
Laurent Alvaro, est-ce votre première incursion dans le musical américain ? Quel regard portez-vous sur ce genre ?
J’ai déjà joué dans des opéras comiques et des opérettes et, en concert, on nous demande parfois d’interpréter des extraits de West Side Story par exemple, mais c’est la première fois que je joue dans un vrai musical américain.
Quand j’ai commencé les répétitions, je me suis fait cette réflexion que tout ça était incroyable, car au fond, c’est quelque chose que j’ai toujours rêvé de faire… Mais ce n’est qu’au bout d’une semaine que je me suis enfin dit : je suis dans dans une comédie musicale !
Qu’est-ce qui vous a plu dans ce projet ?
Ce qui m’a séduit, hormis le fait que ce soit un musical, était de travailler avec une équipe qui connaisse ce répertoire. Je ne savais pas si j’allais être le seul chanteur d’opéra, et au final, on est assez nombreux. Je rêvais de rencontrer des gens qui viennent de Broadway et d’apprendre avec eux à travailler musicalement une partition. Notre chef d’orchestre, Kevin Farell, est le représentant de cette méthode de travail.
Est-ce très différent des méthodes de travail dans l’opéra ?
Dans le classique, on n’a pas le droit de toucher une seule note de la partition. Ici, lors des premières musicales, on pouvait se permettre de chercher : le tempo, le passage du parlé au chanté… Le matériel semble un peu plus malléable, on recherche l’efficacité, la justesse de l’intention. Mais il faut aussi savoir que cette partition est très protégée par les éditeurs et qu’on ne peut pas se permettre ce qu’on veut, ce qui est parfois un peu frustrant.
Il y a un certain nombre de différences entre le film et le spectacle, n’est-ce pas ?
La plus grande différence avec le film, c’est que ce dernier se concentre vraiment sur le trio amoureux entre le Capitaine, Maria et la Baronne. Le film est plus efficace en ce qui concerne la tension amoureuse. Dans un cadre cinématographique, les scénaristes ont bien fait de recentrer l’histoire. On sent que la machine hollywoodienne a effectué un travail d’écriture d’une précision et d’une efficacité remarquables.
En revanche, le traitement politique est largement édulcoré dans le film et cela me concerne directement puisque Max, qui est très effacé dans le film, joue ici le rôle de la mouche du coche et aiguillonne le Capitaine sur son opinion politique. Il représente l’attitude d’une grande majorité de gens devant les Nazis : passif, complice, pour ne pas dire collabo. Il met en valeur la position du Capitaine par rapport au nazisme.
Quelles sont les difficultés inhérentes à ce rôle et à cette production ?
C’est très différent de ce que j’ai l’habitude de jouer. Dans la comédie musicale, les personnages sont plus réalistes. Dans l’opérette ou l’opéra comique, ils sont très caractérisés pour ne pas dire caricaturaux. Ici, par exemple, la relation entre Maria et le Capitaine est une vraie histoire. Elle est peut-être à l’eau de rose mais il faut la jouer.
Quant à Max, ce n’est pas juste un rôle de caractère. Il doit faire rire, mais sous la légèreté, il faut créer le malaise, montrer son ambiguïté et sa problématique.
Enfin, mon plus gros défi concerne la langue anglaise. Je suis le seul Français avec Julie [NDLR : Julie Fuchs, alternante dans le rôle de Maria]. J’ai déjà joué des opéras anglais mais c’est la première fois que j’ai autant de texte parlé. C’est un vrai défi.
En tout cas, j’ai joué dans beaucoup de pièces, comme Véronique, où je n’avais quasiment que du texte parlé. Certains chanteurs n’aiment pas avoir trop de dialogues, moi j’adore ! J’aime pouvoir être ambivalent.