Rappelez-vous le début de ce millénaire. En 1999, Notre Dame de Paris (et son triomphe) ouvrait la voie à de nombreux spectacles musicaux et ce qui pouvait apparaître comme une simple tendance est désormais devenu un genre (et un format) définitivement ancré dans les habitudes françaises (comme Les Trois Mousquetaires ou Le Rouge et le Noir, créés cette saison). Depuis 2000, certains n’ont pas vraiment laissé de traces (Gladiateur, anyone?) tandis que d’autres ont laissé une forte impression sur le public, de par leurs chansons, leurs interprètes ou leur mise en scène. Le musical biblique Les Dix Commandements fait définitivement partie de ceux-là. On peut ne pas aimer sa forme ou son livret un peu ténu, on ne peut nier l’impact populaire de certaines chansons (et leur efficacité) et la marque que le musical a laissée sur le genre.
Aujourd’hui, le spectacle mis en scène par Elie Chouraqui, et écrit et composé par Pascal Obispo, Lionel Florence et Patrice Guirao, revient faire un tour de piste, pour quatre dates exceptionnelles à l’Accorhotels Arena, suivies de soixante dates en tournée. Lorsqu’on interroge Elie Chouraqui, le metteur en scène, sur les raisons de ce retour, il parle de désir, de plaisir : « Me faire plaisir à moi, au public… J’avais tellement de gens qui me le demandaient qu’à un moment donné, ça m’a paru incontournable. Et je suis très heureux car je retrouve des sensations qui sont encore plus fortes qu’à la création. »
Dans la distribution, on retrouve un mélange d’interprètes de la production originale et de nouveaux venus. Lisbet Guldbaek était l’interprète originale du rôle de Bithia : « retrouver ce spectacle, c’est avant tout beaucoup d’émotion, puis, on retrouve dans le corps des sensations familières, et en même temps, le fait qu’il y ait des nouveaux interprètes apporte quelque chose de différent. ». Joshaï (Moïse) ajoute que la rencontre entre nouveaux et « anciens » s’est passée de façon harmonieuse. « On a un peu ‘parrainé’ ceux qui arrivaient. Et cela crée une belle énergie, il y a une belle diversité des personnalités qui s’ajuste bien avec les personnages qu’on interprète. »
Retourner sur un spectacle que l’on a joué seize ans plus tôt permet d’aborder un personnage différemment. Merwan Rim (Ramsés) a démarré sa carrière en rejoignant la troupe un an après la création. « Il y a quinze ans j’étais la doublure d’Ahmed Mouici, j’avais 22 ans à peine, et ma façon de jouer devait ressembler à celle du titulaire. Aujourd’hui, j’ai parfois des habitudes qui me restent de l’époque mais je peux me permettre de créer d’autres choses, j’ai une marge de liberté et Elie Chouraqui m’encourage beaucoup à créer mon propre personnage. »
Anne Warin (Yokebed) renchérit : « je me sens un peu différente, ça me permet de réinventer ce que je fais. J’ai l’impression d’avoir vécu plein de choses entre temps et ça me permet d’être moins en contrôle et d’être plus dans le lâcher prise. » De même, Joshaï aborde le rôle avec « peut-être plus de sérénité, de maturité et de globalité ».
Les seize années qui ont passé ont aussi permis au spectacle de se faire une nouvelle jeunesse. « On a mis en place tout ce dont j’ai rêvé pendant les années où je voyais le spectacle sans pouvoir le rectifier » explique Elie Chouraqui. « J’ai retravaillé pour l’améliorer, le tirer vers le haut. Par exemple, les projections, avant c’était du film, aujourd’hui, c ‘est de la 4K. Vous avez vu la beauté des images ? J’ai tout retravaillé comme des gravures anciennes qui bougeraient. La technologie a évolué et on s’en est servi.»
Quant au message du spectacle, aujourd’hui, il semble résonner de façon encore plus forte. «C’est un message de paix, d’amitié, d’amour dans le monde. On a tous besoin de puiser là-dedans car on vit une période difficile » commente Lisbet Guldbaek. « Déjà à l’époque, c’était d’actualité mais entre temps, il s’est passé beaucoup de tragédies traumatisantes » ajoute Anne Warin. « On peut croire que les massacres de bébés et l’esclavage, c’était il y a cinq mille ans et pourtant, il suffit de lire les journaux pour se rendre compte que ça existe encore et que ça arrive tous les jours. Ce spectacle continue à toucher car il y a ce message d’amour, et c’est ce dont on manque le plus, tant on est désemparé face à la haine. »
« Mettre un peu de baume au cœur ou donner de l’espoir en l’humanité, c’est un peu le propos de l’artiste, qu’il aille sur scène ou qu’il peigne des toiles. Il y a toujours ce côté politique qui parle de l’humain. En tant qu’artiste, si j’arrive à apporter une pincée de réflexion à qui que ce soit, c’est déjà une victoire fabuleuse » ajoute Pablo Villafranca (Josué). « Ce spectacle est indispensable, s’il n’était pas là, il faudrait l’inventer pour essayer de retrouver ce désir de partage, le fait d’aller vers l’autre et de trouver en lui ce qu’il y a de meilleur. Nos différences sont belles, il faut les accepter et au contraire se réjouir qu’on ne soit pas tous uniformes » conclut Elie Chouraqui.
Les Dix Commandements du 17 au 20 novembre 2016 à l’Accorhotels Arena.