De et par Michèle Guigon, coécriture et mise en scène Susy Firth, collaboration artistique Anne Artigau, lumières Marie Vincent.
Critique parue lors des représentations au Lucernaire :
Tout d’abord monter jusqu’au paradis… C’est en effet dans le théâtre rouge du Lucernaire que Michèle Guigon se produit depuis le 24 juin. Seule en scène pendant 90 minutes, la comédienne se raconte, et avec quel talent. La voix est posée, le geste précis. Peu à peu les spectateurs, regroupés dans l’intimité de ce paradis qui n’a rien d’artificiel, se laissent enchanter.
Nous apprenons que comédienne, c’est une vocation d’enfance. Elle a d’ailleurs loupé volontairement son bac scientifique pour éviter de « faire docteur », comme le souhaitait sa mère. Elle a plutôt « fait malade, c’est dans la même branche ». De maladie, en l’occurrence de son cancer aujourd’hui vaincu, il en est effectivement question. Mais attention, la construction toute en finesse du spectacle ne plombe en rien le propos. La vie va où ? repose sur cette vie précieuse, ce désir d’aller de l’avant, d’apprendre encore et toujours. Si une morale devait s’en dégager, ce serait le fameux « carpe diem ». Avec délicatesse la comédienne n’assène jamais la vérité, ni même sa vérité. Elle parle d’elle, à chacun de se faire son propre parcours. Elle en appelle à l’enfance, à l’apprentissage de la vie, à ses saisons, à l’automne qui s’installe et impose de nouvelles contraintes.
Il est également question de musique. Suivant le conseil de son père, la petite Michèle se met à l’accordéon. Elle en joue divinement et chante quelques chansons subtiles, drôles et poignantes. Quant à la mélodie toute simple de « La valse de la vie », composée alors que la comédienne musicienne subit un tumulte intérieur terrible dû aux traitements lourds, elle est tout simplement élégiaque et semble ne pouvoir être jouée que par cet instrument magnifique.
A l’issue de la représentation il vous faudra sans doute un petit moment pour quitter cette bulle intime dans laquelle s’est jouée une petite leçon de philosophie appliquée portant toute la marque d’un vécu simple et en même temps extraordinaire. Juste le temps de descendre du paradis pour retrouver la rue, ses bruits et ses odeurs. Nulle mélancolie, nulle déprime : juste l’envie de profiter tranquillement de cette vie, étonnante et complexe, et de dire un grand merci à cette comédienne hors norme.
A la fin du mois d’août la comédienne devra quitter le paradis. Mais pour une bonne cause : son spectacle est en effet prolongé au Lucernaire, dans la salle toute noire, à 18h30 jusqu’au 16 octobre. De toute manière, quel que soit le lieu, l’état de grâce dans lequel Michèle Guigon et son accordéon nous plonge, restera intact.