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Le renouveau du cinéma musical — Being alive, staying alive !

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Evita ©DR
Evi­ta ©DR
Après son bril­lant âge d’or (les années 1930 à 50), le ciné­ma musi­cal sem­blait viv­ot­er dans le sou­venir de ses heures glo­rieuses. Quelques affich­es rap­pelaient occa­sion­nelle­ment quel plaisir on ressen­tait devant le spec­ta­cle de la vie en danse et chan­sons. Il y avait bien eu des Victor/Victoria (1982) ou Evi­ta (1996) pour la soif, mais mal­gré leurs qual­ités ils ne pou­vaient pas restau­r­er à eux seuls la splen­deur passée. La joie éprou­vée restait rare, donc sans lendemain.

Pour­tant il y eut des moments où le ciné­ma musi­cal sem­blait retrou­ver ses mar­ques vis-à-vis du pub­lic. Ceux qui vécurent cette époque se rap­pel­lent l’en­goue­ment pour John Tra­vol­ta à la fin des années 70. Il por­tait à la scène puis sur écran le char­mant pas­tiche des années 50 Grease (1978). Simul­tané­ment il devient le chef de file du Dis­co dans Sat­ur­day Night Fever (1977). Hélas, le Dis­co ne fit pas long feu, et la ten­ta­tive d’ex­ploiter le filon n’al­la guère plus loin (Stay­ing alive en 1983). Il reste que le ciné­ma, musi­cal à défaut de con­quérir durable­ment les foules, s’est trou­vé une niche : le pub­lic jeune et sa musique. De cette façon, il s’est main­tenu et a ren­con­tré quelques suc­cès : Fame (1980), Flash­dance (1983), Dirty Danc­ing (1987), What’s love got to do (1993). La danse et la musique ser­vent sou­vent d’élé­ment moteur pour des ado­les­cents qui passe le cap de la vie d’adulte. L’en­t­hou­si­asme ren­con­tré en salle a des réper­cus­sions sur les hit-parades : les CD des chan­sons se vendent comme des petits pains.

Pen­dant que les ado­les­cents accueil­lent favor­able­ment ces films, Dis­ney se tourne vers les enfants (et leurs par­ents). Après avoir végété 15 ans durant, le célèbre stu­dio d’an­i­ma­tion s’est remis en selle avec des longs-métrages ani­més qui doivent beau­coup à leurs chan­sons dignes du meilleur de Broad­way. Coup sur coup, La Petite Sirène (1989), La Belle et la Bête (1991), Alad­dïn (1992) rétab­lis­sent la grandeur du dessin ani­mé et de Dis­ney. Le couron­nement vient indé­ni­able­ment avec Le Roi lion qui ren­con­tre un suc­cès prodigieux à l’é­gal des block­busters hol­ly­woo­d­i­ens. La bande musi­cale de la star de la pop Elton John tri­om­phe égale­ment. À cette croisée des chemins du dessin ani­mé à grand spec­ta­cle et de la pop-music, Dis­ney décou­vre le tick­et gag­nant. La vie devient belle, Haku­na Mata­ta ! Désor­mais les jeunes spec­ta­teurs acceptent aisé­ment qu’une his­toire soit racon­tée en chan­sons. Tout est en place pour que la Chose musi­cale devi­enne populaire.

L’émer­gence à grande échelle du nou­veau ciné­ma musi­cal survient au change­ment de mil­lé­naire 2000–2001. Le Fes­ti­val de Cannes 2000 con­sacre un film musi­cal : Dancer in the Dark (2000), ça n’é­tait pas arrivé depuis All that Jazz en 1980. Dancer est l’oeu­vre du réal­isa­teur avant-gardiste danois Lars von Tri­er. Ce dernier et la chanteuse auteur des chan­sons Bjork font référence explicite­ment aux grandes comédies musi­cales de l’âge d’or. La mise en images est déca­pante. On n’en attendait pas moins de Lars von Tri­er. Cepen­dant les bonnes gross­es ficelles du genre sont bien là. Elles rap­pel­lent avant tout que l’é­mo­tion con­tin­ue de primer.

