A une époque où les Beatles finissaient l’apprentissage de leur métier et allaient révolutionner la musique, un autre anglais, Lionel Bart, élaborait un spectacle plus traditionnel destiné au théâtre musical : Oliver ! Autodidacte complet, il avait écrit quelques chansons à la mode avant de s’attaquer au roman Les aventures d’Oliver Twist de Charles Dickens, l’histoire d’un jeune orphelin qui apprend à survivre dans les bas-fonds du Londres du XIXe siècle. Bart écrivit seul le livret, les paroles des chansons et même la musique ! Après avoir essuyé quelques refus de la part de producteurs finalement peu inspirés, il parvient à le faire jouer en 1960. C’est un triomphe qui va durer le temps de 2 618 représentations ! A une époque où le théâtre musical anglais était au plus mal, ce succès augure de son renouveau.
Trois ans plus tard, précédé de sa flatteuse réputation, Oliver ! franchit l’Atlantique pour Broadway où il connaît le même accueil enthousiaste, précédant de peu, là aussi, une autre exportation anglaise : les Beatles !
Après ces deux succès enregistrés dans les deux capitales du théâtre musical, Lionel Bart a le plaisir de voir Oliver ! consacré par Hollywood. Réalisé par Carol Reed, le film sort en 1968 et rafle 6 Oscars dont celui du meilleur film.
Dans la foulée de Oliver !, d’autres spectacles britanniques parviennent par intermittence à un succès comparables (Half a Sixpence de David Heneker en 1965). Mais la déferlante anglaise viendra surtout dans les années 70–80 avec les spectacles de Andrew Lloyd Webber (Jesus Christ Superstar, Evita, Cats, Phantom Of The Opera) et Boublil /Schönberg (Les Misérables, Miss Saigon). Ces auteurs confirmeront la dette dont ils sont redevables vis à vis du précurseur Lionel Bart.
La position historique de Lionel Bart dans le développement du théâtre musical anglais semble bien acquise. Hélas, sa position artistique est toujours restée précaire. Il ne renouvellera jamais son succès initial. La suite de sa carrière est une longue suite pathétique de déboires que son accoutumance à des substances prohibées n’arrange pas. Pour financer ses projets, ils en vient même à vendre les droits sur Oliver !. Mais les obscurs Blitz (1962), Maggie Day, Twang ! et La Strada (d’après le film de Fellini) ne rencontrent que l’indifférence.
Lionel Bart a connu il y a peu un retour en grâce lorsque le grand producteur anglais Cameron Mackinstosh a décidé la reprise grandiose de Oliver ! sur la scène londonienne pour un succès retentissant. Au moment où l’auteur/compositeur remis en selle espérait à nouveau conquérir la scène nord-américaine, il est mort, emporté par un cancer, le 4 avril 1999 à l’âge de 68 ans.
« Lionel est le père du théâtre musical anglais moderne. J’estime que son génie n’a jamais été reconnu à sa juste valeur par l’establishment britannique » déclare Sir Andrew Lloyd Webber à l’occasion de la disparition de Lionel Bart.
Pour en savoir plus :
Oliver ! (reprise de 1995): enregistrement du spectacle de Londres produit par Cameron Mackintosh, avec Jonathan Pryce.
Oliver ! (le film de 1968): réalisé par Carol Reed, interprété par Ron Moody, Oliver Reed, Harry Secombe, Shani Wallid, Mark Lester. Chorégraphie de Onna White. Disponible en VO sous titrée chez Gaumont-Columbia-Tristar.