Textes et chansons : Alain Marcel
Direction musicale et orchestration : Damien Roche
Mise en scène : Alain Marcel assisté de Grégory Antoine
Avec Fabienne Guyon, Isabelle Ferron, Florence Pelly, Vincent Heden, Franck Vincent, Gilles Vajou.
Cinq ans après l’arrêt de La Cage aux Folles qu’il avait adapté au Théâtre Mogador, Alain Marcel fait son grand retour, à l’Amphithéâtre de l’Opéra Bastille, avec Le Paris d’Aziz et Mamadou. Loin des comédies musicales de Broadway qu’il a importées en France ou des opéras ou opéras comiques qu’il a pu mettre en scène, il nous propose cette fois un spectacle inattendu, intimiste et très personnel, dont il signe non seulement la réalisation et le livret mais aussi les chansons (paroles ET musiques). Le résultat n’est pas à proprement parler un « musical » même si les numéros sont nombreux, ni un simple spectacle jeune public, même si les héros en sont deux enfants. Il s’agit plutôt d’un objet théâtral inclassable où la musique et les mots tiennent une place prépondérante. Mais quelle que soit la façon dont on le définit, Le Paris d’Aziz et Mamadou est, surtout, un véritable enchantement.
Aziz et Mamadou ont quitté leur banlieue pour partir à la recherche du Palais des enfants, qu’ils croient pouvoir trouver à Paris. Sillonnant, tout à leur quête, les rues de la capitale, les deux enfants vont être embarqués dans des aventures burlesques et faire d’étonnantes rencontres. Confrontés, entre autre, au maire de la ville, au chef d’un fast food, à un peintre de la butte ou à une cathédrale de Notre Dame très bavarde, ils découvriront les affres de la vie citadine, l’hypocrisie, le racisme et l’intolérance. On pourrait craindre le pire d’un sujet propice à moult clichés. C’est sans compter sur l’agilité d’Alain Marcel qui sait mêler très efficacement un humour incisif à une émotion diffuse mais constante. Le ton reste, donc, sans cesse léger pour ne s’assombrir qu’à quelques courtes reprises. Le choix d’utiliser une troupe de six comédiens chanteurs pour représenter, outre quelques personnages « humains », les objets ou les monuments qui s’agitent autour des deux enfants, ajoute au caractère ludique de l’entreprise et fait passer tous les messages sans jamais laisser la représentation s’apesantir. Musicalement, le spectacle se réfère délibérément aux chansons populaires, à l’image de l’hilarant « air de la butte », laissant la vedette aux « lyrics » ciselés et aux numéros d’acteur, mais se permet aussi quelques pics de lyrisme, entre autres lors de la séquence de la guillotine ou celle, vibrante, du soldat inconnu (cette dernière magnifiquement interprétée par Vincent Heden). Autour des deux enfants, Hamza Hadjeb et Noé Niambi, drôles, touchants, et confondants de naturel, les six chanteurs comédiens, dont les C.V réunis offrent un panel impressionnant de tout ce qui s’est fait dans le monde du théâtre musical francophone ces quinze dernières années (au hasard: Cats, Les Misérables, La Petite Boutique des Horreurs, Kiss me Kate, My Fair Lady, Peter Pan, Tintin et le temple du Soleil, Roméo et Juliette, Souingue!), sont tous excellents.
Sans doute, les dimensions intimistes de cette création, comparées à celle de ses précédents projets, ont-elles permis à Alain Marcel de pouvoir gérer intégralement son entreprise pour aboutir à ce résultat très efficace. On lui reprochera, toutefois, ses choix concernant l’aspect visuel du spectacle. Un fond noir, des costumes blancs (à part ceux des deux enfants), des projections en lettres blanches sur des panneaux noirs, le tout accentué par la froideur même du cadre dans lequel se déroule la représentation (l’Opéra Bastille, Amphithéâtre compris, n’est pas le lieu le plus chatoyant de Paris) donnent un aspect glacé à cette histoire et ne mettent pas vraiment en valeur la chaleur et l’énergie qu’elle véhicule. Cette réserve mise à part, Alain Marcel a vraiment réussi son Paris… .