L »Alphoméga, les larmes de silicone

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Le pro­jet de théâtre musi­cal L’Alphomé­ga a démar­ré en 2000, et a fait l’ob­jet d’une pre­mière édi­tion en CD (vente directe sur le site inter­net de l’Alphomé­ga). Après plusieurs représen­ta­tions scéniques en 2001 et 2002, l’équipe créa­trice livre une édi­tion CD  » 2e ver­sion  » plus aboutie et enrichie de l’ex­péri­ence des artistes sur les planches.

Pour ceux qui ne con­nais­sent pas (encore), l’Alphomé­ga nous trans­porte dans une société future menée par le dic­ta­teur Cor­vo. Seule une poignée de résis­tants, armés de leur con­science et leur savoir, ose s’op­pos­er au régime autori­taire et alié­nant. Ceux ci enga­gent la lutte pour éviter l’im­plan­ta­tion d’une puce de sil­i­cone dans les nou­veaux-nés, qui sig­ni­fierait une soumis­sion totale des esprits à la seule volon­té de Corvo.

Le style musi­cal de l’Alphomé­ga tient beau­coup du  » rock pro­gres­sif  » avec des longues chan­sons aux textes  » bavards « . Par con­séquent, l’oeu­vre a les qual­ités et les défauts du genre. Coté qual­ité, le généreux déploiement musi­cal offre des trem­plins à des envolées mélodiques majestueuses. La par­ti­tion est généreuse­ment orchestrée et par­fois har­mon­isée à plusieurs voix. Comme la tex­ture instru­men­tale est étof­fée (notam­ment avec des vio­lons et des vents), la matière musi­cale est aéri­enne, riche et séduisante. En con­trepar­tie elle son­nera lour­de­ment à quelques oreilles, notam­ment celles qui préfèrent une musique plus  » facile « . 

L’Alphomé­ga réclame des voix. Les femmes sont les per­son­nages les plus atti­rants car elles sont por­teuses d’un douloureux déchire­ment entre amour et devoir. Elles ont de bien belles chan­sons ( Aime, Peur, Femmes Sol­dats, Soumise). A leurs cotés les hommes sont mus par leur devoirs guer­ri­ers (Anesthésie, Un monde, Haine, Un savant). Les moments forts rési­dent dans les ensem­bles, sources d’af­fron­te­ment d’amour ou de guerre. La réserve porte sur les textes peu évi­dents à suiv­re. Leur effi­cac­ité au théâtre n’est pas garantie à cause de leur den­sité, qui les rend plus apte à la lec­ture qu’à l’é­coute. Dans la dis­tri­b­u­tion, les pros vien­nent épauler des voix  » locales  » et tirent admirable­ment leur épin­gle du jeu : Thier­ry Gondet (superbe Un monde), Nico­las Sage et la très belle vocale­ment Nathalie Lher­mitte. Mal­gré toutes leurs qual­ités, les chan­sons sont évidem­ment trop longues pour fig­ur­er dans un hit parade, sauf peut-être Deux mille cent qui a l’al­lure d’un tube.

Les auteurs avaient Star­ma­nia de Berg­er et Pla­m­on­don en tête lorsqu’ils se sont lancés dans le pro­jet l’Alphomé­ga. Le thème a une cer­taine par­en­té. Avec ce CD, nous dis­posons d’une belle ver­sion d’une oeu­vre recom­mand­able à bien des égards. Il est né dans le secteur asso­ci­atif, et grâce à ses qual­ités il a fait venir des voix de haut cal­i­bre et un pub­lic région­al. Le chemin par­cou­ru est déjà extra­or­di­naire. Voici que l’Alphomé­ga tente sa chance dans la cour des grands. Il a les qual­ités qui jus­ti­fient une telle per­sévérance. Puis­sent les vents souf­fler encore favor­able­ment, c’est tout le mal qu’on lui souhaite.