La Fabrique (Critique)

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    De Hugo Horsin.

    Mise en scène : Hugo Horsin.

    Avec Wohan Azzam, Eti­enne Belin-Debray, Marie-Alix de Bag­neaux, Clé­ment Bron­del, Flo­rent Ches­né ou Alexan­dre Faitrouni, Kevin Dar­gaud, Pauline Deshons ou Lau­ra Tur­cat­ti, Hugo Horsin, Julie Lavergne ou Eva Zink, Mor­gane Nairaud, Camille Bernon ou Tatiana Spivakova.

    Une pièce bur­lesque, musi­cale, poé­tique, poly­glotte, clow­nesque, ten­dre, famil­iale, indus­trielle, sonore, russe, far­felue, super, kitsch, cocasse, per­cus­sive, per­cu­tante, chi­noise, fes­tive, mécanique, ludique, arti­sanale, pas vue à la télé (mais bien­tôt), décalée, lumineuse, volu­mineuse, tout public…

    Il était une fois, une usine. Un lieu mécanique, automa­tique et en plas­tique. On y suit les déboires d’une dizaine d’ou­vri­ers sur­veil­lés par une direc­trice dont le pou­voir lui monte un peu trop à la tête. Les jours se ressem­blent, un air de « vélo, boulot, dodo » et le tra­vail à la chaîne déteint dan­gereuse­ment sur les employés. Lorsque l’un d’en­tre eux les motive à pouss­er la chan­son­nette durant une pause-déje­uner, les tra­vailleurs goû­tent alors à un soupçon de lib­erté… Mais jusqu’à quand ?

    Notre avis :

    Dif­fi­cile de ne pas être séduit par ce spec­ta­cle qui, tout empreint de mod­estie, avec peu de décors, quelques acces­soires mais beau­coup d’inventivité, véhicule une pro­fonde human­ité et dont le pro­pos prend tout son relief, à l’heure où l’actualité regorge des dif­fi­cultés du monde de l’industrie, de la délo­cal­i­sa­tion des usines et des con­séquences sur les employés. Ces derniers sont représen­tés ici déshu­man­isés par le tra­vail à la chaîne et tyran­nisés par une patronne aux allures de Sovi­et suprême. Devenus les anti-héros de cette fable, ils se réfugient, dès qu’ils sont sans sur­veil­lance, dans la musique, dernier havre de bien-être – puis de con­tes­ta­tion – dans une atmo­sphère mis­éra­biliste et oppres­sante. Sous son aspect un peu minable, et mal­gré des karaokés désas­treux et des choré­gra­phies pathé­tiques, leur groupe vocal trou­ve pour­tant sa justesse et sa jus­ti­fi­ca­tion car elle leur offre un espace d’expression et une occa­sion de retrou­ver leurs personnalités.

    On rit volon­tiers des décalages entre les per­son­nages, de leurs atti­tudes, de leurs emporte­ments : cha­cun a sa nation­al­ité, son his­toire, ses manies. On savoure les cita­tions et les repris­es de suc­cès inter­na­tionaux (Bil­lie Jean, Water­loo en… sué­dois, Sun­ny, Je ne veux pas tra­vailler…), les sautille­ments pas­sagers (The Bare Nec­ce­si­ties du Livre de la Jun­gle) et les moments de poésie bercés par le Clair de Lune de Debussy. Hormis les chan­sons et les tru­cu­lentes inter­pel­la­tions d’un faux maître de céré­monie indi­en, le texte est qua­si­ment absent : à peine quelques ono­matopées et quelques mono­logues dans divers­es langues du monde ou des sabirs non iden­ti­fiés vien­nent com­pléter un lan­gage plus uni­versel, celui du corps. L’expression passe avant tout par les regards, les mim­iques, le mime, le clown, les rythmes, les bruits récur­rents, les tours de magie…

    Si la suc­ces­sion des tableaux est cer­taine­ment amenée à évoluer vers encore plus de flu­id­ité, les comé­di­ens, tous for­mi­da­bles, camp­ent déjà leurs per­son­nages avec beau­coup de con­vic­tion et de fran­chise. Un spec­ta­cle drôle à décou­vrir, sincère, qui rap­pelle, si c’était néces­saire, com­bi­en la musique fait du bien.