Mise en scène et livret : René Richart Cyr & Dominic Champagne.
Chansons et livret : Lionel Florence & Patrice Guirao.
Chorégraphie & scénographie : Yaman Okur & Stéphane Roy.
Avec : Brahim Zaibat, Damien Sargue, David Ban, Olivier Dion, Megan Lanquar, Victoria, Christophe Heraut, Golan Yosef…
Résumé : Avril 1625, le jeune et valeureux d’Artagnan quitte sa Gascogne natale pour tenter d’intégrer la garde rapprochée du roi Louis XIII et faire fortune à Paris. Dès son arrivée dans la capitale, d’Artagnan provoque bien malgré lui les mousquetaires Athos, Porthos et Aramis en duel. Naît alors une amitié inébranlable. Sur une suggestion du Cardinal de Richelieu, Louis XIII impose à la reine de porter au prochain bal de la cour les douze ferrets de diamants offerts par le roi. Richelieu sait que la reine a donné la précieuse parure en gage d’amour au Duc de Buckingham, avec qui elle entretient une liaison secrète. Grâce à la complicité de la fidèle lingère de la reine, Constance Bonacieux, le quatuor sauve la reine Anne d’Autriche des manœuvres sournoises de Richelieu et de son agent, la perfide Milady, en se rendant à Londres pour récupérer les ferrets. « Un pour tous, tous pour un ! ».
Notre avis : Pour qui aime les superproductions musicales, mêlant vastes tableaux chorégraphiés, tubes et effets scéniques, Les 3 Mousquetaires sont indéniablement un spectacle à découvrir sans tarder. Les producteurs, qui avaient annoncé, il y a plus d’un an, à Regard en Coulisse vouloir faire quelques chose « d’hors du commun et époustouflant », ont tenu leur promesse : la version de l’œuvre cultissime d’Alexandre Dumas, présentée depuis le 29 septembre dernier au Palais des Sports, est bien un show impressionnant, une succession de tableaux visuellement et esthétiquement superbes, un spectacle rythmé, de rock, de cuirs, de cape et d’épée…
Après un début aux airs de déjà-vu et laissant craindre le pire —d’Artagnan sur un tapis roulant, des danseurs utilisant leur pull comme des serpillières, et les gardes du Cardinal, vêtus comme les membres du GIGN, avec combinaison noire, gilet-pare balle et bonnet— le spectacle prend rapidement son envol. La première apparition des quatre héros déclenche, sans surprise, l’hystérie du public et une fois leur amitié scellée et l’intrigue lancée, le spectacle ne va qu’en s’améliorant. De leur rencontre à leurs pérégrinations vers l’Angleterre pour rapporter les fameux ferrets de la reine, les tableaux, variés, alternent, avec le même souci du détail esthétique : les lumières sont superbes, les cascades et combats réglés au millimètre, et les chorégraphies impeccables exécutées par près d’une trentaine de danseurs. Aux figures innovantes et au dynamisme inédit, elles donnent une réelle énergie, que l’on doit à l’ex-danseur de Madonna, Yaman Okur. Les scènes plus intimistes ne sont pas en reste, qui sont toujours accompagnées de numéros visuels de qualité, notamment des break-dancers aussi souples que musclés, dont les performances sont bluffantes.
Tandis que la diabolique Milady (Emji), en cape et cuissardes, n’en finit pas de cracher sa haine —l’occasion d’un surprenant tableau inondé de fumées, de flammes et de projections laser que ne renierait pas Mylène Farmer—, nos héros se payent le luxe de délaisser la bande-son, l’espace d’une chanson. En bord de scène, ils offrent une version guitare-voix d’un des titres phares du spectacle (« J’ai besoin d’amour »). Le Palais des Sports chavire avant de se lever comme un seul homme. Pas de doute, les quatre hommes ont fait mouche auprès du public.
Une improbable course-poursuite, au ralenti, sur des chevaux d’arçon, ouvre le deuxième acte. La patte des deux québécois Dominic Champagne et René Richard Cyr, est alors encore plus présente. Les deux hommes qui ont œuvré au Cirque du Soleil de Las Vegas, ont apporté à Paris leur poésie et leur sens du grandiose : aux couleurs et aux splendides effets de lumières omniprésents, s’ajoutent tissus, effets de vent, ou projections sur tulle. Ce n’est définitivement plus un simple musical, c’est un show.
Alors oui évidemment, c’est moderne, très moderne : les titres pulsent, ponctués de « Yeahyeahyeah », les danseurs sont parfois en baskets blanches à paillettes, et les mousquetaires tout en cuir, déboutonnés jusqu’au nombril. Quant au Duc de Buckingham, Golan Yosef (Love Circus, Cats), il fait de la salle une boite de nuit, se déhanchant, ferrets clinquants autour du cou, et autour d’une troupe torse nu, sur le titre remixé « On My Mind ». So gay ! Mais le postulat de départ était très clair : pas question de reconstituer le 17ème siècle avec des décors en carton-pâte, des scènes répétitives et des tableaux ennuyeux. Il n’y a donc pas tromperie sur la marchandise. Y compris côté musiques. Sans surprises, ce sont des tubes, des tubes et des tubes. C’est rock, c’est pop, parfois même soul ou électro… Entourés d’une dizaine de compositeurs, Lionel Florence et Patrice Guirao ont concocté des titres parfaitement adaptés à ce type de productions. Les chansons –faites pour la scène– sont incontestablement efficaces et rythmées, qui fonctionnent à merveille dans ce déluge de lumière et cette vaste arène.
Au sol ou suspendu dans sa cage, Damien Sargue-Aramis (Roméo et Juliette, Forever Gentleman) est à l’aise. Au sommet d’un mat ou à la guitare, David Ban-Porthos (Avenue Q, 1789 les amants de la Bastille, Flashdance) est toujours aussi pro. Enfin, le champion de free style et de break-dance Brahim Zaibat endosse la casaque d’Athos : la gestuelle est précise, la danse tout en muscles et en finesse, et le résultat étonnant. Où la grâce est parfois là où l’on ne l’attend pas… Ajoutons enfin, Olivier Dion (Hairspray) qui met au service de d’Artagnan, sa voix, sa gueule d’ange et une plastique de rêve… Réunis, tous tirent leur épingle du jeu, aussi bien que leur épée du fourreau.
Simplifiant à l’extrême le récit de Dumas, le livret en respecte pourtant la trame, jusqu’au retour triomphal des héros, coiffés de leur panache et au son de l’électro. Les Mousquetaires ont rempli leur mission. Les producteurs aussi, qui offrent avec cette création française, ses tubes, ses effets spéciaux, et ses performances physiques du grand spectacle, rarement vu. Dédié à Alain Decaux, ce show ultra-moderne parvient même à glisser, grâce aux chorégraphies aériennes et aux jeux de lumière, quelques beaux instants de légèreté. L’œil s’y régale d’ailleurs finalement sûrement plus que l’oreille… Et les amateurs de superproductions, de grands shows musicaux, ou de jeunes hommes musclés, ne pourront qu’apprécier…