Jérôme Pradon : un French leading man
Si Sacha Distel jouissait déjà d’une certaine célébrité avant d’intégrer le West End, d’autres artistes moins connus ont traversé la Manche pour montrer aux Britanniques que la France pouvait exporter autre chose que du champagne et des carrés Hermès. Jérôme Pradon par exemple. En 92, à peine sorti de la production parisienne des Misérables, Jérôme rejoint la troupe anglaise de Miss Saigon, où il interprète Chris, un GI américain. «Les gens m’ont assez gentiment accueilli, il y avait peut-être une espèce d’amertume mais je ne m’y arrêtais pas. De plus, ça été suffisamment dur pour moi parce que ça a été un choc culturel énorme, il a fallu s’adapter… Et puis, le rôle était très déprimant» se souvient Jérôme. Quant au travail en soi, «tant que tu fais ton boulot, ça va, mais tu as intérêt à le faire bien. C’est un milieu très dur où il n’y a pas de place pour la médiocrité» ajoute-t-il.
En 96, il frappe un grand coup en interprétant Guillaume dans la distribution originale de Martin Guerre, inaugurant ainsi le club très fermé des artistes ayant joué des rôles majeurs dans les trois comédies musicales de Boublil et Schönberg. Aujourd’hui, Jérôme a intègré une nouvelle famille, celle d’Andrew Lloyd Webber. A l’affiche de Whistle Down the Wind et de la vidéo de Jesus Christ Superstar, il est le leading man le plus couru du moment. «Ca a pris du temps, il a fallu faire des preuves qui ont été Martin Guerre, Killing Rasputin, deux ou trois télés… C’est maintenant que je suis considéré comme un leading man dans le West End. J’en arrive à un point où je suis connu ici mais j’aimerais bien travailler en France aussi !».
La lumière au bout de (l’Euro)tunnel
Olivier Rey et Martin Matthias, eux, ont quitté la France il y a trois ans pour venir s’installer à Londres. «A l’époque, on en avait un peu marre de Paris, il n’y a des comédies musicales que tous les six mois et tu galères pour être payé, alors on s’est dits, pourquoi ne pas essayer d’aller travailler à Londres» explique Martin. A Paris, on avait pu les voir tous les deux dans Cats, Peter Pan ou Barnum, ainsi que dans Hello,Dolly ! (aux côtés de Liliane Montevecchi) pour Olivier et Mayflower pour Martin. Aujourd’hui, Martin joue dans Starlight Express d’Andrew Lloyd Webber et donne des cours de danse au prestigieux Pineapple Dance Studios et au London Studio Center tandis qu’Olivier a fini La Belle et la Bête cette année.
Très vite, ils décrochent un contrat dans un spectacle intitulé What a Feeling et décident de s’installer pour de bon. L’intégration se fait donc doucement malgré d’occasionnels commentaires désagréables. «Ils n’aiment pas trop les étrangers», souligne Martin. «On a parfois des réflexions de la part de certains artistes comme quoi on pique le boulot de quelqu’un mais à partir du moment où on est meilleur qu’un autre…».
Ces rares réflexions ne les empêchent pourtant pas d’apprécier Londres. «Ici, les conditions sont bien meilleures. C’est quand même formidable de chanter en direct, même quand on est dans le chorus, et d’avoir un vrai orchestre chaque soir. Par contre, les artistes sont plus blasés. Ils enchaînent spectacle sur spectacle. Ils ne se battent pas comme en France. Là bas, il y a une énergie particulière. On défend son spectacle jusqu’au bout» ajoute Olivier.
Et même si Paris, les copains et la bonne bouffe leur manquent parfois, leur vie anglaise semble parfaitement les combler. «On ne regrette pas d’être venus à Londres, ça reste toujours excitant. Il y a quelques années, on venait y voir des spectacles et ça nous faisait rêver. On n’aurait jamais cru qu’on se retrouverait sur scène aux côtés de Bernadette Peters, Antonio Banderas [dans Hey Mr Producer et Andrew Lloyd Webber Celebration pour Martin] ou John Barrowman [dans La Belle et la Bête pour Olivier]» expliquent-ils.
Le rêve est parfois à l’autre bout du tunnel (sous la Manche). Après tout, n’est-ce-pas le message que chante Martin tous les soirs dans Starlight Express ? «There’s a light at the end of the tunnel…».