
Laure Balon
(doublure Mme Thénardier et autres rôles)
Ce fut une expérience extraordinaire mais trop courte. Je suis arrivée sur les trois derniers mois et je n’ai donc pas été rassasiée ! C’est formidable de pouvoir jouer dans une comédie musicale dans son pays. Je suis partie en Allemagne, en Autriche et aux Etats-Unis par passion pour ce métier, pour pouvoir jouer. Mais chanter en français, à Paris, quel bonheur ! J’ai retrouvé une rigueur dans le travail, une ponctualité, une précision qui ne sont pas toujours de règle en France. Par contre, le petit reproche que je ferais est que chaque emplacement, chaque émotion sont réglés, tout est très calculé et laisse peu de liberté d’expression. Mais ce fut une expérience passionnante qui m’a permis de sortir certains traits de mon caractère, moi qui pensais être une Fantine, j’ai eu un plaisir fou à jouer la Thénardier !
[Laure vient de terminer la tournée de Peines de coeur d’une chatte française. Elle se produira prochainement au Pibar dans le cadre d’une nouvelle soirée Broadway avec les Musical’s Friends]
Alexandre Bonstein
(Swing*, doublure Marius)
* Les swings peuvent remplacer tous les seconds rôles et peuvent aussi assurer la doublure d’un premier rôle
Je garde un excellent souvenir du travail qu’on a fait la première semaine de répétition. Plutôt que de commencer tout de suite par le spectacle, on a fait un travail de compagnie pour apprendre à se connaître, à connaître nos motivations d’acteurs et surtout à réfléchir sur l’engagement social et politique de Victor Hugo. On a fait un travail de fond, on pouvait travailler sur les personnages des autres ou sur des personnages du roman qui ne sont pas dans la comédie musicale. A la fin de cette semaine, on savait ce qu’on voulait jouer, ce qui nous tenait à coeur. Par contre, je garde parfois une image dure, notamment quand on était plusieurs doublures pour le même rôle, on se sentait parfois le rouage d’une grosse machine, il y avait beaucoup de pression. Ceci dit, les fois où j’ai interprété Marius restent pour moi des grands moments d’émotion de chanteur.
[Alexandre travaille sur l’adaptation française de Créatures, spectacle qu’il a déjà joué à New York et Dublin, et qui se monterait à la fin de l’année à Paris. Il jouera également dans la très musicale Tempête mise en scène par Vincianne Regattieri le 13 et 14 juin dans le cadre du festival du 11e (dans un théâtre en plein air construit pour l’occasion près du Père Lachaise)]
Lily Boulogne
(Acheteuse de cheveux et autres rôles)
J’avais toujours rêvé de participer à une comédie musicale et c’est arrivé. C’est une oeuvre que j’aime beaucoup, c’est un spectacle rare, très riche. J’ai le souvenir d’une troupe, d’une vie intense en coulisses, d’une connivence avec certains avec qui je m’amusais comme des petits fous… on jouait au foot derrière la barricade avec des bouts de pain ! Avant le lever du rideau de fer, il y avait une atmosphère incroyable sur scène : Laurent Gendron [Thénardier] répétait son texte, d’autres étaient allongés, d’autres chahutaient, ça faisait beaucoup de bruit ! Je me souviens qu’à la fin du spectacle, quand toute la troupe était derrière le voile et qu’on commençait à chanter doucement « A la volonté du peuple », je me disais qu’il ne fallait jamais que j’oublie ce moment-là car c’était un moment extrêmement fort.
