Une programmation éclectique
La programmation 2006 proposait une sélection particulièrement éclectique, passant aisément du rire aux larmes, avec pour dénominateur commun une grande qualité générale. Le drame intimiste Camille C. de Jonathan Kerr a ouvert le bal, le surprenant Battements de coeur pour duo de cordes a conquis le public, les religieuses de Nonnesens ont apporté une bouffée de folie, Musical Suspect a rendu hommage à la comédie musicale et à ceux qui la défendaient. Enfin, La sorcière éphémère a réuni jeune et moins jeune public.
Les découvertes de l’année dernière ont pu prendre corps lors de cette édition. Cyrano de Bergerac, d’Alexandre Aillaud, Jean-Jacques Ottaviani, Frédéric Poggi et Francky de Peretti, d’après l’oeuvre de Rostand, avait reçu le Prix Découverte en 2005. Les spectateurs ont pu le découvrir sur scène dans une version show case. Le vainqueur du Prix SACD 2005 (pour le meilleur livret) avait été attribué à Stéphane Laporte pour Panique à Bord. Les festivaliers ont pu en savourer une lecture pétillante et découvrir à cette occasion la partition alerte de Patrick Laviosa. Servi par une distribution de premier choix (Vicent Heden, Ariane Pirie, Christine Bonnard, Jacques Verzier, Gilles Vajou, Angélique Rivoux) fut un des grands moments de bonne humeur du festival.
Enfin, pour clôturer le tout, Les Musicals proposait une initiative très originale : présenter des « Mini-musicals », comédies musicales courtes. Deux mini-musicals prometteurs et très différents ont ainsi fait leurs débuts à Béziers : L’histoire de Sally Mac Laureen de Christine Kandel et le loufoque Hôtel des Zoizos de Hervé Devolder.
Deux tables rondes et une master class
En marge de ces manifestations des tables rondes étaient organisées. La première a rassemblé nombre d’acteurs essentiels du théâtre musical en France. Le message général : se serrer les coudes et continuer d’avancer ensemble. Les projets ne manquent pas, les bonnes idées se doivent d’être soutenues. Les récents succès prouvent que la comédie musicale peut rapporter de l’argent en séduisant un public large et que l’impact de la télévision comme outil promotionnel est non négligeable, mais pas essentiel. Le bouche à oreille fonctionne, encore faut-il lui laisser le temps de fonctionner. Une seconde table ronde s’intéressait plus spécifiquement au cinéma musical. Si l’âge d’or est à jamais révolu, il n’en est pas de même du genre en tant que tel. La sélection très variée de courts métrages musicaux en est une preuve flagrante. La plupart de leurs auteurs ont participé à cette discussion, chacun d’entre eux ayant des projets musicaux plein la tête. Si la participation du public était moindre pour le cinéma, gageons que cet art saura s’imposer dans les futures éditions. Enfin, le samedi matin, les lève tôt ont pu assister à une master class animée par Magali Dieux et Richard Cross, plus spécifiquement consacrée au coaching. Comment interpréter un rôle, comment se sentir bien sur scène de manière à faire passer toutes les émotions nécessaires ? Autant de questions auxquelles les deux spécialistes ont répondu par l’exemple : plusieurs apprentis chanteurs étant conviés à venir sur scène pour bénéficier de conseils personnalisés.
Clôture en beauté
Comme toutes les bonnes choses ont une fin, les festivaliers se sont retrouvés pour la dernière fois au Théâtre Municipal pour la soirée de clôture. Après un petit discours bilan de Matthieu Gallou, créateur du festival, les trois membres du jury sont montés sur scène pour donner leurs impressions sur ce qu’ils avaient vu au cours de ces trois jours. « Nous avons vu des spectacles extraordinaires, je ne pensais même pas que c’était possible de faire ça en France » s’est félicité Claude-Michel Schönberg, le président du jury avant de prodiguer quelques bons conseils, « il faut continuer dans cette voie et toujours se remettre en question, la crédibilité du festival en sortira renforcée. Il faut absolument que ce festival soit une sorte de club de rencontres : travailler tous ensemble, unir ses efforts en France et à l’international. Dans la création d’une comédie musicale, on a toujours besoin de quelqu’un pour rebondir ». A leur tour, Gérard Chaillou et Mohamed Drissi, les deux autres membres du jury, se sont réjouis de la qualité des oeuvres présentées.
