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Les Saisons — Vivaldi Piazzolla (Critique)

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les-saisonsAuteur : Carl Norac, créa­tion littéraire
Mise en scène : Cécile Jacquemont
Choré­gra­phie : Joëlle Bouvier
Créa­tion lumières : Lau­rent Bazire
Avec : Irène Jacob, narration
Mar­i­anne Piket­ty, vio­lon et direc­tion de l’ensem­ble Le Con­cert Idéal
Lau­rent Cor­vaisi­er, illus­tra­tions en direct

En alter­nance : Izleh Hen­ry / Rémy Rière / Lau­rent Pel­le­gri­no / Nico­las Sub­let (vio­lons) ; Car­o­line Donin / Marine Gan­don (altos) ; Louis Rodde / Amaryl­lis Jar­czyk / Pauline Buet (vio­lon­celles) ; Lau­rène Duran­tel / Yann Dubost / Héloïse Dely (con­tre­basse) ; Bruno Hel­strof­fer / Car­o­line Delume (théorbe)
Pro­gramme musi­cal: Anto­nio Vival­di, Les Qua­tre Saisons, op. 8 (1728)
Astor Piaz­zol­la, Las Cua­tro Esta­ciones porte­nas (1965–1970)

Chaque mou­ve­ment des Saisons, qu’il soit signé de la main de Vival­di ou de celle de l’Argentin Piaz­zol­la, pos­sède son rythme, traduit un car­ac­tère, exprime un tem­péra­ment. La par­ti­tion de ces deux œuvres du réper­toire clas­sique inter­prétée par Le Con­cert Idéal et le vio­lon solo tour à tour ten­dre et fougueux de Mar­i­anne Piket­ty, accom­pa­gne Irène Jacob, funam­bule sur son fil de mots, ten­du entre deux antipodes, tan­tôt jeune fille cher­chant un père dans une forêt d’Europe, tan­tôt garçon en quête d’échanges amoureux dans une cité argen­tine. Chaque art réu­ni sur cette scène racon­te à sa façon sa pro­pre his­toire du temps qui coule, se croise, se ren­con­tre, s’entrechoque.

Notre avis :

Sur le papi­er, on pense peut-être avoir affaire à une comp­tine un peu naïve avec accom­pa­g­ne­ment d’une musique de disque d’attente télé­phonique… Mais dans la salle, l’affaire est tout autre !

Car on est immé­di­ate­ment emporté par un con­te – avec ce que cela sup­pose d’absurde et de can­deur mais aus­si de réelle pro­fondeur et d’universalité – où deux enfants com­mu­niquent par la magie et la poésie des élé­ments de la nature. Apparem­ment tout les sépare et pour­tant, ce garçon des faubourgs de Buenos Aires et cette jeune fille d’une forêt d’Europe ont en com­mun une inno­cence, une envie d’échange et une quête d’amour qu’ils vont partager au tra­vers de ces portes, de ces pas­sages secrets que sont les saisons.

Tour à tour nar­ra­teur, fil­lette apeurée dans les bois ou jeune macho qui se frotte avec énergie sous sa douche, Irène Jacob, déli­cieuse­ment mutine et androg­y­ne, dis­tille son texte avec une inno­cence juvénile et déter­minée. Par seule­ment quelques acces­soires sym­bol­iques, quelques gestes, quelques pas de danse, elle révèle une cohérence évi­dente qui unit les humains, la nature et le temps qui passe.

En fond de scène, le pein­tre Lau­rent Cor­vaisi­er racon­te aus­si son his­toire… qui est la même. Sa fresque aux couleurs vives prend forme et sens sous nos yeux : d’abord nat­u­ral­iste, avec sa riv­ière, sa forêt et ses « nuages qui font des gri­maces au soleil », elle s’orne pro­gres­sive­ment de graf­fi­tis et se fait plus urbaine, avec ses man­i­fes­tants argentins et ses vis­ages tangueros.

Égale­ment sur scène, les sept musi­ciens s’intègrent à la fable. Par leurs sil­hou­ettes, ils sont les arbres, ils sont les porteños… et, par leurs instru­ments, ils sont le ton­nerre, le soleil de plomb, la pluie qui ruis­selle, les feuilles qui vire­voltent… mais pas seule­ment, car, en pro­tag­o­niste de la soirée, la musique des célèbres con­cer­tos de Vival­di est loin d’être seule­ment descrip­tive. On la (re)découvre dans toute sa vérité et son ardeur human­iste sous le vio­lon inspiré de Mar­i­anne Piket­ty et les nuances qu’y prend soin d’apporter Le Con­cert Idéal. S’entremêlant et s’entrechoquant avec leurs aînées, les Qua­tre Saisons de Buenos Aires d’Astor Piaz­zol­la, chargées de la nos­tal­gie et de la sen­su­al­ité pro­pres au tan­go, finis­sent de faire chavir­er les oreilles et parachèvent cette bulle d’émerveillement et d’universalité qui nous invite à nous aven­tur­er « hors des lignes » et à « tra­vers­er l’hiv­er avec la force du printemps ».