Le Roi et Moi (Critique)

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Le Roi et MoiLivret et lyrics : Oscar Ham­mer­stein II, d’après Anna et le Roi de Siam de Mar­garet Landon
Com­po­si­tion : Richard Rodgers
Direc­tion musi­cale : Karine Locatelli
Mise en scène : Jean Lacornerie

Avec : Jacques Verzi­er, Edwige Bour­dy, Cather­ine Séon, L’Orchestre et la Maîtrise de l’Opéra de Lyon
Scéno­gra­phie : Alice Duchange
Choré­gra­phie : Geneviève Reynaud-Rault
Lumières : David Debrinay
Cos­tumes : Robin Chemin
Pro­duc­tion : Opéra de Lyon
Copro­duc­tion Théâtre de la Croix-Rousse

Richard Rodgers et Oscar Ham­mer­stein II ont à leur pal­marès d’avoir écrit ensem­ble le plus grand nom­bre de clas­siques de la comédie musi­cale améri­caine dont La Mélodie du bon­heur et bien sûr, Le Roi et moi. Tous leurs spec­ta­cles ont été portés à l’écran. Pour Le Roi et moi, on se sou­vien­dra de l’interprétation de Yul Bryn­ner et Deb­o­rah Kerr.La par­ti­tion con­voque le grand spec­ta­cle, en mari­ant de façon sur­prenante l’orientalisme et les polkas vien­nois­es. Qui est ce “moi” qui se met sur un pied d’égalité dans le titre avec un monar­que ? Il s’agit d’Anna Leonowens, veuve bri­tan­nique qui a réelle­ment débar­qué à Bangkok en 1862 pour devenir la gou­ver­nante des nom­breux enfants du Roi de Siam. Le livret s’inspire de ses Mémoires. D’emblée, Anna et le roi s’opposent et elle repar­ti­rait sur le champ si elle ne tombait pas sous le charme des enfants roy­aux. La ten­sion entre eux ne se relâchera jamais, elle fera naître un très grand respect, peut-être un amour. La dif­férence de cul­ture, de rang et le devoir fer­ont que cet amour ne pour­ra jamais se dire. Au lende­main de la guerre, l’œuvre était un grand plaidoy­er pour l’égalité des cul­tures. La cri­tique de l’esclavagisme du Roi de Siam entrait en réso­nance avec les luttes pour les droits civiques en Amérique. Le génie de Rodgers et Ham­mer­stein II a été de faire pass­er ce mes­sage sim­ple à tra­vers le regard des enfants, arbi­tres de l’affrontement entre Anna et le roi jusqu’à ce que l’un d’entre eux soit appelé à régner.

Notre avis :

Le Roi et Moi, un des grands clas­siques de Broad­way, s’in­spire de l’his­toire vraie d’An­na Leonowens, une bri­tan­nique ayant été recrutée comme gou­ver­nante des enfants du roi de Siam (la Thaï­lande actuelle) dans les années 1860. Jean Lacorner­ie met en scène ce choc de la ren­con­tre entre des cul­tures et des visions du monde dif­férentes, de la place de la femme dans la société à l’u­til­i­sa­tion de l’esclavage.

Un sys­tème de rideaux blancs mobiles bien agencés per­met de décor­er avec élé­gance la demeure royale, sans recourir à une débauche exces­sive de moyens. Les cos­tumes égale­ment très réus­sis jouent eux sur une palette de couleurs beau­coup plus var­iée. Ils habil­lent une dis­tri­b­u­tion nom­breuse, con­sti­tuée notam­ment par la très grande progéni­ture du roi.

Jean Lacorner­ie s’en­toure à nou­veau d’artistes de qual­ité dans cette nou­velle adap­ta­tion réussie d’un spec­ta­cle de Broad­way. Jacques Verzi­er com­mence à être un habitué des planch­es de la Croix-Rousse et on ne s’en plain­dra pas. Il incar­ne tou­jours avec le ton juste un roi tan­tôt autori­taire et caté­gorique tan­tôt apte à s’in­ter­roger sur ses con­vic­tions et à entrou­vrir sa cara­pace royale. Il est accom­pa­g­né notam­ment par deux sopra­nos con­va­in­cantes. Edwige Bour­dy incar­ne une Anna attachante, à la fois déter­minée et sen­si­ble. Cather­ine Séon livre elle aus­si une belle presta­tion. Si les dia­logues sont joués en français, les chan­sons écrites par Richard Rodgers et Oscar Ham­mer­stein II sont bien chan­tées en anglais (avec sur­titrage). L’orchestre et la maîtrise de l’opéra de Lyon se met­tent égale­ment avec aisance à l’heure de Broadway.

On notera la belle ini­tia­tive con­sis­tant à présen­ter des représen­ta­tions en mat­inée afin de per­me­t­tre vis­i­ble­ment à un jeune pub­lic de décou­vrir cette oeu­vre et plus glob­ale­ment la comédie musi­cale « clas­sique ». De quoi gâter les enfants — et leurs par­ents — comme des rois !