Lundi 26 avril, l’Espace Pierre Cardin est en ébullition.
C’est en effet aujourd’hui que commence le second tour des auditions de la comédie musicale Footloose pour les postulants au rôle du Révérend Shaw Moore et du jeune adolescent Ren, le personnage principal.
La semaine précédente, l’équipe artistique s’était rendue en banlieue parisienne, à Gennevilliers pour y organiser la première partie des auditions au sein de la Maison de développement culturel de la cité des Agnettes. Pas moins de 1000 candidats s’y sont présentés, espérant décrocher l’un des 14 rôles à pourvoir.
Entre professionnels aguerris et visages familiers des spectacles musicaux ou amateurs chevronnés en quête d’un avenir de nouvelle star de la comédie musicale, les metteurs en scène ne refusent personne et donnent leur chance à chacun. Les lumières de la salle de l’Espace Pierre-Cardin s’éteignent à chaque passage des candidats, qui n’ont que quelques minutes pour convaincre de leurs talents de comédien et de chanteur ; avec plus ou moins de bonheur (les Bee-Gees s’en souviennent encore !).
Rien n’échappe à Marco Daverio, le directeur artistique, qui observe et écoute avec beaucoup d’attention les prestations de chacun. L’instant est important : c’est en effet en fonction des artistes choisis pour ces rôles que le reste de la troupe sera constituée. Un peu plus tard dans la journée, une poignée de candidats sélectionnés à Gennevilliers pour des rôles bien spécifiques, se présente sur la scène vide de l’Espace Pierre Cardin pour une épreuve de danse collective. Impossible de ne pas penser au numéro d’ouverture de Chorus Line.
Pendant ce temps-là, tandis que les auditions se poursuivent, d’autres candidats patientent dans le hall et tentent de se rassurer en écoutant les prestations de leurs camarades ou en retrouvant avec plaisir certaines de leurs connaissances. Les deux jours suivants, d’autres candidats se présenteront tandis que l’équipe créative (décors, costumes…) se constitue en parallèle. D’ici l’été, la production dévoilera le nom de ceux et celles qui ont été choisis et qui fouleront les planches de l’Espace Pierre-Cardin dans quelques mois ; avant de se lancer dans un nouveau projet. Regard en Coulisse a rencontré Raphaël Kaney-Duverger et Guillaume Ségouin, metteurs en scène et chorégraphes de la comédie musicale Footloose.

Parlez-nous de votre parcours ?
Raphaël Kaney-Duverger : J’ai chorégraphié et partiellement mis en scène un spectacle musical qui s’appelait Salut Joe ! présenté au Cirque d’Hiver avec des anciens participants de la Star Academy et travaillé sur l’adaptation scénique du film Orange Mécanique, présentée également au Cirque d’Hiver. Plus récemment, j’ai signé les chorégraphies des comédies musicales Fame et Hair.
En tant qu’interprète, je travaille pour des compagnies de danse contemporaine ainsi que pour des comédies musicales à grand spectacle comme Les Dix Commandements ou dernièrement Cléopâtre, spectacle pour lequel j’ai également fait des costumes ; mais mon premier amour reste le théâtre.
Même si j’en vis principalement aujourd’hui, je me suis mis à la danse tardivement. Avec Guillaume, nous avons fondé une compagnie de théâtre.
Guillaume Ségouin : On se connaît depuis longtemps car on s’est rencontrés au lycée, nous étions dans la même section théâtre. Je suis comédien de formation et très rapidement, j’ai eu à diriger des ateliers pour adultes et adolescents et cela m’a donné le goût de la mise en scène. Dans la formation de théâtre que j’ai reçu aux Ateliers du Théâtre Gérard Philippe, il y avait d’ailleurs une partie consacrée à la mise en scène qui m’a donné un bon nombre d’outils pour la suite. Ainsi, avec Raphaël, nous avons fondé notre propre compagnie, mêlant la danse et le théâtre en 1999. Puis, au gré des rencontres et des contrats, j’ai joué dans diverses pièces contemporaines et en tant qu’assistant à la mise en scène et collaborateur, j’ai travaillé auprès de Kamel Ouali sur Le Roi Soleil et Cléopâtre. Une sacrée école !
Comment se passe la transition entre un spectacle de l’envergure de Cléopâtre à Footloose ?
G.S : Des spectacles comme Le Roi Soleil ou Cléopâtre sont des spectacles exceptionnels, car il y en a peu de cette envergure là avec de pareils budgets. Un spectacle comme Footloose c’est…
R.K‑D : …c’est plus humain !
G.S : Cela reste humain, mais ce n’est pas le même rapport au spectateur. Son attente ne sera pas la même dans une salle de 4000 places que dans une salle de 700…
R.K‑D : Il y a aussi toute une dimension théâtrale qui est peut-être plus fouillée sur un tel projet que sur les grosses comédies musicales, même si on remarque une volonté de théâtraliser de plus en plus les choses. Ici, on est plutôt sur une base de jeu.
