
Parlez-nous de votre premier contact avec Follies.
C’était l’époque de Nine, spectacle dans lequel j’interprétais le rôle de Liliane La Fleur, une productrice énergique. On est venu me proposer cette représentation de Follies au Lincoln Center. Imaginez-vous : être au milieu de ces grandes stars de Broadway, avec l’Orchestre Philharmonique de New York… Impossible de refuser ! Nous avons répété plusieurs semaines. Je me souviens que Stephen Sondheim était présent à chaque session, toujours très méticuleux. Evidemment il me disait que je chantais comme une patate et n’arrêtait pas de répéter : « de la diction, du rythme ! ». J’ai souffert mais en même temps c’était tellement drôle.
Je me souviens surtout que j’étais morte de trac. Le jour J j’avais tellement les chocottes que j’avais inscrit sur ma main les paroles de la chanson que j’interprétais : « Ah Paree ! ». Mais mon taux d’adrénaline était tel que j’ai transpiré et que l’encre a coulé : l’horreur ! D’ailleurs je crois qu’on voit mon embarras sur la vidéo du concert : pendant que je chante, j’étends les bras et je jette des regards désemparés vers ma main droite puis vers ma main gauche, comme si c’était un parti pris de mise en scène.
Vous êtes redevenue Solange Laffite quelques années plus tard ?
Tout à fait. Nous étions en 1998 lorsque j’ai de nouveau intégré la troupe de Follies au Papermill Playhouse. Mon trac ne m’a pas lâché. Nous avons joué pendant trois mois, c’était chaque soir la panique. D’ailleurs lors d’une représentation, j’arrive sur scène et… le blanc total. Je ne sais plus ce que j’ai fait : « lalala » ou quelque chose d’approchant. Ce dont je me souviens c’est que j’ai cru avoir une attaque cardiaque en règle ! C’est très difficile de participer à un spectacle où vous n’avez qu’un seul passage : tout miser sur une seule chanson, voilà un vrai pari. D’ailleurs en évoquant tout cela je commence à avoir la pétoche pour Londres : vous n’auriez pas les paroles de la chanson avec vous (rire) ?
Finalement, quel est le souvenir le plus marquant ?
Je me souviendrai toute ma vie de Follies au Lincoln Center. Il est très difficile d’imaginer ce que cela peut représenter, le public hurlait dès l’ouverture, avec cette musique superbe, une émotion qui emporte tout. Des moments aussi intenses et exceptionnels, on en vit rarement. Avec Carol Burnett, qui interprétait Carlotta Campion, la superbe Lee Remick que j’adorais, on s’est bien amusées. Barbara Cook était bouleversante dans son interprétation de « Losing my mind ». Et Elaine Stritch : elle était beurrée en permanence. Elle se pointait avec un thermos rempli soit-disant de thé. En fait, c’était de la vodka et plus la journée avançait, plus elle était pompette. Elle mettait des chemises d’hommes courtes pour qu’on voit ses jambes qu’elle avait très jolies je dois dire… Et quel charisme : elle cassait la baraque avec « Broadway Baby » !
Stephen Sondheim, dont j’adore le travail, est quelqu’un de très distant. Il est très particulier et parfois glaçant. Ses oeuvres sont très difficiles à chanter, il n’hésite pas à mettre une parole sur chaque note, quel culot (rires). D’ailleurs, un jour je lui ai dit « cher Stephen, pourquoi tant de paroles pour si peu de notes ? ». Je ne suis pas certaine qu’il ait apprécié ! Bernadette Peters reste son interprète idéale. Cette femme est extraordinaire, exquise et drôle. De plus, elle colle parfaitement bien avec son univers. Je garde des souvenirs très forts de ses interprétations, par exemple dans Sunday In The Park With George. Il l’adore et ça se sent, d’ailleurs, il me l’a dit ! Moi je suis plus à l’aise dans l’univers de Jerry Herman.
Vous reprenez donc du service pour cette unique représentation londonienne ?
Effectivement. Je suis ravie de retrouver mon metteur en scène de The Boyfriend : Bill Deamer, un amour. En revanche, je ne connais pas l’ensemble de la troupe, mais ce n’est pas un souci, bien au contraire : c’est formidable de rencontrer de nouvelles personnes. Tout comme pour la représentation au Lincoln Center, les répétitions sont nombreuses. On ne plaisante pas avec ça. Nous sommes convoqués dès le 22 janvier. Je viendrai peut-être un peu plus tard et cette fois-ci, j’utiliserai une encre qui ne s’en va pas comme anti-sèche !
Quels souhaits formulez-vous pour 2007 ?
Je ne peux pas encore en parler de manière précise, mais j’adorerais que le projet théâtral parisien prévu pour septembre 2007 se concrétise. J’ai très envie de revenir jouer ici, me poser un peu dans ma ville natale. Il ne s’agira pas d’une comédie musicale, mais ce ne sera pas totalement parlé. Enfin, je ne peux pas en dire plus pour le moment.
Comment définiriez-vous ces dernières années ?
Je poursuis mon chemin, visite des lieux différents, rencontre de nouveaux publics avec toujours autant de plaisir. Mes rencontres professionnelles se sont presque toujours faites un peu par hasard. On vient me voir dans un spectacle et on m’engage… Depuis quatre ans, je suis dans la troupe du Teatro Zinzanni. J’adore ça. J’interprète le rôle de Madame Zinzanni, je suis pendant le temps de la représentation la maîtresse de cérémonie et celle des lieux. Autant vous dire que si des spectateurs se montrent trop pénibles, je les fous dehors ! C’est lors d’une représentation que l’on m’a approchée pour venir à Francfort et hop, c’est parti : j’intègre la troupe du Tiger Palast, un cabaret très chic où je peux parfaitement m’épanouir puisque j’en suis la star incontestée (rire). J’ai vraiment de la chance : j’ai toujours travaillé, je me suis toujours amusée, on continue à m’offrir des huîtres et du champagne… Je vis toujours dans l’excitation du lendemain.
Follies sera à l’affiche du London Palladium le dimanche 4 février 2007. Représentation à 19h15.
London Palladium : Argyll Street
Téléphone : 0870 1670002