
Chansons
Prologue, Her Name Is Aurora, Over the Wall I, Bluebloods, Dressing Them Up, I Draw the Line, Dear One, Over the Wall II, Where You Are, Marta, I Do Miracles, Gabriel’s Letter/My First Woman, Morphine Tango, You Could Never Shame Me, A Visit/Morphine Tango, She Is a Woman, Gimme Love, Russian Movie/Good Times, The Day After That, Mama It’s Me, Anything for Him, Kiss of the Dpider Woman, Only in the Movies
Synopsis
L’action se situe dans une prison sud-américaine. Molina, un homosexuel interné pour une affaire de mœurs sur mineur, accueille dans sa cellule un nouvel arrivant : Valentin, un opposant politique. Molina est obsédé par Aurora, une fabuleuse actrice de cinéma qui a tenu des rôles nombreux et variés. Il désire partager ses visions avec Valentin, qui préfère l’évocation des femmes de sa vie. Mais les épreuves vont rapprocher les détenus. Les gardiens pressent Molina d’obtenir des noms de complices de la part de Valentin tandis que celui-ci subit des tortures atroces. La figure de Aurora en femme araignée (Spider Woman) — une figure de la mort — apparaît de plus en plus souvent à Molina. Dans un ultime chantage, les gardiens l’exécutent devant Valentin. Durant l’agonie, celui-ci rêve d’un ultime tango avec la femme araignée dans une danse de la mort qui est aussi une délivrance des souffrances terrestres.
Le thème
L’opposition entre le réel sordide et l’imaginaire onirique traduit la lutte entre la barbarie et l’esprit, à l’avantage de ce dernier. L’univers carcéral, montré par des murs et des grilles sur la scène, est froid et métallique. Les gardiens, sans cœur, restent impersonnels. Molina leur oppose son humanité entretenue par ses rêves de cinéma. Malgré la souffrance physique, il maintient une force de vie et d’amour devant laquelle les bourreaux sont impuissants. Conformément aux valeurs religieuses chrétiennes, il entraîne Valentin dans son détachement de martyr, soutenu en cela par la figure mystique d’un ange, la femme araignée, qui l’accompagne jusqu’à la mort.
L’histoire derrière l’histoire
Le film Kiss of the Spider Woman, lui-même tiré du roman de Manuel Puig, a connu un succès retentissant en 1985. Il inspire rapidement à Fred Ebb (texte) puis John Kander (musique) l’idée d’une adaptation pour le théâtre musical. À Broadway, en effet, le tandem est très connu pour ses attaches à Hollywood. L’adaptation de leur Cabaret, en 1972 au cinéma, a été largement récompensée par sept Oscars, notamment pour la réalisation de Bob Fosse et l’interprétation de Liza Minnelli. Peu après, Martin Scorsese leur avait demandé des chansons pour le film New York, New York en 1975. Dans les versions de Liza Minnelli ou Frank Sinatra, la chanson-titre a, depuis, fait le tour du monde. Dans l’autre sens, Kander et Ebb eux-même puiseront des sujets de musicals au cinéma : Woman of the Year en 1981 d’après le film de même titre (de George Stevens — 1942), et Zorba (1968) d’après le film homonyme.
Le musical Kiss of the Spider Woman connaît une longue gestation. Outre Kander et Ebb, l’équipe créatrice comprend le metteur en scène Harold Prince (déjà là lors de l’aventure de Cabaret sur scène), le librettiste Terrence McNally ainsi que les chorégraphes Vincent Paterson et Rob Marshall. La première version en chantier (workshop) a lieu en 1990, et des révisions majeures surviendront jusqu’en 1992, date de la création à Londres. À partir d’un matériau ambitieux de départ, le temps et les moyens consacrés au développement de Kiss ont engendré une partition généreuse et mélodique (entre autres « Dear One », « Where You Are », « Morphine Tango »…). Le spectacle joue à fond sur la dualité entre le douloureux confinement carcéral et l’évasion par le cinéma. Les séquences avec Aurora soufflent des bouffées de rêve glamour soutenu par des chansons exotiques à souhait. Fort de ses succès à Toronto puis Londres, le spectacle re-franchit l’Atlantique pour la création à New York en ayant acquis une maturité certaine avant d’affronter le public américain. Le sens du marketing aidant, une star très sexy succèdera à Chita Rivera, sensationnelle vedette de Broadway, dans le rôle de la femme araignée : Vanessa Williams. Elle soutiendra bien la comparaison sur les planches.
Le musical est le dernier grand succès en date du tandem Kander et Ebb sur la scène de Broadway. Néanmoins, c’est la reprise en 1996 de Chicago, leur spectacle de 1975, qui maintient leur présence sur les planches de New York et Londres au point que Hollywood en a sorti l’adaptation pour le cinéma en 2002. Les rênes du projet avaient été confiées à Rob Marshall, le chorégraphe de Kiss qui était chargé des scènes oniriques de Aurora la Femme araignée. Le savoir-faire acquis auprès de Kander et Ebb a été largement profitable. Le réalisateur exploitera brillamment dans Chicago, le film la superposition des scènes de rêve et de réalité, également dans un univers de prison.
Enregistrements de référence
Comme d’habitude, l’enregistrement de la distribution originale (ici à Londres) reste la priorité. Les interprètes servent la partition avec vaillance et émotion, avec une mention particulière à l’infatigable Chita Rivera. Toutefois la distribution de Broadway avec Vanessa Williams tient bien la route et constitue une excellente alternative.
— Kiss of the Spider Woman, the musical, interprété par le « Original Cast » (Chita Rivera, Brent Carver, Anthony Crivello). Edité par RCA
— Kiss of the Spider Woman, the musical, interprété par le « 1994 Broadway Cast » (Vanessa Williams, Howard McGillin, Brian Stokes Mitchell). Edité par Polygram Records.