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L’opérette viennoise — Un rêve de valse …

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Elisabeth Schwarzkopf, qui fut une interprète inoubliable de Mozart en ayant tenu trois des rôles des Noces de Figaro ©DR
Elis­a­beth Schwarzkopf, qui fut une inter­prète inou­bli­able de Mozart en ayant tenu trois des rôles des Noces de Figaro ©DR

On par­le rarement d’art ou de musique autrichiens… comme si, dans un pays de carte postale qui évoque tou­jours le monde de Sis­si, la valse et l’opérette étaient indis­so­cia­ble­ment liées à la cap­i­tale plus qu’au pays. Vienne, ville cos­mopo­lite, mul­ti-eth­nique, a tou­jours été bercée par la musique : de la musique de cham­bre, à la musique des églis­es, celle des salons, des auberges; et aus­si, et surtout, partout la danse : aux bals de la cour de l’Em­pire et dans les guinguettes… une musique ali­men­tée, dans tous ces gen­res par les plus bril­lants musi­ciens: Haydn, Beethoven, Mozart, Schu­bert… A cette tra­di­tion musi­cale, s’a­joute aus­si celle du théâtre d’hu­mour: c’est aus­si la ville de la « blague ». Et puis Vienne reste surtout la patrie de la valse.

Le mot « opérette » est d’o­rig­ine autrichienne
Dès le 18e siè­cle, on jouait à Vienne des pièces avec musique, d’o­rig­ine ital­i­enne ou alle­mande. On utilise très vite le mot « opérette » dès 1730. Ces titres sont pour la plu­part, à ten­dance comi­co-par­o­dique, et beau­coup d’autres féeriques. En 1777, l’Em­pereur Joseph II fonde le « Nation­alop­erette », et y fait jouer Les mineurs, opérette de Umlarf, con­sid­éré comme le pre­mier singspiel en alle­mand joué à Vienne. Une bonne ving­taine de com­pos­i­teurs vont émerg­er, dont Mozart, qui lui fera de véri­ta­bles opéras.

Au début du 19e siè­cle, appa­raît Johann Nepo­muk Nestroy, dont le ton sar­cas­tique se glisse dans des par­o­dies qui ne respectent plus rien : il va ain­si pré­par­er le ter­rain à Offen­bach, et par là, à l’opérette clas­sique vien­noise. Tout rap­proche alors Vienne de Paris, leur raf­fine­ment, leur amour du théâtre et de l’élé­gance, et c’est naturelle­ment qu’Of­fen­bach pose ses valis­es à Vienne. Une pre­mière fois, où il fait représen­ter Les deux aveu­gles en 1856, puis revient en 1859, dans une ville qui lui réserve un accueil chaleureux. En 1861, il y présente Orphée aux Enfers avec sa troupe des Bouffes-Parisiens. Mais le pub­lic de Vienne ne pou­vait se con­tenter d’oeu­vres français­es: le suc­cès d’Of­fen­bach fit naître des voca­tions, qui allaient s’in­spir­er plus inten­sé­ment des racines pro­fondes des vien­nois : ouvrant ain­si la voie à Sup­pé et à Strauss.

Sup­pé et Strauss, les rois de l’opérette viennoise
Le 24 avril 1860, on décou­vre Das pen­sion­at, bap­tisé fréquem­ment la pre­mière opérette vien­noise, com­posée par Sup­pé: c’est lui qui le pre­mier réus­sira l’a­mal­game de « l’e­sprit gaulois » et de l’e­sprit vien­nois. En 1865, comme une réponse à La belle Hélène de son maître Offen­bach, Sup­pé pro­pose Die schöne Galathée, pleine de gai­eté et de bon­homie, avec déjà ces valses envelop­pantes, et ces galops épuisants.

Le ter­rain était donc enfin tout pré­paré pour l’ar­rivée du roi de la valse, Johann Strauss, avec notam­ment sa Chauve-souris. Les années pas­sant, l’opérette vien­noise se démar­que de plus en plus de l’opérette française, sans pour autant que les dif­férences ne devi­en­nent par trop fla­grantes. En effet, jusqu’au début du 20e siè­cle, les sujets sont sou­vent emprun­tés au réper­toire théâ­tral français : ain­si, La veuve joyeuse qui trou­ve son orig­ine dans une pièce de Meilhac.

Les prin­ci­paux suc­cès de Sup­pé furent Fatinitza, Boc­ca­cio et Douna Juani­ta. Johann Strauss, après avoir con­quis le pub­lic avec ses valses tour­bil­lon­nantes, devien­dra le roi de l’opérette. Il sera la coqueluche des Vien­nois, tout comme Offen­bach reste celle des Parisiens. Il se fait con­naître avec Le car­naval à Rome et surtout, en 1874, c’est La chauve-souris, un éter­nel hymne à la valse. « Cette Fle­d­er­maus au par­fum invin­ci­ble, dont chaque note restera tou­jours imprégnée » dira Rey­nal­do Hahn. Suiv­ent Le prince Math­usalem et La Guerre des femmes. En 1885, Strauss renoue avec le tri­om­phe en don­nant Le baron tzi­gane. Sang vien­nois, résul­tat d’une com­pi­la­tion des ses musiques et valses, est créé en 1899, quelques mois après sa mort.

Lehar et les autres
Beau­coup de com­pos­i­teurs écrivirent pour l’opérette, mais peu d’ou­vrages, aujour­d’hui, sont encore représen­tés. On ne peut en revanche oubli­er de men­tion­ner Franz Lehar qui, à son tour, allait offrir à l’opérette de grandes pages avec notam­ment La veuve joyeuse, Le pays du sourire et Le Tzarévitch. On l’a appelé le Puc­ci­ni de l’opérette, ses par­ti­tions pour les chanteurs rival­isant avec les pages les plus dif­fi­ciles des opéras. Sou­vent ses ouvrages sont plus tristes et mélan­col­iques. Au début du siè­cle, il a eu pour rival Oscar Straus (qui n’a aucun lien de par­en­té avec les Strauss père et fils) notam­ment avec le suc­cès de Rêve de valse, et la com­pi­la­tion des Strauss, ain­si que de ses pro­pres musiques pour la créa­tion de Trois valses.

La pre­mière guerre mon­di­ale a porté un coup fatal à l’opérette vien­noise même si l’on assiste encore, sur le tard, à de belles résur­gences de cet esprit fin de règne : Princesse Czardas et Comtesse Mar­itza de Kalmann, Vic­to­ria et son hus­sard de P.Abraham, Sis­sy de Kreisler ou encore l’inépuis­able Auberge du cheval blanc de Benatzky. Comme Offen­bach avait sym­bol­isé un Sec­ond empire dansant sur un vol­can et courant à sa perte, l’opérette vien­noise reste indis­so­cia­ble d’un Empire aus­tro-hon­grois achevant sa décom­po­si­tion dans un feu d’ar­ti­fice théâ­tral et musical.