Liza Michael, d’où venez-vous ?
Je suis née à Strasbourg. J’ai fait toute ma formation là-bas. Au départ, j’étais danseuse. Ensuite, j’ai rencontré un professeur de chant qui voulait s’initier à la danse. On s’est donc échangé les cours. C’était aussi un comédien et il m’a donné mon premier cours de théâtre. C’est par ce biais-là que je suis entrée dans l’univers de la comédie musicale.
Vous avez débuté à Strasbourg ?
J’y ai été prof de danse et chorégraphe. En outre, j’avais un groupe de funk dans lequel je chantais. C’est aussi à cette époque que j’ai commencé à travailler pour le Glenn Miller Memorial Orchestra. C’était très intéressant. J’étais la seule française et il y avait interdiction de parler français sur scène. Cela a permis d’améliorer mon anglais ! Et puis, chanter en big-band, c’est vraiment génial.
Quand êtes-vous montée à Paris ?
La première fois, c’était dans le cadre d’un gala pour le club de Stuttgart. Il se trouve que quelqu’un m’a vue faire mon numéro chanté et dansé. A mon insu, il a pris mon numéro de téléphone et a donné mes coordonnées à la personne qui s’occupait du casting de Fous des folies, un spectacle d’Alfredo Arias. C’était en 1993. Un jour, j’ai reçu un message sur mon répondeur : « Je fais un casting pour le spectacle d’Alfredo Arias aux Folies Bergère, rappelez-moi ». Moi, je n’ai entendu que : « Folies Bergère », ce qui voulait dire des nanas à poils qui s’embêtent sur scène et qui n’ont rien à défendre. En plus, il me parlait de Joséphine Baker et je me suis tout de suite vue avec une ceinture de bananes !!! Arias, je ne savais pas qui c’était, à l’époque, et je n’ai pas répondu. Après, j’ai déménagé. Je ne sais pas comment ils ont trouvé mon nouveau numéro de téléphone, mais ils m’ont relancée. J’ai répondu, cette fois, et je me suis fait engueuler parce que je n’avais pas donné suite à leur premier appel. Mon prof de chant m’a insultée, en me disant que ça faisait dix ans qu’il rêvait d’être auditionné par Arias. Je suis allée à l’audition vraiment à reculons à cause des Folies Bergère. J’étais vraiment la provinciale qui débarquait. J’ai un peu flippé puis je me suis dit : « je fais exactement ce que j’avais prévu ». Je pense que c’est ce qui lui a plu. Il a dû se dire que j’étais un peu perturbée.
Comment se passe le travail avec Alfredo Arias ?
Alfredo Arias essaye vraiment de tirer parti des artistes tels qu’ils sont. En même temps, il sait se servir de vos problèmes comme d’un atout. Il vous met en danger. Par exemple, j’étais la seule non-fumeuse dans le spectacle et il me faisait fumer sur scène. Et puis, j’ai eu la chance qu’il me donne des rôles très différents. J’ai pu jouer Joséphine Baker ou Liza Minnelli, mais aussi le prince Charmant et Michael Jackson. Pour un comédien, pouvoir montrer plusieurs facettes, c’est intéressant. On a souvent tendance, par manque de confiance en soi, à s’enfermer dans les mêmes rôles et je pense que les metteurs en scène prennent des interprètes, la plupart du temps, ce qu’on leur offre au lieu d’essayer de creuser et de piocher aussi dans les faiblesses. Pour moi, Arias est un maître. J’ai appris plein de choses en le voyant travailler. Après Fous des Folies, j’ai continué à bosser avec lui sur différentes choses. C’est quelqu’un d’assez fidèle. Je pense qu’il aime les gens. Mais quand il rentre le soir chez lui, il doit taper sur un punching ball pour se défouler : il est tellement gentil… Il ne dit jamais rien. A l’époque, il n’allait pas en salle voir son spectacle. Une fois, j’ai eu une altercation avec l’un des comédiens qui avait changé la mise en scène en pleine représentation. Il m’avait carrément fait rater mon numéro. Je suis sortie de scène hors de moi. Mais pour Arias, ce n’était pas grave. Pour lui, une fois que le spectacle est en route, il appartient aux comédiens. Pour moi, qui vient de la danse où l’on essaye de faire en sorte que rien ne bouge, ce fut une grande leçon. Toutefois, certains comédiens exagèrent.
Vous avez travaillé avec Arias de 93 à 97. Au cours de cette période, avez-vous été tentée d’aller voir ailleurs ?
Les spectacles d’Arias constituaient le gros de mon emploi du temps. Mais, en parallèle, je travaillais avec mon groupe. Je chante avec six musiciens, les Buddies and soul. On chante ce qui nous plaît : de la musique jazzifiée ou réarrangée au funk ou au rythm’n blues. On essaye de travailler par thèmes. Si quelqu’un a envie d’une soirée sur les yeux, on va trouver des morceaux qui parlent de ça. J’ai la chance de travailler avec des gens qui ont des goûts très éclectiques.
Parfois, j’essaye de les faire chanter parce que c’est important pour moi que le public ressente que nous sommes ensemble sur scène. En contre partie, ils me mettent aux percussions. C’est un peu dur, mais j’essaye toujours.
En 1998 vous intégrez la troupe de Hair au Théâtre Mogador.
Hair a été un spectacle difficile. La production a connu plus de bas que de hauts. Je n’y ai pas toujours été très heureuse. Mais le point positif c’est vraiment les rencontres formidables que j’y ai faites. Alexandre Bonstein, par exemple, je l’ai vraiment connu et découvert là-bas. Il était au départ de l’aventure Créatures, on en parlait ensemble. Il disait qu’il fallait qu’on arrête de râler, de dire que les metteurs en scène ne nous repoussent pas assez dans nos retranchements et que c’était à nous de montrer ce qu’on pouvait faire et de monter des spectacles. J’ai pris ça pour une boutade, mais quand il m’a dit qu’il avait fini l’écriture de son spectacle, j’ai été vraiment bluffée.
