Comme son personnage d’Agnès dans Chance, Julie Victor arrive à notre rendez-vous toute essoufflée et les « pieds en compote ». Comme dans le spectacle, elle pourrait nous chanter « j’ai cru que je n’arriverais jamais, depuis deux heures que j’ai quitté la maison… ».
Cette jeune normande pleine de vie a commencé très tôt ses activités artistiques : piano, théâtre, chant. A 7 ans, elle joue dans ses premiers spectacles. Elle adore l’opéra et prend des cours de chant lyrique. Eclectique dans ses goûts, elle crée à 16 ans avec des amis un groupe de variétés et déjà manifeste son intérêt pour la comédie musicale. « On reprenait entre autres des titres de comédies musicales françaises comme Starmania ». Mais c’est lors de l’année qu’elle passe en Allemagne qu’elle va vraiment découvrir et aimer la comédie musicale. « Là-bas chaque grande ville a une structure dans laquelle se joue à l’année une comédie musicale. C’est ancré dans les moeurs. Ils développent des moyens qu’on n’a absolument pas en France. Moi qui habitais Stuttgart, j’ai pu découvrir ce que c’était que de faire des centaines de kilomètres pour aller voir Sunset Boulevard à Francfort. Grande fan de Lloyd Webber et de Schönberg, j’étais comme une folle là-bas ! J’ai vu aussi Le Bal des Vampires d’après le film de Polanski, c’était fabuleux » se souvient-elle avant d’expliquer « ce que j’aime dans la comédie musicale, c’est le voyage qu’on fait, ça nous emporte pendant deux ou trois heures ».
Lorsqu’elle arrive à Paris, Julie est élève au cours Florent et continue de se perfectionner en chant. D’ailleurs, elle nous précise « je suis encore au Conservatoire National de Boulogne Billancourt en classe de chant lyrique. Pour la variété et la comédie musicale, je prends des cours avec Yaël Benzaquen. Je considère ces différentes techniques vocales comme des instruments. Selon la partition et le style de chanson, je choisis le bon instrument comme un musicien. Ca m’est très utile dans Chance où les genres musicaux sont très variés ». A propos de Chance, Julie reconnaît en avoir eu beaucoup. Après avoir joué pendant deux mois, sous un chapiteau près du Stade de France, dans La Belle et la Bête, un spectacle musical avec des chorégraphies sur glace de Philippe Candeloro, elle rencontre Hervé Devolder, l’auteur-compositeur de Chance. « A l’époque le rôle d’Agnès était déjà distribué, j’ai auditionné pour être doublure. Mais Isabelle Georges, qui devait jouer Agnès, a dû partir pour d’autres engagements. Au départ, Hervé trouvait que j’étais trop jeune pour le rôle mais toute la troupe l’a convaincu en disant « il faut qu’elle essaye, en lui mettant un chignon, des lunettes, un tailleur, avec un bon maquillage… ». Et voilà comment je me suis retrouvée à jouer Agnès ! Finalement, c’est un personnage que j’adore même si au début j’en avais un peu peur. C’est le contraire de moi à tous les niveaux. Mais c’est drôle, je m’amuse beaucoup. Je suis tellement transformée physiquement que lorsque je sors du théâtre, des spectateurs ont parfois du mal à croire que j’étais sur scène ! ».
Quand elle arrive dans la troupe, le spectacle n’est pas encore complètement écrit. « Hervé Devolder a fini de l’écrire en fonction des comédiens qu’il avait choisis, il savait où il voulait nous emmener mais il nous demandait souvent notre avis ». Cet esprit d’équipe, cette aventure collective touchent particulièrement Julie. « On a mis tellement de temps à monter ce spectacle que ça nous a tous soudés et ça, c’est vraiment une force. Ca se sent sur scène où on prend tous beaucoup de plaisir à voir jouer et chanter les autres ». Chance lui tient tellement à coeur que Julie en est sans doute le meilleur avocat. L’action ne se passe-t-elle d’ailleurs pas dans un cabinet d’avocats ? « C’est un spectacle drôle et très innovant construit un peu à la Jacques Demy où chaque personnage a son propre style musical » s’enthousiasme-t-elle « et contrairement à ce que pensent certaines personnes, les mélodies, qui ont l’air facile, sont très élaborées ». Et de s’exclamer en riant mais avec conviction « Hervé Devolder est un génie ! ». Pour Julie, Chance apporte la preuve « qu’on peut aussi faire de belles choses sans être une méga production Louvin/TF1″. Après le Trianon, elle espère bien que l’aventure va continuer. « La troupe n’est pas prête de s’arrêter là, on est tous très motivés. Artistiquement, c’est un bonheur de jouer ce spectacle tous les soirs. On a toujours la même foi ».
Chance n’empêche pas Julie de travailler sur d’autres projets. « J’en ai notamment deux avec Stéphane Laporte dont Liaisons, une comédie musicale qu’il a écrite avec Thierry Boulanger pour la musique. Je travaille aussi sur un album solo dans un style plus variété. J’aimerais pouvoir mener de front ces deux « carrières » : en solo et dans des comédies musicales. En France, on a trop tendance à coller des étiquettes mais moi je refuse le cloisonnement ! »