur (1959). Fait l’ob­jet d’une reprise à Broad­way depuis 1999. Le film, avec Julie Andrews, est très célèbre.

Dis­ney
La belle et la bête (1994). Musique de Alan Menken, paroles de Howard Ash­man, com­plé­ments de Tim Rice. Pour débuter on peut regarder le célèbre dessin ani­mé du même nom.

Le roi lion (1998). Musique de Elton John, paroles de Tim Rice, chan­sons sup­plé­men­taires de Lebo M, Mark Manci­na, Jay Rifkin, Julie Tay­mor et Hans Zim­mer. Pour débuter on peut regarder le célèbre dessin ani­mé du même nom. Une bonne façon d’ini­ti­er les enfants au théâtre musical !

Vous pour­rez ensuite enchaîn­er avec George et Ira Gersh­win, Cole Porter, Lern­er et Loewe et Jerome Kern. Et vous serez alors suff­isam­ment initié(e) pour vous débrouiller…