Au cours de cette soirée, les cinq chansons finalistes concourant pour le Prix Claude-Michel Schönberg de la meilleure chanson de comédie musicale ont été interprétées par leurs créateurs accompagnés par l’imposant orchestre du Conservatoire Municipal de Béziers dirigé par François Louche, avec des arrangements de Thierry Boulanger. Les différents Prix ont été remis entre chaque chanson, à commencer par les Prix décernés par le Jury. Le Prix Découverte du meilleur projet de comédie musicale en cours de création a récompensé Amnésia de Marie et Jean-Claude Bramly. Quant au Prix SACD du meilleur projet de comédie musicale en cours d’écriture, il a été remis à Philippe Rondest et Michel Frantz pour Les délirantes (qui porte bien son nom !). « On a l’impression d’être dans un conte de fées, c’est la première fois que nous recevons un prix ! » s’est exclamé Philippe Rondest, « avec ce prix, nous voyons surtout une ouverture vers la réalisation définitive de l’ouvrage sur scène, d’ailleurs ce festival est une idée formidable pour se rencontrer les uns les autres et accéder beaucoup plus facilement aux décideurs ». Nouveauté de cette deuxième édition des Musicals, le Prix Ciné-Musicals du meilleur court-métrage de comédie musicale a récompensé Bhai Bhai de Olivier Klein et un Prix spécial a été remis à Nicolas Engel pour Les Voiliers du Luxembourg. C’est la première fois que mon film est présenté dans un festival, c’est donc très agréable de repartir avec ce prix ! Je n’ai pas peur des films de genre, la preuve avec mon court-métrage qui me donne l’envie de développer d’autres projets. J’ai notamment un long-métrage entièrement chanté en écriture.
Place ensuite aux Prix décernés par les professionnels accrédités qui ont voté pendant le Festival. Le Prix de la meilleure comédie musicale de création est revenu à Camille C. de Jonathan Kerr qui s’est déclaré très heureux, « je ne pouvais pas rêver mieux. Nous avions reçu le Molière alors que Camille C. n’était plus à l’affiche. J’espère que ce prix va permettre de le relancer. C’est bien parti car ce festival m’a permis de rencontrer un producteur qui va nous aider. Nous devrions présenter Camille C. dans sa version symphonique sous forme de récital dans un festival ». Le Prix de la meilleure reprise ou adaptation a récompensé Le violon sur le toit, incontestablement le grand succès de l’année. Pour Serge Tapierman, l’heureux producteur qui n’a pas eu peur de prendre des risques, « c’est une belle récompense ». Très en verve, il a tenu à faire partager son enthousiasme « avec Nonnesens, j’avais franchi une première étape et prouvé qu’on pouvait monter une petite comédie musicale comme une grande. Quand j’ai voulu monter Le violon sur le toit avec en plus un orchestre de seize musiciens sur scène, tout le monde m’a dit que j’étais fou ! Aujourd’hui le résultat est là, c’est un grand succès. Cela doit faire réfléchir et donner des idées aux autres producteurs. D’autant que nous avons des artistes talentueux en France qui savent jouer la comédie, chanter et danser. Ce prix me rend encore plus optimiste pour la suite ! ».
Le Prix d’interprétation masculine a été attribué à Vincent Heden (Camille C., Le violon sur le toit, Titanic) que les festivaliers ont pu apprécier aussi dans Musical Suspect et Panique à Bord. « Vous êtes sûr que c’est bien pour moi ? » s’est-il étonné avec humour, « je ne m’y attendais vraiment pas, je n’avais même pas voté pour moi ! Je suis très honoré. Je partage ce prix avec tous les autres nominés et particulièrement avec Franck Vincent mon partenaire dans Le violon sur le toit. Un spectacle est une aventure collective où chacun apporte sa pierre à l’édifice. J’ai retrouvé cette solidarité dans ce festival, on en repart avec plein d’étoiles et d’espoir ». Quant au Prix d’interprétation féminine, il a été remis à Christine Bonnard (Nonnesens, Le violon sur le toit), hilarante également lors de la lecture de Panique à Bord. « Je n’en reviens pas d’avoir obtenu cette récompense. Il n’y a que deux ans que j’ai décidé de franchir le pas et de faire de ma passion mon métier » a‑t-elle rappelé très émue, « je suis d’ailleurs gênée et mal à l’aise vis à vis des autres filles qui étaient nominées et que j’ai pu apprécier sur scène avant d’y être moi-même. J’ai l’impression que ça va trop vite, ça me fait même un peu peur mais j’apprends à gérer et aujourd’hui je suis très heureuse ».
Pour conclure, parmi les cinq chansons entendues au cours de la soirée, Claude-Michel Schönberg a décidé de remettre le Prix qui porte son nom à « Je suis Camille », chanson d’ouverture de Camille C., qu’Annick Cisaruk est venue interpréter une deuxième fois en guise de final de cette dernière soirée de la deuxième édition des Musicals.
Nous terminerons avec le mot de Matthieu Gallou, créateur du festival qui pense déjà aux futures éditions : « J’ai créé Les Musicals comme un acte de résistance. Comme un défi à la bêtise toute puissante marketée pour cerveau disponible. En deux éditions, ont été régénérées des envies et des ambitions qu’on aurait pu croire abandonnées. 2005 apparaît clairement comme la première année du renouveau de la comédie musicale française : succès et couronnement de Chance, création et sacre de Camille C., réussite commerciale de Nonnesens et d’Un Violon sur le toit. Il existait une attente immense de la profession pour un festival de comédies musicales que cette édition 2006 a confirmé. J’ai été très impressionné par la ferveur et le plaisir qu’ont partagé les festivaliers pendant cinq jours. Je réfléchis désormais aux objectifs de l’édition 2007 et 2008. Ce que je peux déjà vous dire, c’est que la prochaine édition sera celle de la formation professionnelle et des jeunes générations. Nous sommes tous concernés. Et maintenant, au boulot ! »