[On a pu voir Lily dans le rôle de la mère dans la pub pour Club Internet réalisée par Luc Besson. Elle vient également de tourner un épisode des Boeufs Carottes avec Jean Rochefort. Enfin, cet été, elle jouera son one-woman-show, La petite boutique du prêt-à-penser, au Festival d’Avignon]
Rodolphe Briand
(Evêque de Digne, Jean Valjean en doublure puis en première distribution)
Les Misérables a été un tournant dans ma carrière, une formidable aventure humaine et artistique. Il y avait d’abord le thème d’Hugo, un sujet extrêmement porteur qui fait que le soir de la première, on pleurait tous sur les barricades. C’est aussi le spectacle sur lequel j’ai le plus ri, sur scène et en coulisses. Il se passait tellement de drames sur le plateau qu’il fallait exorciser. Ken Caswell [le metteur en scène associé] a aussi su créer une dynamique de groupe. Les répétitions, avec le travail d’improvisation, nous ont subtilement amenés vers l’ouvrage. Très vite, on a formé une sacrée famille. Les Miz est une expérience à part, il y avait une magie qui fait qu’aujourd’hui encore, on continue toujours à se voir.
[Rodolphe vient de terminer la tournée de Chantons sous la pluie où il jouait Cosmo Brown. Il a de nombreux projets d’opéra parmi lesquels Turandot (Strasbourg, septembre), La Périchole (Liège, mise en scène de Jean-Louis Grinda, novembre-décembre), Manon Lescaut (Genève, février-mars 2002) et Andréa Chénier (Liège, mai-juin 2002)]
Christian Dassie
(Swing, doublure Jean Valjean)
J’ai avant tout apprécié l’organisation de cette équipe anglaise, leur professionnalisme à toute épreuve, leur minutie, leur précision, leur souci du détail. Je trouve aussi que par rapport au spectacle que j’avais vu à Londres, il y avait quelque chose de plus à Paris. C’était peut-être moins propre mais il y avait une âme en plus, des tripes, un esprit de troupe. En plus, les gens venaient d’horizons différents, il y avait des comédiens purs, des chanteurs de variété, des artistes lyriques. Ce qui était intéressant dans le fait d’être swing, c’est d’endosser un rôle à la dernière minute. Cet hiver-là, il y a eu une épidémie et plein de filles étaient malades. Fabienne et Barbara [les deux swings femmes] remplaçaient déjà plusieurs rôles, j’ai dû interpréter le rôle de l’acheteuse de cheveux en la transformant en vieux mendiant !
[Christian travaille beaucoup dans le lyrique. Il jouera dans Mme Butterfly à Menton prochainement. Il interprète aussi beaucoup d’Offenbach, il jouera dans Rue de la Gaité Offenbach au Bouffes Parisiens à partir du 26 mai et dans 11 rue Lafitte pour une soirée exceptionnelle au Théâtre du Palais Royal le 11 juin]
Fabienne Elkoubi
(Swing, doublure Fantine)
Le plus intéressant a été de travailler avec la Royal Shakespeare Company, je n’avais pas souvent travaillé avec de vrais metteurs en scène, et là, il y avait un vrai regard sur notre travail d’acteur. Ce qui était passionnant en tant que swing, c’est de pouvoir interpréter Fantine un soir, et le lendemain, jouer la fille d’usine qui la fait renvoyer. C’est rare au théâtre de pouvoir incarner deux personnages antagonistes à deux soirs d’intervalle. Je n’ai jamais retrouvé ça nulle part, ça a été une expérience de théâtre extrêmement enrichissante.
[Fabienne prépare actuellement un nouvel album. Elle se produit régulièrement en concert avec un répertoire composé de titres originaux et de chansons du répertoire hébreu-judéo-espagnol. Prochain concert au Kibele le 16 juin (12 rue de l’Echiquier, Paris 10e, Tél : 01 48 24 57 74)]
Khémi
(Jeune fille et autres rôles, doublure Eponine)
Les Miz était ma première expérience professionnelle en France et j’en garde un souvenir gros comme ça ! D’abord des auditions qui ont duré dix mois, puis l’émerveillement total une fois que les répétitions commencent, les yeux, les oreilles grands ouverts, je ne cesse de fureter, d’écouter, de regarder… puis le spectacle s’installe et je découvre le métier avec ce qu’il peut avoir de « routinier » mais malgré tout, je me rends compte que j’aime toujours autant monter sur scène pour mourir sept fois par semaine sur la barricade. Je ne regrette pas d’avoir commencé par ce spectacle très formateur qui exigeait une rigueur et des performances égales tous les soirs. J’ai été un peu déçue de ne pas avoir pu jouer le rôle d’Eponine plus souvent mais par la suite, je me suis rattrapée lorsque j’ai intégré la production de Duisburg en Allemagne ! Aujourd’hui encore, l’étiquette Les Miz m’ouvre toutes les portes des auditions.
