Liza Pastor, quelle formation artistique avez-vous suivie ?
Je n’ai pas vraiment suivi de formation. J’ai pris des cours de danse dès l’âge de six ans — classique, contemporain, jazz — mais c’était juste un loisir. Comme j’ai aussi toujours aimé chanter, j’ai commencé à faire des concours de chant à dix ans. C’est d’ailleurs en participant à un concours de chant dans le sud que j’ai été repérée et qu’on m’a dit que Glem [NDLR : société de production de Gérard Louvin] recherchait des jeunes filles pour deux spectacles musicaux en préparation : Les Demoiselles de Rochefort et Belles, Belles, Belles. J’ai envoyé à tout hasard une démo et une lettre de motivation. Après plusieurs auditions, j’ai été prise pour Belles, Belles, Belles. J’ai signé mon contrat en mars et passé mon bac en juin !
Quels souvenirs gardez-vous de Belles, Belles, Belles ?
J’ai adoré cette première expérience, je n’avais que 18 ans. J’arrivais parmi des artistes expérimentés alors que moi, je ne connaissais rien. J’étais le bébé de la troupe. J’ai beaucoup appris à leurs côtés. Jouer tous les soirs devant un public un spectacle populaire avec des chansons de Claude François, en plus à l’Olympia, c’était génial. Je ne pensais pas que ça demandait tant de travail. Peut-être que le plus difficile pour moi, qui venais de Montpellier, a été de perdre mon accent du sud ; Redha [NDLR : le chorégraphe et metteur en scène] y tenait beaucoup !
Pendant les cinq années qui ont suivi, on ne vous a pas vue dans des spectacles musicaux…
Je n’ai passé aucune audition pour les projets qui se montaient à l’époque, je ne les sentais pas. J’ai signé avec Gérard Louvin et AZ Universal pour un album. J’ai rencontré plein d’auteurs et de compositeurs. Tout allait dans des directions qui manquaient de cohérence et qui ne me correspondaient pas. C’était très formaté. Ça a duré deux ans pour qu’à l’arrivée, il n’y ait rien. Là, je me suis dit qu’il fallait que je réagisse si je voulais vivre de ce métier. J’ai fait du cabaret, en particulier le Don Camillo où je chantais une demi-heure des standards, accompagnée à la guitare. C’est une bonne école pour la scène, il faut aller chercher les gens, les intéresser, leur parler, faire de l’humour. Je me suis remise à passer des auditions pour Grease, la production qui devait être mise en scène par Jean-Luc Revol. J’ai été prise pour le rôle de Sandy. Et puis finalement, il y a eu un problème au niveau de la production qui a été reprise par Serge Tapierman et une nouvelle équipe. Sans même me voir, on m’a proposé de rester sur le projet mais cette fois simplement comme doublure Sandy. J’étais écœurée. Heureusement, ensuite, il y a eu Hair qui m’a remise dans le bain des musicals.
Visiblement, vous avez pris beaucoup de plaisir sur Hair…
J’ai revécu l’envie d’être ensemble, de partager. J’ai commencé à prendre du plaisir à jouer la comédie, ce qui ne m’était pas arrivé sur Belles, Belles, Belles où j’avais un rôle de pépette blonde pas évident à assumer. J’étais entourée de Laurent Ban, Fabian Richard, Antoine Lelandais qui sont de vrais comédiens-chanteurs. Ca fait du bien, on a envie d’avancer, d’être à la hauteur. J’ai complètement adhéré au parti pris de Ned Grujic, le metteur en scène, qui a partagé le public entre ceux qui adoraient et ceux qui détestaient. On était vraiment une vraie tribu entre nous comme dans le spectacle.
Et vous voilà maintenant sur Zorro le musical…
Ça a failli ne pas se faire. J’avais envoyé mon CV mais quand Stage m’a appelée pour la première audition, je n’y suis pas allée, pensant que c‘était perdu d’avance. Ils cherchaient une brune typée méditerranéenne, la voix très lyrique d’Emma Williams [NDRL : la Luisa de Londres] n’avait rien à voir avec la mienne. C’est la première fois que je passais une audition pour Stage, je n’avais pas envie d’arriver en ne correspondant pas du tout à ce qu’ils recherchaient. Tous mes partenaires de Hair passaient les auditions pour Zorro et me poussaient à y aller. Stage m’a rappelée un mois après car ils n’avaient toujours pas trouvé les deux rôles féminins. Cette fois-ci, j’y suis allée, et au bout de quatre auditions j’ai eu le rôle de Luisa.
Et vous avez retrouvé Laurent Ban (Diego/Zorro) qui était déjà votre partenaire sur Hair…
A la dernière audition, Laurent et moi nous sommes passés ensemble. C’est vrai que c’était beaucoup plus facile pour nous : on se connaissait bien, on venait de jouer ensemble. Quand on a su qu’on allait passer ensemble, la semaine précédente, on a répété tous les matins à huit heures au Théâtre Le Trianon où nous venions de jouer Hair ! On travaillait le flamenco sur le parquet. Nous avions même pris deux cours ensemble en prévision. Ashley, la directrice de casting de Stage, était venue nous voir dans Hair et avait adoré l’énergie que nous dégagions tous les deux et notre complicité. Elle l’avait dit à Christopher Renshaw, le metteur en scène. Je pense que ça nous a bien aidés.
Etiez-vous sensible à la musique des Gypsy Kings ?
Oui. Je suis du sud et d’origine espagnole par mon père, même si ça ne se voit pas beaucoup ! J’ai grandi avec ce style de musique. Je n’ai pas eu peur que ce soit ringard mais j’ai eu peur que les gens le pensent. Et c’est vrai qu’il y en a beaucoup qui ont un a priori, pensant que Zorro est juste un enchaînement de chansons des Gypsy Kings alors que ce n’est pas le cas. La promotion a été orientée sur « Bamboléo » et « Baila me », ça peut se comprendre mais c’est un peu réducteur par rapport à la réalité du spectacle.
