
Elle choisit dans le menu le museau vinaigrette et le plat d’andouillette accompagné de frites et de haricots verts ainsi qu’une bonne bière… Et, au cas où nous aurions des doutes, Lio précise : « J’ai une faim de loup ». C’est l’ordinaire des répétitions d’un grand spectacle : lever à l’aube pour une journée épuisante avec juste une pause-déjeuner en début d’après-midi pour reprendre quelques forces…
Forte tête
A 37 ans, l’ex-Lolita du Top 50 n’a rien perdu de son proverbial goût pour la vie même si elle a un peu ramé ces dernières années. Oh, pas par manque de talent, elle n’a plus rien à prouver de ce côté là. Plus certainement parce qu’elle s’est retrouvée en marge d’un milieu qui pense que les hommes ont du caractère et les femmes mauvais caractère. « Je suis grande gueule, confirme-t-elle, mais ce n’est pas par caprice. Etre odieuse avec les techniciens, ce n’est pas mon genre. Moi, je suis dure avec les PDGs, les producteurs, ceux qui ont le pouvoir et qui continuent à rouler en BMW et à habiter leur maison de Saint-Cloud pendant qu’on dit que le spectacle va mal et qu’on fait travailler les artistes douze heures par jour. Je ne supporte pas l’abus de pouvoir ».
Avant de chanter ce « Banana split » qui a fait d’elle une vedette à seize ans, Lio adorait déjà les comédies musicales qui passaient au cinéma ou à la télévision. « Je trouvais l’idée de chanter, de danser et de jouer en même temps tellement naturelle. J’ai d’ailleurs agencé certaines de mes chansons comme des mini-comédies musicales ». Mais personne n’était encore venu lui en proposer une vraie, façon Broadway, ce qui ne laisse pas de la surprendre : « Des chanteuses qui savent jouer et danser, ça ne se bouscule pas au portillon. Et puis, il faut avoir le tempérament pour ça et de l’abattage ! Je ferais aussi une excellente meneuse de revue. Mais une revue à l’ancienne, avec plumes et paillettes. Moi, je ferais ça très premier degré, avec la même candeur qu’un enfant ».
Qu’elle débute dans la comédie musicale aux… Folies Bergère ne surprendra donc guère que ceux qui ne croient pas aux signes du destin. Et pourtant… La rencontre avec Emily, son personnage, a bien failli ne pas se produire. Initialement, Saverio Marconi, metteur en scène italien spécialiste des grandes comédies musicales, avait pensé à elle pour le rôle-titre de Victor / Victoria mais le projet a capoté pour de banales questions de droits. Quelques mois plus tard, il ne lui en a pas moins proposé d’être la vedette de l’adaptation scénique du classique de la MGM, Les sept femmes de Barberousse. (renommé depuis Sept filles pour sept garçons). Elle a sauté sur l’occasion : « J’ai dit oui à cause des Folies Bergère et à cause de Saverio ». Heureux homme, celui qu’elle décrit comme « intelligent, attentif et…beau comme un dieu ! En plus, il n’a pas de parti pris. Ca fait tant d’années que je vois des gens qui croient tout savoir sur moi que ça me fait des vacances ! ».
Les deux axes de Lio
Dans cette histoire de Blanche-Neige, elle est donc Emily, la fille de l’ouest aux rêves un peu limités et qui va faire de sept nains, pardon de sept bûcherons, un peu brut de décoffrage, de vrais gentlemen. Un rôle habituellement dégoulinant de bons sentiments et forcément un peu mièvre. « Nous avons retravaillé le personnage pour la rendre moins puritaine, plus acide et pointue, plus mouche du coche. Mais elle reste quand même une grande romantique car elle a vingt ans et elle croit au grand amour. Elle n’en a pas moins un petit côté initiatrice. Emily, c’est la féminité qui dégrossit la bestialité [masculine] ». Et Lio de révéler un de ses secrets de comédienne : « J’envisage toujours mes personnages comme le croisement d’un axe horizontal, le tapis qui forme le caractère de base, et d’un axe vertical, la légèreté, les galipettes qu’on peut faire sur ce tapis. Chez Emily, l’axe horizontal, c’est le romantisme et l’initiation et l’axe vertical, c’est son côté petite peste ».
Quelle que soit la façon d’envisager Sept filles pour sept garçons, il s’agit pour les Folies Bergère d’un pari artistique et financier autrement plus risqué que les revues de Roger Louret des années précédentes. Comment faire venir un public nombreux à ce qui ressemble à une bluette dépassée, une histoire qui se déroule il y a 130 ans racontée comme il y en a 50 ? Lio le sait bien qui, comme le reste de la production, n’en espère pas moins tenir toute la saison. « Il faut voir ça comme un spectacle pour toute la famille, de la grand-mère au petit dernier. Il faut aller au delà de ce côté dépassé et se dire qu’on va passer une bonne soirée parce qu’on a affaire à des gens intelligents qui ont travaillé dans le sens de la modernité. Les décors sont beaux, les costumes splendides et les chansons ‘hallucinamment’ belles. Je pense que ça peut vraiment marcher et que le bouche-à-oreille sera bon ».
Persévérer dans la comédie musicale
Ce qu’elle espère en tout cas clairement pour elle, c’est de pouvoir entreprendre d’autres rôles musicaux : « Victor / Victoria bien sûr, mais aussi Cabaret et des spectacles de Bob Fosse, Sweet Charity en particulier ». Toujours ce côté revue qui lui colle à la peau…
A mi-chemin entre la grande amoureuse qui se rend compte que la réalité ne sera jamais vraiment à la hauteur de ses rêves et la petite guêpe qui se plait à piquer les hommes et à jouer les pestes, le personnage d’Emily revisité par Saverio Marconi en dit sans doute aussi beaucoup sur son interprète. « Je ne suis pas aussi impudique qu’on pense. On croit me connaître parce que je parle beaucoup, mais en fait, on ne sait pas grand chose de moi. Parce que je ne me dissimule pas, les gens croient qu’il n’y a pas de mystère. Mais ma propre mère me découvre chaque jour, alors… ».
Eh, Maman Lio, vous saviez, vous, que votre fille aimait l’andouillette et le museau vinaigrette ?