[Khémi travaille actuellement sur son tour de chant Légendes, qu’elle a créé à Paris et qu’elle interprétera prochainement en Guyane, Guadeloupe et Roumanie. En septembre, elle jouera dans le spectacle Moments de femmes au festival de Vichy]
Alyssa Landry
(Femme de l’aubergiste et autres rôles)
Il y avait un grand niveau d’implication dans le jeu d’acteur. Ca me rappelait, dans une certaine mesure les jeux d’enfance, quand on s’invente des histoires et qu’on est complètement dedans. C’était formidable d’interpréter plusieurs personnages chaque soir. Les rôles étaient courts mais très marqués, et il fallait se mettre dans leur peau très rapidement. En une phrase, on arrivait à faire passer beaucoup de choses mais c’est lié à l’écriture du spectacle : tout fait avancer l’action, tu joues une situation, tu ne chantes pas une explication.
Je me souviens aussi de la dernière. Il y avait beaucoup de fans qui étaient venus et à la fin, ils secouaient des drapeaux rouges qu’on pouvait voir à l’orchestre. Petit à petit, on n’arrivait plus à chanter car on pleurait, c’est la salle qui a fini la chanson…
[Alyssa a adapté en anglais Crime Passionnel (Crime of Passion) qui sera joué par Jérôme Pradon au Festival d’Edimbourg (voir plus bas). Elle sera aussi Mme de Tourvel dans l’adaptation musicale des Liaisons Dangereuses écrite par Stéphane Laporte et Thierry Boulanger (Liaisons)]
Jérôme Pradon
(Marius)
Ca a été une des expériences les plus fortes de ma carrière. J’en garde un souvenir très fort. C’était génial parce que c’était nouveau, il y avait une approche complètement différente sur le travail d’acteur, par exemple. Et pour moi, c’était incroyable d’avoir tout d’un coup un premier rôle dans une grande production. Et puis, la troupe marchait ensemble, c’est comme si on avait repris à notre compte le thème de Victor Hugo, on voulait « changer le monde », on se sentait presque investis d’une mission ! On était portés par une espèce d’enthousiasme, une volonté que ça fonctionne et c’est resté chez pratiquement tout le monde. On en garde un souvenir ému, une nostalgie d’un an de passion et de travail.
[Jérôme jouera Crime of Passion au Festival d’Edimbourg du 6 au 20 août au Pleasance Theatre. Il devrait créer Road Movie à Paris à la rentrée au Sudden Theatre. Il se produira ensuite dans un spectacle musical de Roland Petit au Théâtre du Forum St Germain début 2002, spectacle qui sera précédé de la sortie d’un disque]
Patrick Rocca
(Javert)
J’en garde un merveilleux souvenir. Il y a d’abord la découverte d’une nouvelle méthode de travail. On est arrivés sans connaître la partition qui ne nous a été donnée qu’au bout de cinq jours. Venant du lyrique où il est de bon ton de connaître parfaitement sa partition dès le premier jour, ça a été un grand changement. Quant à la troupe, on formait une famille extraordinaire, il y a eu des échanges de toutes natures : des idylles amoureuses, des couples qui se font et se défont, des coups de gueule… Et finalement, la personne avec qui j’avais les rapports les plus tendus pendant le spectacle est devenue aujourd’hui la plus proche.