Et en l’an­née 2001, le pub­lic a droit aux extrav­a­gances de l’aus­tralien Baz Luhrmann dans Moulin Rouge lui aus­si remar­qué au dernier fes­ti­val de Cannes. Il est accom­pa­g­né dans son sil­lage de Hed­wig and the angry inch issu du lab­o­ra­toire new-yorkais de l’Off-Broad­way. Bien loin des mièvreries qui ont fait a répu­ta­tion du ciné­ma musi­cal, Moulin Rouge et Hed­wig déton­nent et s’adon­nent au délire. Alors que le ciné­ma non musi­cal explore les effets spé­ci­aux à coup/coût de haute tech­nolo­gie, le ciné­ma musi­cal réplique en plaçant l’homme et la femme au milieu d’un monde mer­veilleux. Il sem­ble bien que notre époque réclame du ciné­ma musi­cal, devenu syn­onyme de magie, d’é­va­sion et de modernité.

À l’heure du renou­veau, il faut aus­si saluer des arti­sans qui méthodique­ment ont creusé leur sil­lon et ont séduit un pub­lic qui n’é­tait pas encore innom­brable. En pre­mier lieu Gérard Cor­biau pour son approche orig­i­nale de la grande musique clas­sique (Le maître de musique en 1988, Farinel­li en 1994, Le Roi danse en 2000). Il évoque les artistes du passé à tra­vers leurs petites et grandes his­toires. Du com­pos­i­teur Lul­ly au cas­trat Farinel­li, Gérard Cor­biau restitue une image human­isée de ceux qui ont fait la musique dite « clas­sique ». L’autre grand arti­san est Alan Park­er, réal­isa­teur éclec­tique qui aime restituer l’én­ergie de la musique pop­u­laire. Il le prou­ve avec des films comme Bugsy Mal­one (1976), Fame (1980), the Wall (1982), The Com­mit­ments (1991), ou Evi­ta (1996). Ce faisant il promeut la richesse des divers­es formes de spec­ta­cle : Broad­way, l’opéra rock ou la musique irlandaise.

L’at­ti­rance des pro­fes­sion­nels du ciné­ma musi­cal est con­fir­mée par les incur­sions qu’­ef­fectuent cer­tains réal­isa­teurs. Des réal­isa­teurs con­fir­més comme Woody Allen (Tout le monde dit I love you en 1996), Blake Edwards (Vic­tor Vic­to­ria en 1982), Frank Oz (La petite bou­tique des hor­reurs en 1982) ont apporté leur con­tri­bu­tion. Mais le plus éton­nant réside dans les pre­mières oeu­vres. Des réal­isa­teurs recon­nus depuis ont débuté dans le genre musi­cal : Rob Rein­er (This is Spinal Tap en 1984), Tom Han­ks (That thing you do en 1996), Jacques Mar­tineau et Olivi­er Ducas­tel (Jeanne et le garçon for­mi­da­ble en 1998). Tous ces films n’ont pas tenu le haut de l’af­fiche loin s’en faut, cepen­dant ils témoignent d’un amour tou­jours renou­velé pour la fusion mag­ique de l’im­age et de la musique. Enfin du côté des courts-métrages, les lecteurs assidus de Regard en Coulisse n’ig­norent rien des con­tri­bu­tions de ses col­lab­o­ra­teurs Stéphane Ly-Cuong (La jeune fille et la tortue) et Rémy Bat­teault (The Fun­ny Face of Broad­way). N’est-il pas bien vivant ce ciné­ma musical ?

Les pro­fes­sion­nels et les éru­dits du ciné­ma ont tou­jours main­tenu leur affec­tion pour le ciné­ma musi­cal. Le pub­lic était réputé réfrac­taire, mais les choses changent dans le bon sens. Le ciné­ma musi­cal a beau­coup mûri pour abor­der des sujets plus adultes sans se dépar­tir de ses univers mer­veilleux. Pour aller encore plus loin on peut espér­er que théâtre et ciné­ma parisiens sauront s’ac­corder. Qui sait si les pro­jets de Star­ma­nia au ciné­ma ne vont pas finir par aboutir ?