
Un week-end de janvier. Dans un studio du 10e arrondissement, la troupe de la comédie musicale Anges et Démons répète le numéro final. Aux commandes, Dorine Hollier, auteur et metteur en scène, et Laurent Couson, compositeur et chef d’orchestre intervenant aussi sur scène dans le rôle d’un… chef d’orchestre démiurge. L’histoire raconte comment un magicien-chef d’orchestre a séparé le bien du mal, créant ainsi deux mondes : celui des Anges et celui des Démons… jusqu’au jour où une inconnue vient changer la donne. Tout le spectacle repose sur cette dualité permanente qui se traduit évidemment dans la musique.
De formation classique et jazz, Laurent Couson est compositeur, pianiste et arrangeur. Très vite, il s’intéresse à la comédie musicale parce qu’elle lui permet justement d’exprimer cette dualité. « J’avais envie de réunir la musique jazz et la musique classique, et la comédie musicale est un bon moyen de rassembler ces deux univers. Dans Chicago, par exemple, une formation de cordes côtoie un quartet de jazz. C’est un genre qui offre une grande liberté dans la forme musicale et qui permet d’intégrer plusieurs styles. Et puis, j’aime composer pour des histoires, que ce soit pour des films ou du théâtre musical. »
A ses côtés, Dorine Hollier écrit le livret, les lyrics et assure la mise en scène. « Nous avons voulu travailler sur les contraires, jouer avec les antagonismes, proposer un décalage sur des mondes préétablis, explique-t-elle. »
Cette dualité se traduit aussi dans la distribution puisqu’elle mêle aussi bien des jeunes talents venus du monde de la comédie musicale que de celui du lyrique. Les habitués du théâtre musical français retrouveront des voix et des visages familiers tels que Valéry Rodriguez (Martin Guerre), Vincent Heden (Concha Bonita), Solange Milhaud (Peines de coeur d’une chatte française), Olivier Ruidavet (Vampires) et Alexandre Bonstein (Créatures). « J’interprète un troll méchant, mais qui a de fâcheuses tendances au bien, nous explique celui-ci. C’est un personnage comique qui a quelque chose de très attachant. Ce qui m’a tout de suite plu dans ce projet, c’est qu’il traite du combat entre le bien et le mal mais ne porte jamais de jugement de valeurs. Il y a aussi un univers qui me fait penser à Tim Burton et une richesse musicale qui me fait penser à Stephen Sondheim. »
Sondheim, le célèbre compositeur américain semble effectivement être une des références absolues pour le tandem des créateurs, tout comme pour le cast. « Dans l’équipe, on s’est rendu compte que tout le monde était fan de Sondheim ! remarque Dorine. » A commencer bien sûr par le compositeur… « J’adore son travail, mais aussi celui de Kander et Ebb période Bob Fosse, ainsi que Bernstein, précise Laurent. En fait, j’aime les comédies musicales qui ont une réflexion de pensée, de construction. Je pense qu’on peut divertir tout en faisant passer un message. » Cette préoccupation a donc évidemment été présente lors de l’écriture du livret. « Notre construction est somme toute assez classique, même racinienne parfois, mais ça reste drôle, on ne s’attarde jamais sur quelque chose de tragique, il y a toujours un clin d’oeil et ça se ressent également sur la mise en scène, ajoute Dorine. »
A l’image du troll au bon coeur, d’autres créatures de contes de fées sont également revus et corrigés. On trouve notamment une fée au look atypique, une sorcière très glamour et un diable plutôt sympathique interprété par Valéry Rodriguez. « J’ai tendance aujourd’hui à aller vers des personnages fantaisistes ou méchants, et ce rôle est parfait pour ça, explique le comédien. Ce travail demande des qualités de chanteur et de comédien, et j’aime que la comédie musicale aille dans cette direction plutôt que vers un aspect purement ?variétés’. » A ses côtés, Anne-Laure Savigny campe une jeune première romantique. « Je suis le parcours typique d’une jeune femme qui découvre la vie mais qui sait très bien ce qu’elle veut, ce qui fait qu’elle est très différente d’une ingénue gnan-gnan, précise-t-elle. C’est un caractère en devenir. »
Ces personnages prendront vie pour la première fois à la Maison de la Radio, le 27 février prochain, entourés d’un orchestre de musiciens réunissant des grands noms du classique et du jazz (dont le violoniste Didier Lockwood). « Le futur de ce spectacle dépend des gens qui seront là et de leurs réactions, explique Laurent Couson. Nous espérons en tout cas que ce conte musical divertira et attirera le plus large public par la suite… »