G.S : La grande différence, c’est pour que Le Roi Soleil ou Cléopâtre marche, il faut vendre du disque en amont. Nous n’avons pas cette contrainte.
Une contrainte ?
G.S : En pleine crise du disque, oui ! C’est un argument pour les auditeurs, que de proposer un disque avant le spectacle. Nous n’avons pas de radio derrière nous pour produire ce projet. Il y a une dimension plus intime de ce fait. Cette transition dont on parlait à l’instant se fait dans une certaine intimité.
R.K‑D : Et puis Footloose, ça parle aux gens. Le film a marqué toute une génération, il y a un passif derrière ce titre.

Justement, parlez-nous de Footloose ?
R.K‑D : Vivant à Chicago, Ethel McCormack et son fils Ren sont contraints de quitter la grande ville pour s’installer à Beaumont , une petite ville vivant sous le joug d’une loi sévère imposée par le Révérend Shaw Moore, où la danse et la musique sont totalement proscrites.
G.S : C’est basé sur des faits réels.
R.K‑D : C’est surtout l’histoire d’une famille qui essaie de se reconstruire après un accident mortel, en l’occurrence, celui du fils du Révérend Shaw Moore, tué dans un accident de voiture. C’est ce qui créé le traumatisme et qui a engendré cette loi, destinée à éloigner la jeunesse de toutes perversions.
G.S : C’est une pièce sur l’adolescence, sur les interdits qu’on donne aux jeunes et la manière dont ils intériorisent cela en terme de liberté. La chanson « I’m free », qui termine le 1er acte, reflète très bien cet état d’esprit.
Pourquoi cette loi, alors que chanter et danser fait partie de la nature humaine ? Pourquoi nous interdire cela ? Pour des adolescents, c’est juste impensable ! En particulier pour Ren, qui vient de Chicago, une grande métropole, où il jouissait d’une grande liberté en allant en discothèque et en écoutant David Bowie comme bon lui semblait. En arrivant à Beaumont, il est confronté à cette loi qui l’empêche de s’épanouir dans sa jeunesse.
Allons nous retrouver les éléments du film sur scène ?
R.K‑D : Le livret est très proche du film. La trame est identique, mais nous allons faire en sorte qu’on n’oublie pas le traumatisme de base, c’est-à-dire la perte d’un enfant.
G.S : Le film a été réalisé en 1984 et nous allons essayer de retranscrire cet esprit années 80 sur le plateau. Au niveau de la musique, vous noterez que les plus gros tubes de ces années là sont des musiques dansantes sur des sujets dramatiques. « Papa don’t preach » de Madonna, qui est une chanson sur l’avortement, en est le meilleur exemple.
Comment se déroulent les auditions ?
R.K‑D : C’est notre 4ème jour et cela se passe plutôt bien. On a retenu pour l’instant 4 candidats potentiels pour le rôle de « Ren » et nous avons préféré auditionner les rôles de jeunes dans un premier temps avant de constituer ensuite la famille.
G.S : Le projet nous oblige à être exigeants, car le rôle de Ren nécessite d’être un excellent danseur, chanteur et comédien. Cela reste difficile de trouver un artiste aussi complémentaire.
R.K‑D : Cependant, Ren n’est pas un danseur professionnel, il s’exprime avec son corps et comme la chorégraphie sera très présente, il faut que l’acteur qui l’incarnera porte cela à 100%.
Découvrez un reportage sur les répétitions :
Découvrez Casting de la comédie musicale culte « Footloose » sur Culturebox !
A quoi doivent s’attendre les spectateurs de l’Espace Pierre Cardin à partir du 12 octobre ?
R.K‑D : Notre volonté c’est de retranscrire sur scène les années 80. Il y aura cinq musiciens car nous aimerions que les sonorités se rapprocher véritablement de ce son typique. On trouve que la musique de la comédie musicale manque de pétillant. On souhaiterait donc retrouver ce côté un peu électro, un peu synthé…
G.S : Dès l’entrée du théâtre, on voudrait que les spectateurs soient happés dans une sorte de flashback années 80. Boules à facettes, musique d’ambiance avec Duran-Duran ou encore Eurythmics, ou même la possibilité de siroter une boisson aux couleurs de Footloose…
L’idée est de rester dans cet univers y compris durant l’entracte, de ne pas avoir envie de rallumer son téléphone portable le temps de cette expérience.
Nous travaillons également sur la conception des décors, mais nous ne pouvons pas en dire plus pour le moment, si ce n’est que la lumière sera très importante et qu’il ne faudra pas avoir peur des effets, y compris dans les costumes et les coiffures.
R.K‑D : Les chansons interprétées par les jeunes sont comme des rêves, des fantasmes et ces moments là seront traités de manière très pop, un peu à la manière d’un clip.
Découvrez quelques photos des auditions de la comédie musicale Footloose :
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