Vous avez à nouveau joué dans Hair la saison dernière à Toulouse.
Oui, c’était une mise en scène de Gilles Ramade. Il avait un vrai point de vue sur ce spectacle et là, j’ai adoré! Je trouve vraiment dommage que cette production ne soit pas venue à Paris. On l’a jouée seulement deux fois. En province, on a des moyens que l’on n’a pas à Paris. Gilles a défendu son point de vue jusqu’au bout. Je n’étais pas forcément d’accord au départ avec toutes ses idées, mais il a fini par me convaincre. Par exemple, il y avait une scène de nu. Le nu sur scène, c’est quelque chose qui peut vraiment me déranger. Là, c’était magnifique. Ce que les comédiens offraient n’avait rien de vicelard. Souvent, quand il y a du nu, c’est pour faire du scandale. Ici, cela créait une humanité. On avait l’impression que les artistes nous donnaient quelque chose. Comme dans la précédente production, je chantais « Easy to be hard ». Mais, cette fois, le texte des chansons a été conservé en anglais. C’est assez étrange de ne faire que deux représentations. Simenon et Joséphine, que l’on a fait en septembre, a été frustrant pour les mêmes raisons. Nous n’avons joué que cinq fois.
Toujours en 98, vous avez participé au spectacle sur Maurice Chevalier écrit par Alain Marcel. De quoi s’agissait-il ?
Ce projet est resté au stade de show case. Sacha Distel en tenait le rôle principal. Je le connaissais comme ça, depuis toute petite, comme chanteur de jazz et là, il m’a vraiment épatée. La lecture n’était pas préparée et il a été superbe. Franchement, ça ne m’étonne pas qu’il se soit retrouvé de l’autre côté de la Manche à interpréter Billy Flynn dans Chicago. C’est un très bon comédien, très juste.
Récemment, vous avez aussi rejoint la troupe du Conte de Noël aux côtés de Laure Balon et Sinan.
Le spectacle raconte l’histoire de la mère Noël qui en a marre d’être le faire-valoir du père Noël. Elle fait sa petite crise et décide de dire au père Noël qu’elle veut partir avec lui faire sa tournée.
Jouer pour des enfants, cela fait-il une différence pour vous ?
J’adore tous les publics, mais il y en a deux qui me plaisent particulièrement : les enfants et les personnes âgées. Il y a eu de grands moments en particulier au Liban où nous sommes partis en tournée. Ce n’est pas un pays facile, mais y entendre toute une salle d’enfants chanter Petit Papa Noël, franchement, ça donne la chair de poule. Je viens d’Alsace alors Noël, c’est vraiment un truc particulier pour moi, c’est toujours plein d’émotions.
Venons en à Simenon et Joséphine que vous avez créé à Liège en septembre dernier.
C’était une expérience formidable. La musique de Patrick Laviosa est sensationnelle ! On n’avait qu’un mois pour monter un spectacle créé de A à Z. Au début, j’étais très sceptique, je pensais qu’on n’y arriverait jamais. Et bien si! Nous étions bien encadrés. On pouvait travailler de manière intensive tout en restant reposés. En plus ce n’était pas à Paris. Le rythme de vie était différent. Tout était organisé de manière à ce qu’on puisse répéter dans le théâtre où nous allions jouer, avec les décors et les costumes qui étaient prêts tout de suite. Et puis c’était une vraie comédie musicale. Il y avait du jeu, du chant.
Cinq fois c’est mieux que deux mais c’est quand même très court.
Vous êtes sur le point de démarrer les représentations de Créatures. Comment définiriez-vous ce spectacle ?
Pour moi, Créatures c’est l’histoire d’un homme, William, qui n’en peut plus et fait une dépression nerveuse. Il laisse alors s’échapper ses angoisses, ses peurs, ses tabous à travers des icônes. Chacune d’elles se retrouve confrontée à elle-même. C’est une comédie, c’est drôle, mais le fond est grave.
Certains des personnages de Créatures se rattachent à toute une imagerie horrifique qui pourrait en faire des êtres désincarnés. Or, ils sont très drôles et profondément humains. Comment avez-vous travaillé votre rôle?
A la base, le spectacle est, de toutes façons, très bien écrit. On a travaillé en essayant de rester sincère, sans chercher à faire rire. On a vraiment répété en se disant : « qu’est-ce qui se passe dans cette scène ? » et pas « est-ce qu’on est marrant ? ». C’est pour ça qu’on entend vraiment le texte et que les gens s’amusent. Par ailleurs, il y a des choses très humaines dans ce spectacle, qui touchent de près. Par exemple, la chanson d’Ariane Pirie sur la sorcière me touche beaucoup. Elle dit des choses, sur le physique en particulier, que toutes les femmes ressentent à un moment ou à un autre. Quand elle chante « à défaut d’être comme Marilyn , je pourrais mourir comme elle », c’est super marrant mais en même temps c’est quelque chose de très profond.
Quel genre de rôle aimeriez-vous aborder aujourd’hui ?
Il y a un rôle dont je rêve, c’est la marquise de Merteuil dans Les Liaisons dangereuses. Mais en tant que noire, je ne peux pas jouer ce rôle dans le contexte où il a été écrit. Pourquoi pas dans une transposition moderne ou musicale ? Si je ne le joue pas, j’aimerais le mettre en scène. Je suis très attirée par l’écriture et la mise en scène.