Le « meilleur musical » n’a ni orchestre ni chansons !
Annoncé par Bernadette Peters, le Tony du meilleur musical a été attribué à Contact de Susan Stroman. Sa nomination dans la catégorie « best musical » avait déjà suscité beaucoup de remous, sa victoire ne fera qu’alimenter la polémique. Contact, « pièce chorégraphique » de Susan Stroman, n’a pas de partition originale, la musique utilisée est diffusée par une bande-son et il n y a pratiquement pas de dialogue. Les syndicats de musiciens ont évidemment protesté contre cette pratique. Les puristes ont décrété que ce n’était pas un « musical ».
En dépit de la controverse, les votants ont voulu récompenser un travail audacieux et original. Stroman remporte également le Tony de la meilleure chorégraphie pour ce même spectacle. Elle était d’ailleurs nommée deux fois dans cette catégorie (pour Contact et The Music Man).
L’autre grand vainqueur de la soirée est Michael Blakemore, qui fait un coup double en remportant le Tony de la meilleure mise en scène d’une pièce (pour Copenhagen) et celui de la meilleure mise en scène… d’une comédie musicale (pour Kiss Me, Kate). Ce classique de Cole Porter remporte également le Tony de la meilleure reprise.
Viens voir les comédiens…
Du côté des artistes, le consensus semble avoir été de mise, les votants ayant récompensé des visages familiers de Broadway, bénéficiant d’une haute cote de popularité.
Karen Ziemba, nommée en 1997 pour Steel Pier, le flop de Kander et Ebb, remporte enfin son premier Tony grâce à Contact. Elle avait repris avec succès de nombreux rôles dans des productions telles que A Chorus Line, 42nd Street, Crazy For You ou plus récemment Chicago, mais n’ayant pas créé les rôles en question, elle n’était évidemment pas éligible. Dans Contact, ce sont ses talents de danseuse que Ziemba met en avant, elle en est désormais récompensée.
C’est un de ses partenaires de Contact (même si elle ne danse pas avec lui dans le spectacle) qui remporte le Tony du meilleur second rôle masculin. Boyd Gaines n’est pas non plus un nouveau venu à Broadway. Vu dans les reprises de Company et Cabaret, il avait déjà été récompensé pour She Loves Me en 1994.
Brian Stokes Mitchell remporte enfin son premier Tony grâce à Kiss Me, Kate dans lequel il interprète un acteur shakespearien un peu cabot sur les bords. Un rôle en or ? Il lui permet en tout cas d’obtenir la récompense qu’il avait manquée de peu en 1998 (pour Ragtime) au profit d’Alan Cumming (Cabaret).
La seule vraie surprise est la récompense attribuée à Heather Headley (Aida), dans la catégorie « meilleure actrice dans une comédie musicale ». Headley coiffe au poteau des concurrentes très sérieuses telles que Marin Mazzie (Kiss Me, Kate) et Audra MacDonald (Marie Christine), privant cette dernière d’un quatrième trophée.
Autre récompense attribuée à un nouveau venu, celle du meilleur livret attribuée à Richard Nelson pour James Joyce’s The Dead, à recevoir comme une note d’encouragement pour un spectacle ayant déjà fermé…
Winners and losers
Une soirée de Tonys ne serait pas vraiment complète sans petit incident diplomatique. Cette année, Elton John et Tim Rice n’étaient pas présents pour recevoir leur Tony du « best score », peut-être vexés de n’avoir pas été nominés dans la catégorie « best musical ».
Dans les catégories techniques néanmoins, Aida remporte le Tony pour les lumières (Natasha Katz) et les décors (Bob Crowley) prouvant qu’il faut savoir vivre dangereusement, une chute du décor ayant failli tuer les deux interprètes principaux lors des previews du spectacle ! Quant aux costumes, c’est Martin Pakledinaz qui est récompensé pour Kiss Me, Kate.
Les deux grands perdants de cette saison sont incontestablement The Music Man - la reprise du classique de Meredith Wilson ? et l’auteur-compositeur John Michael LaChiusa, présent deux fois cette saison avec Marie Christine et The Wild Party.
The Music Man avait pourtant reçu un accueil très favorable des critiques et semblait plutôt bien parti pour recevoir une récompense. Il a finalement été battu par Kiss Me, Kate.
Quant à John Michael LaChiusa, il ne semble pas avoir convaincu les votants et repart sans aucune récompense. Son travail très (peut-être trop) ambitieux se situe à la frontière de l’opéra et de la comédie musicale, et c’est peut-être ce qui lui est reproché.
En avant pour 2000–2001
L’avènement de Contact est-il annonciateur d’un nouveau tournant à Broadway ? Les revues chorégraphiques telles que Fosse et Swing! remportent un vif succès. Les adaptations de succès cinématographiques (Footlose, La fièvre du samedi soir) tiennent l’affiche en dépit des mauvaises critiques et l’ère des mega-musicals semble toucher à sa fin avec la fermeture de mastodontes telles que Cats et Miss Saigon. Reste à savoir si la conjoncture permettra à de nouveaux talents d’émerger (le cas LaChiusa n’est pas convaincant).
Une saison s’achève, une autre s’annonce. D’ores et déjà, les spéculations sont permises quant aux nouveautés qui arriveront à bout du long et difficile chemin qui mène à Broadway. Stephen Sondheim réussira-t-il à monter son Wise Guys cette année, renouant ainsi sa collaboration légendaire avec Hal Prince après un froid de plusieurs années ? Kander et Ebb écriront-ils leur oeuvre la plus noire avec The Visit qui marquera le retour d’Angela Lansbury ? Le Martin Guerre de Boublil et Schönberg trouvera-t-il enfin un « théâtre approprié » ? Les chauves-souris de Batman seront-elles aussi tenaces que les chats de Cats ? Résultats dans un an…