Comment est-née l’idée de Ma première fois ?
J’étais intrigué par le succès des Monologues du vagin. Je suis allé voir le spectacle et je me souviens avoir pensé que je n’aurais peut-être pas dû faire partie du public, que c’était un spectacle pour les femmes. Je me suis dit que ce serait intéressant qu’il y ait une pièce sur un autre sujet dont on ne parle pas beaucoup mais qui concerne tout le monde et donc que les hommes pourraient apprécier également. C’est là que j’ai pensé à la première expérience sexuelle, quelque chose qui concerne quasiment chaque être humain sur cette planète !
Vous avez basé votre pièce sur des témoignages mis en ligne sur un site web… Comment avez-vous fait votre sélection ?
Je voulais des histoires variées : drôles, sexy, bouleversantes… J’ai donc cherché des témoignages venant de gens différents des quatre coins du monde. Je voulais aussi des histoires de gens qui avaient planifié leur première fois, des histoires sur le moment qui suit… Il y en avait plus de 40.000 mises en ligne. Ca m’a fait beaucoup de lecture !
Avez-vous vu la version française ?
Oui, hier. J’ai trouvé ça super. J’ai vu le spectacle qui a été joué à travers le monde : Corée, Espagne, Chili, Finlande, etc. Ce qui est intéressant, c’est de voir le spectacle, mais aussi les réactions du public.
Et alors, comment est le public parisien ?
Les Européens sont plus ouverts sur ce sujet par rapport aux Américains. Ils rentrent plus vite dedans et apprécient plus. Le public d’hier passait un très bon moment.
Vous êtes producteur, notamment du revival de Godspell, à Broadway, qui vient de fêter sa centième. Comment ça se passe ?
C’est le premier revival depuis sa création à Broadway il y a quarante ans. Il y a eu une production dans le New Jersey, il y a quelques années. Il était question qu’elle vienne à New York mais ça ne s’est pas fait. J’étais ami avec le chorégraphe et le metteur en scène, et Stephen Schwartz, le compositeur est venu me voir et m’a demandé si ça m’intéresserait de produire le spectacle. Godspell est un classique du musical donc j’étais très intéressé et j’ai signé.
Vous produisez des spectacles très différents : Godspell, des pièces de David Mamet, 13 un musical de Jason Robert Brown… Comment choisissez-vous vos projets ?
Produire pour le théâtre est très difficile et risqué. Il faut vraiment que j’aime l’œuvre, que je sente une connexion professionnelle et personnelle avec elle. Si je ne l’aime pas, je ne peux pas la produire, car c’est trop dur de se lever chaque matin et de travailler péniblement sur quelque chose que l’on n’aime pas. J’aime tous les spectacles que j’ai produits, c’est juste que j’ai un appétit très varié : j’aime différents types de nourriture comme j’aime différents types de spectacles !
Vous avez produit à Broadway et off-Broadway (comme Altar Boyz qui a été un grand succès). Quelle est la différence majeure entre ces deux univers ?
Tout d’abord, d’un point de vue technique, à New York, un théâtre de plus de 500 places est un théâtre de Broadway. De 100 à 499, c’est off-Broadway et en dessous de 100, c’est off-off.
Les budgets sont très différents. Off-Broadway, un budget moyen est entre 1 million et un million et demi de dollars. A Broadway, ça va de 5 à 75 millions ! Off-Broadway vous offre une expérience intime. Vous êtes très près des comédiens. Le spectacle peut être plus pointu. A Broadway, ce sera plus commercial.
Mais la plus grande différence, c’est la quantité de marketing et de promotion qui va avec Broadway. Un touriste arrive à New York : une des premières choses qu’il dit, c’est « Je veux voir un show à Broadway ! ». Ils ne disent pas : « Je veux voir un show off-Broadway ! » Les shows de Broadway ont donc plus de facilité à s’attirer un public.
Vous pensez que les shows off-Broadway prennent plus de risques en termes de sujets ?
Oui, en effet. Pour ceux qui cherchent quelque chose d’un peu plus aventureux, il faut aller off-Broadway. Et puis, n’oublions pas que certains des plus grands musicals sont nés off-Broadway : A Chorus Line, Spring Awakening, Rent… Parfois, cela peut être un tremplin. On prend le risque off-Broadway et si le public réserve un bon accueil, on transfère le spectacle à Broadway.
Pensez-vous que la situation économique a affecté le milieu du spectacle ?
Pas autant qu’on pourrait le penser. Les gens continuent à aller voir des spectacles. Regardez Book of Mormon, Wicked… Le challenge, c’est plutôt pour les shows qui sont au milieu. Les hits sont toujours complets, les autres – ceux qui ne sont pas dans le top 5 – doivent se battre.
Vous avez démarré dans le milieu du théâtre comme régisseur de troupe. Comment fait-on le saut de régisseur de troupe à producteur ?
Et bien… on saute ! Quand j’étais régisseur, je travaillais déjà comme producteur sur Altar Boyz, sur mon temps libre. Quand on monte un business, il y a un moment où il faut quitter son job. J’avais deux spectacles en lesquels je croyais, je me suis dit : c’est le moment. J’ai quitté mon boulot — ça a été une décision très difficile – pour voir si j’étais capable de me lancer seul. J’ai eu de la chance. Les spectacles ont eu du succès.
Vous avez aussi produit la pièce Chinglish, qui vient de fermer à Broadway. En tant que producteur, que ressentez-vous quand un de vos spectacles ne rencontre pas le succès que vous espériez ?
C’est toujours décevant quand un spectacle n’a pas une vie aussi longue que ce que vous aviez envisagé. J’étais très fier de Chinglish. Nous avons pris un grand risque. Nous n’avons pas pris de stars célèbres dans la pièce. Ca nous a peut-être porté préjudice mais je n’en reste pas moins très fier de l’avoir fait et d’avoir essayé. Le spectacle continuera à vivre, en région, à l’étranger. Aussi décevant que cela puisse être, il faut toujours voir le bon côté des choses.
Vous produisez, vous écrivez, vous réalisez… Comment vous définiriez-vous ?
C’est une question difficile. Je crois que je suis un « créateur de théâtre ». Parfois, la création, c’est le fait que je réunisse les bonnes personnes dans une pièce et que je les laisse travailler. Parfois, je dois écrire moi-même. Parfois, je mets en scène. Mais je fais en sorte que les spectacles se créent. J’aime le théâtre. Je suis le plus heureux quand je fais en sorte que du théâtre se crée.