Créé à New York le 30 décembre 1948, Kiss me Kate* a diverti les spectateurs 1077 représentations durant. Il aura cependant fallu attendre le nouveau millénaire pour qu’en soit proposé un « revival » sur les planches de Broadway. Mise en scène par Michael Blakemore (City of Angels), cette nouvelle mouture de l’oeuvre de Cole Porter sur un livret de Sam et Bella Spewack avait pour vedettes Brian Stokes Mitchell, Marin Mazzie, Amy Spanger et Michael Berresse. Grand succès public, elle remporta 6 Tony Awards dont celui de la meilleure reprise. Fin 2001, Kiss me Kate est produit au Victoria Theatre de Londres dans la même mise en scène. Mazzie et Berresse reprennent leur rôle accompagnés cette fois de Brent Barrett et Nancy Anderson. Au cours du « run » londonien, Marin Mazzie sera remplacée par Carolee Carmello puis Rachel York (Victor/Victoria). C’est cette dernière version qui nous est proposée aujourd’hui en vidéo.
A une époque où nombre de revivals prennent le parti de moderniser les spectacles en exploitant au maximum les aspects dramatiques qu’ils peuvent contenir (Carousel de Nicholas Hytner, Oklahoma de Trevor Nunn), Kiss me Kate, dans un pur esprit d’entertainment, assume ici, avec vigueur et panache, son caractère délicieusement désuet. On y retrouve, intacte, la trame initiale. Alors qu’a lieu la première représentation d’une nouvelle production de La mégère apprivoisée dans un théâtre de Baltimore, le metteur en scène et son actrice principale se déchirent en coulisses tout en réglant leurs comptes sur scène. Une jeune « cocotte » débutante et son amant, comédien et joueur invétéré, viennent mettre leur grain de sel. Sur ce canevas de boulevard chic, Michael Blakemore concocte un spectacle exquis, plein d’entrain et de style. Ca virevolte dans tous les sens, les couleurs jaillissent, le rythme est effréné. C’est à peine si on a le temps de s’attarder sur les regards de nos deux héros, tout pleins d’une mélancolie bouleversante lorsqu’ils entonnent, chacun à leur tour, le magnifique « So in love ». La chorégraphie de Kathleen Marshall (Soeur de Rob-Chicago-le film) est réjouissante. On citera le « Tom, Dick & Harry » de Bianca et ses soupirants, drôle et enlevé, et le « Too damn hot » qui ouvre la seconde partie, absolument somptueux. Mais l’atout majeur du spectacle reste son casting particulièrement éblouissant. Passée la déception de l’absence, pour ceux qui l’on vue sur scène, de Marin Mazzie**, on se laisse complètement séduire par une Rachel York (Lili/Katherine) au tempérament volcanique. Son interprétation de « I hate men » est un grand moment et prouve, si besoin est, que la comédie musicale américaine, quelques décades déjà avant Stephen Sondheim, savait exploiter pour le meilleur son potentiel théâtral. Certes, le numéro est chanté, mais York lui donne l’aspect d’un véritable monologue dramatique. A ses côtés, Brent Barett (Fred/Petruchio) fait preuve d’un humour élégant et d’une présence imposante. La pétillante Nancy Anderson (Loïs/Bianca) et l’athlétique Michael Berresse (Bill/Lucentio) forment un duo drôle et sexy à souhait. Le reste de la troupe est à l’avenant.
La captation vidéo s’appuie efficacement sur un grand nombre de caméras permettant un déluge de prises de vue, notamment au moment des chorégraphies. La qualité de l’image rend justice aux superbes éclairages et aux couleurs magnifiques du spectacle. Et même si le montage privilégie parfois trop les plans serrés au détriment des plans d’ensemble, et ne rend pas toujours compte de la cohérence des mouvements scéniques (en particulier dans la séquence d’ouverture), l’énergie originale est bien là et l’occasion d’avoir chez soi un chef d’oeuvre de la comédie musicale dans une mise en scène parfaitement à la hauteur est trop rare pour s’en priver. Un seul vrai bémol : l’absence de bonus. Qu’importe, il faut non seulement voir ce DVD de Kiss me Kate mais il FAUT surtout le posséder !!!
* pour plus de renseignements sur Kiss me Kate, voir la rubrique grande oeuvre
**Marin Mazzie a donné une interprétation magistrale de « So in love » lors d’un concert, par ailleurs très moyen, intitulé My favorite Broadway : The Love Songs et disponible en DVD.