Livret et paroles : Cyrille Garit
Musique : Stève Perrin
Avec Julien Baptist, Alexis Mahi, Lucie Riedinger et Stéfanie Robert
Piano : Jibril Caratini Sotto
Mise en scène : Nicolas Guilleminot
Chorégraphies : Stéphanie Chatton et Loïc Faquet
Costumes : Michel Dussarrat
Scénographie : Myriam Dogbe
Résumé : Robin et Marianne se déclarent leur flamme à l’orée d’un bois. Han Solo et la princesse Leïa à bord d’un vaisseau spatial.
Jack et Rose à quelques miles d’un iceberg.
Olive et Popeye autour d’une boîte d’épinards. Roméo et Juliette du haut d’un balcon.
Max et Lula, eux, vont découvrir l’amour dans un hôpital psychiatrique. Et après tout, pourquoi pas ? C’est dans cet univers insolite que quelque chose de tendre va naitre entre eux deux ; là, malgré eux et malgré le lieu. Une histoire qui va les transporter et les faire espérer. Et c’est au rythme d’une musique aux accents jazzy et d’électro, au milieu de personnages fantasques que Max et Lula vont se découvrir l’un l’autre.
Notre avis: Le choix osé du thème, la violence du jeu, l’alternance répétée entre intensité et légereté, la fébrilité permanente captant le public jusqu’à l’issue du spectacle… Il y aurait beaucoup de reproches à faire aux Instants Volés, si le résultat n’était pas ce spectacle poignant, d’une rare qualité, que l’on peut re(découvrir) avec bonheur au Vingtième Théâtre. Quatre ans après sa présentation à Paris, (avec à l’époque Vanessa Cailhol, Philippe d’Avilla et Joseph-Emmanuel Biscardi), la pièce musicale est de retour, dans ce plus grand espace, qui lui donne une ampleur supplémentaire et permet une nouvelle mise en scène. Formidable d’inventivité, elle accompagne en finesse le spectacle créé par Cyrille Garit. Un spectacle hors du commun, qui invite le public dans l’unité psychiatrique d’un hôpital, « un monde à part », où existent des femmes malades d’exister, et rêvent des hommes malades de rêver. Un monde où l’on cache les esprits torturés et les âmes désorientées… Choisissant délibérément de montrer cette folie, Cyrille Garit en a fait ‑intelligemment- le cadre de son histoire, où la dépressive Lula croise le bipolaire Max. Enfermés entre quatre murs et prisonniers de leur symptômes, les deux jeunes vont s’apprivoiser, se venir en aide, se donner peut-être mutuellement une raison de vivre, parmi leurs infirmiers, leurs voisins de chambre, et leur envie d’en finir au plus vite. Au fil de leurs échanges et d’une attirance progressive, leur soif de liberté va grandir, leur cœur s’ouvrir, sous la menace permanente d’une évolution de leur trouble mental.
Intenses, poétiques et forts, ces Instants Volés sont d’une puissance indéniable. Les scènes sont réalistes sans jamais être moqueuses ou larmoyantes, les personnages et leur caractère sont parfaitement écrits, l’équilibre entre humour, gravité et méchanceté bien dosé. En faisant cohabiter des personnages dont les répliques, les attitudes et le regard sur la maladie s’opposent totalement, les Instants Volés offrent en effet une vision juste et impressionnante de cet univers hospitalier où la dégénérescence (forcément drôle) des patients côtoie le détachement (indispensable) du personnel hospitalier et la souffrance dramatique des jeunes malades. C’est là toute la force du spectacle de Cyrille Garit, qui tient le public sous pression pendant 1h30. Mais l’excellent jeu des quatre artistes sur scène est également pour beaucoup dans cette réussite. Tous sont particulièrement convaincants. Stéfanie Robert et Alexis Mahi (dont c’est l’un des premiers grands rôles sur scène) sont imprégnés de folie, Julien Baptist parvient à donner une vraie personnalité à chacun de ses rôles, quant à Lucie Riedinger, elle se révèle incroyable comédienne. Comme un exutoire dans ce cadre anxiogène, le public la découvre notamment en art-thérapeute délirante, ou en improbable nymphomane. Mélange d’électro, de piano et de sonorités futuristes, la musique signée Stève Perrin s’adapte aux séquences. Régulièrement présente en fond, elle contribue encore davantage, avec les jeux de lumière et la scénographie poétique à plonger les spectateurs dans ce récit pas comme les autres, où la douceur des âmes tente de se débattre pour prendre le dessus.
Avec des rires, des larmes, de la tension, des cris, du stress, de la violence, de l’amour et quelques rêves à dessiner… les Instants Volés sont un superbe condensé d’émotions, dont on ne ressort pas indifférent. Le spectacle bouscule ‑t-il nos petites vies calmes et rangées? Sûrement, et c’est bien là le seul reproche que l’on pourra lui faire.