Par rapport à vos précédentes expériences, avez-vous noté des différences importantes dans la façon de travailler ?
Une rigueur à tous les niveaux, surtout pour les horaires. A l’Académie Fratellini où nous répétions, il y avait trois salles, une consacrée à la danse, une à la mise en scène générale et une où on travaillait la comédie et les chansons. Pour chaque salle, il y avait un planning demi-heure par demi-heure, à la minute près. Grâce à cette rigueur, nous avons pu monter le spectacle en un mois. Même encore maintenant, aucun retard n’est toléré. Par exemple, quand les garçons sont en retard au fight call (répétition quotidienne des combats avant le spectacle), ils ne jouent pas dans les combats le soir, c’est trop dangereux. Une telle rigueur est assez rare dans ce métier artistique, du moins en France. Moi j’aime ça.
Zorro fait la part belle aux scènes de comédie. Etait-ce un aspect que vous appréhendiez ?
Oui, j’appréhendais, surtout parce que je savais que j’allais jouer avec de vrais comédiens de théâtre comme Georges Beller, Yan Duffas et Benoit de Gaulejac. Lors de la première lecture devant toute la troupe et la production, je tremblais comme une feuille, je crois que j’ai plus stressé qu’aux auditions et qu’à la première. Moi qui n’avais jamais fait de lecture, c’était un enfer. Et puis, quand j’ai vu qu’apparemment je m’en étais bien tirée, ça m’a rassurée, j’ai repris confiance. Petit à petit, je me suis sentie de plus en plus à l’aise. Quand on a commencé les représentations, Frédéric Baptiste [NDRL : le metteur en scène résident] m’a beaucoup aidée à affiner mon jeu, à trouver des subtilités.
Parlez-nous de votre personnage de Luisa, si naïve, si romantique…
C’est une jeune femme naïve mais qui a quand même du caractère, de la force et un certain courage. C’est la première fois qu’elle tombe amoureuse de quelqu’un, qu’elle fantasme sur quelqu’un, qu’elle est déçue par quelqu’un, c’est la première fois pour tout pour elle. Du coup, elle apprend à grandir, à devenir une femme tout en restant fraîche et naïve. Je voulais surtout arriver à être sincère parce que Luisa est complètement au premier degré. Si elle, elle n’y croit pas, personne n’y croit et tout le monde rit dans la salle. Ce n’était pas évident. Ne pas être trop dans le mélo mais quand même un peu. Finalement, je pense y être arrivée, ça m’a même étonnée.
Quel est votre moment préféré dans le spectacle ?
J’adore la scène où je chante « L’homme derrière le masque ». Je trouve cette chanson magnifique. Rien que pour la chanter, j’étais heureuse de passer les auditions. C’est un moment qui me tétanise de peur. Si je me plante sur cette chanson, Luisa ne va pas exister. Quand je suis en coulisses et que je viens de me préparer pour la scène, il n’y a plus personne qui me parle, je suis déjà dans la concentration et l’émotion de la scène. J’adore ce moment intense et assez magique. Je suis seule en avant-scène, je ne vois pas les gens, je ne vois rien.
Auriez-vous une ou deux anecdotes à nous raconter ?
Dans la scène de la salle de bains, je suis dans la baignoire, nue, juste avec une culotte chair. Je prends la serviette, je vais derrière le paravent et derrière ce paravent, il y a un peignoir blanc et je m’habille avec un petit gilet et un panty que Zorro me tend avec son épée. Lors d’une représentation, je mets ma serviette et là je me rends compte qu’il n’y a ni panty, ni peignoir, ni gilet ! Panique totale. J’ai dû jouer toute la scène et chanter la chanson « La terre était brûlante » juste avec la serviette de bain sur moi !
Lors de l’affrontement final dans l’église, Ramon (Yan Duffas) prend un pied de tabouret pour frapper Diego et le jette après, mais le bâton atterrit n’importe où sur la scène. Depuis un certain temps, il est toujours sur mon chemin quand je rentre pour retrouver Diego. La première fois que ça s’est passé, je l’avais pourtant vu, j’avance pour prendre la main de Diego et l’embrasser et bien sûr je marche sur le bâton, je trébuche et si Laurent n’avait pas été là, je m’étalais !
Diriez-vous que Zorro vous fait gagner en maturité ?
Absolument, Zorro me fait avancer à la puissance dix, à tous les niveaux. Le spectacle est tellement riche qu’il demande beaucoup. Le rôle est assez chargé, il faut aller chercher des choses au fond de soi. Cela me fait grandir, mûrir. Dans le jeu, ça m’a permis d’évoluer aussi, de prendre plus confiance, d’oser plus, de moins complexer sur le fait que je ne suis pas comédienne parce que je n’ai pas pris de cours de théâtre. Et humainement, c’est une super troupe. J’ai compris maintenant que ce qui me fait vibrer et me rend heureuse, c’est vraiment de jouer avec une troupe, d’être entourée de gens sincères avec qui on défend le même spectacle dans une belle énergie communicative.
Après une telle aventure, comment envisagez-vous l’avenir ?
Avec Zorro, j’ai vraiment pris goût à la comédie. A la rentrée, je vais prendre des cours de théâtre pour me perfectionner. J’aime chanter au-delà de tout mais je ne serais pas frustrée de ne pas chanter si on me proposait de jouer seulement la comédie sur un projet. Mais là, ce serait un autre challenge pour moi !