d’après Oscar Wilde.
Libre adaptation de Franck Levis
Mise en scène : Frédéric Gray
Avec : Samuel Forst Lefevre, Denis Souppe, Hélène Merlin, Philippe Valme
Décor : No Art
Réalisation vidéo : Yohan Poissonneau
Réalisation sonore : Nicolas Ronjat
Une scène sombre et moderne. Deux fauteuils, une horloge, un miroir aux tentacules solaires, décor métallique, industriel, intemporel. Et allongé sur un meuble noir, tel un tombeau, Dorian Gray. Les écrans plasma crépitent, s’allument ; un juge apparaît, édictant une sentence sans appel : la mort. Dorian s’anime, se lève de son lit de condamné, s’adresse au public pour raconter son histoire. L’histoire d’un jeune homme trop beau, un peu naïf, d’origine modeste, remarqué par Harry Wotton, dandy londonien, qui fait le pari que sa beauté si angélique (la beauté du diable ?) lui permettra d’entrer dans le cercle très fermé de la jet set. Il devient top model, dans une société où l’apparence fait tout, et s’abîme dans un tourbillon de fêtes, de drogues, de luxure. S’abîme ? Non, son beau visage reste intact, mais c’est son portrait, saisi par le photographe Basil Hallward, qui se ride, se scarifie, se creuse, marquant les ravages du temps et de la débauche. Et Dorian poursuit sa chute infernale, qui le mènera à commettre l’irréparable. C’est son procès qui nous est retracé dans ce spectacle. La mise en scène, vivante et intelligente, utilise des procédés cinématographiques, tel le flashback, l’arrêt sur images, pour nous faire saisir tout le drame qui s’est joué. Les personnages — outils, tels le juge, la psychiatre, les membres de la jet set interviennent par le biais d’écrans plasma, les rendant réels et factices à la fois. Ils ne sont là que parce qu’ils sont les rouages d’un système, et non parce qu’ils jouent un rôle actif dans l’histoire.
Cette pièce, aux dialogues brillants et bien menés, replace dans le contexte du 21ème siècle Le Portrait de Dorian Gray, d’Oscar Wilde, et en nous faisant redécouvrir ce chef-d’oeuvre, montre au spectateur son incroyable actualité. Célébrité facile, culte de l’apparence, mépris des sentiments, superficialité des relations humaines au profit du factice, quelle meilleure analyse de notre société où la réussite suprême est, pour beaucoup, d’apparaître dans une émission de télé ? réalité ?
En partageant pendant deux heures l’existence de Dorian Gray, c’est aussi sur nous même que cette pièce nous fait réfléchir…