[Patrick est un personnage récurrent dans les séries Julie Lescaut et La kiné. Il reprendra également Irma la Douce à l’Opéra Comique en septembre et Les Mousquetaires au Couvent à Toulouse en décembre]
Barbara Scaff
(Swing, doublure Eponine)
Lorsque j’ai su que j’étais prise, j’ai été très contente et impressionnée mais quand j’ai su que je serais swing, j’ai été un peu déçue. Rétrospectivement, c’est néanmoins le meilleur entraînement que j’ai eu, c’était extrêmement intéressant artistiquement, même si professionnellement, on n’était pas toujours considérés, notamment par d’autres comédiens qui considéraient qu’on était là à leur service. On était parfois physiquement mis à l’écart, notamment pendant les répétitions : eux répétaient et nous, les swings, on prenait des notes. Cependant, j’ai réalisé le rêve de travailler avec ceux qui avaient mis en scène Nicholas Nickleby [Caird et Nunn] qui a changé ma façon de voir le théâtre. Il y avait aussi une magie qui régnait sur toute l’expérience, un esprit de troupe qui s’est créé grâce à la façon de travailler de la Royal Shakespeare Company. Le soir où j’ai joué Eponine et que ma famille est venue des Etats-Unis pour me voir, il n’y avait pas assez de filles dans la troupe et il était question qu’une autre doublure joue le rôle. Mais toutes les filles, y compris les premiers rôles, se sont arrangées pour couvrir toutes les répliques. Mais mes parents ont quand même eu peur quand ils m’ont d’abord vue jouer la chef des prostituées, d’autant plus que ce soir-là, on avait oublié d’annoncer que je jouais le rôle d’Eponine !
[Barbara prépare actuellement un album solo sur le label Une Musique. Elle sortira un single en septembre / octobre]
Gilles Vajou
(Montparnasse, Grantaire, doublure Thénardier)
C’est un souvenir impérissable, on en parle beaucoup quand on se revoit entre « anciens des Miz » à tel point que ça fait un peu ancien combattant ! Ca a été une source de rencontres importantes sur le plan professionnel et humain. On était extrêmement fiers de faire partie de cette troupe. Après Cats et Les Miz, on espérait que Mackintosh allait s’implanter en France et on a été très déçus que Lumbroso [le directeur de Mogador à l’époque] ait refusé de lui vendre le théâtre. Ca a aussi été une grande aventure sur scène, on vivait si intensément ce qu’on jouait qu’on en oubliait parfois le public ! En revanche, on avait parfois l’impression que le spectacle était une franchise parce que tout était millimétré et qu’il fallait faire exactement ce qui se fait toujours, et nous, latins, ça nous énervait, on voulait personnaliser tout ça ! En tout cas, ce spectacle a créé des soudures inaltérables et on en parle toujours avec passion, ce qui prouve à quel point il a été important pour nous. Ca a été une expérience unique.
[Gilles reprendra le rôle de Cosmo Brown dans la tournée de Chantons sous la pluie à la rentrée prochaine. Il a également beaucoup d’autres projets de théâtre]
Marie Zamora
(Cosette)
Ca a été une expérience extraordinaire. Les répétitions étaient très introspectives, nous pratiquions beaucoup l’improvisation afin de psychanalyser, disséquer nos personnages. C’est un travail que tout comédien peut faire dans son intimité au risque de se mettre en danger. Nous, nous l’avons fait ensemble, afin que la troupe parvienne à une vraie unité. Nous y avons trouvé des forces en nous que nous n’aurions jamais soupçonné et nous en avons nourri nos personnages. Grâce aux Miz, le mot ‘comédie musicale’ n’est plus tabou et c’est déjà beaucoup. Un jour, je suis sûre qu’Alain Boublil et Claude-Michel Schönberg ou Andrew Lloyd Webber figureront au répertoire..
[les propos de Marie Zamora sont extraits de son interview parue dans Regard en Coulisse en mai 2000]